Brochure ANTIFASCISME - Léon Trotsky
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Léon Trotsky (1879-1940) est un intellectuel et un révolutionnaire russe, qui en 1917 rejoint les bolcheviks. Refusant toutefois la politique de « socialisme dans un seul pays », il est exclu et exilé. Il forme alors la « Quatrième Internationale », mettant en avant une autre interprétation du léninisme que celle existante en Union soviétique.
Bonapartisme et Thermidor
Si Zetkine est restée fidèle à l’Internationale Communiste, Léon Trotsky a rompu avec elle en raison de ses considérations sur ce que devait (ou pouvait) être le socialisme en Union Soviétique. Sa rupture ouverte et revendiquée date de la fin des années 1920, et ses considérations sur le fascisme, datant des années suivantes, reprennent les premières analyses du fascisme en y apportant des explications plus approfondies.
Trotsky conserve l’idée que le fascisme n’est qu’un phénomène temporaire, que le régime ne peut pas se maintenir. Il a d’ailleurs exactement le même point de vue concernant ce qu’il appelle la « bureaucratie » en Union Soviétique. Pour Trotsky, le fascisme et le stalinisme sont en quelque sorte des accidents de l’histoire. La situation n’étant pas assez « mûre », une caste s’approprie le pouvoir.
Trotsky qualifie ce phénomène de bonapartisme en ce qui concerne le fascisme et de Thermidor en ce qui concerne l’Union Soviétique. Le bonapartisme est un phénomène analysé par Karl Marx en France dans l’ouvrage Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte ; Trotsky reprend cette analyse et la généralise, tout comme il reprend le terme de Thermidor à l’histoire de la révolution française.
Le fascisme comme domination d’aventuriers
Dans Qu’est-ce que le national-socialisme?, publié en juin 1933, Trotsky présente ce qui selon lui forme la base sociale du mouvement nazi :
« Le drapeau du national-socialisme fut brandi par des hommes issus des cadres moyens et subalternes de l’ancienne armée. Couverts de décorations, les officiers et les sous-officiers ne pouvaient admettre que leur héroïsme et leurs souffrances aient été perdus pour la patrie, et surtout qu’ils ne leur donnent aucun droit particulier à la reconnaissance du pays. »
Ayant vécu la guerre et étant capable de s’organiser et de prendre des responsabilités, ces soldats perdus étaient motivés pour s’approprier la société car ils se considéraient comme des « chefs » ; pour Trotsky, Hitler représente « la soif de vengeance du soldat humilié » et le nazisme se fonde sur le fait que :
« la petite bourgeoisie, impuissante face au grand capital, espère désormais reconquérir sa dignité sociale en écrasant les ouvriers. »
Le nazisme est alors un mouvement qui tente de stopper la roue de l’histoire, qui tente de faire en sorte que rien ne change, ce qui fait dire à Trotsky que « le national-socialisme rejette le marxisme mais aussi le darwinisme. » L’idéologie raciste sert de moyen pour nier l’histoire: ce qui compte ce n’est plus l’économie, mais la « race ». Ainsi, « le fascisme a amené à la politique les bas-fonds de la société (...), la civilisation capitaliste vomit une barbarie non digérée. »
Dans l’analyse trotskyste, la bourgeoisie n’est pas du tout contente d’avoir affaire à ces aventuriers :
« Ce n’est pas d’un cœur léger que la clique dirigeante pactisa avec ces fascistes qui sentent mauvais. Derrière les parvenus déchaînés, il y a beaucoup, beaucoup trop de poings : c’est là le côté dangereux des chemises brunes ; mais c’est là aussi leur principal avantage, ou, plus exactement, leur unique avantage. »
(Devant la décision, février 1933).
De la même manière, pour Trotsky, le fascisme ne profite pas d’un large soutien des masses, il n’est qu’un coup du sort, un coup de main à la bourgeoisie, mais pas un saut qualitatif nécessitant une stratégie reposant sur l’antifascisme.
Le front unique
Après avoir expliqué que les aventuriers prennent le pouvoir en s’appuyant sur la petite-bourgeoisie, Trotsky pose la question de savoir qui le fascisme sert. Car selon lui, si l’Etat possède une autonomie relative par rapport à l’économie, il ne peut pas la modifier pour autant. Les classes moyennes étant incapable de gérer la société, les aventuriers se vendent en quelque sorte aux grands capitalistes, qui profitent du mouvement de masse fasciste pour réorganiser l’économie en leur faveur et aller vers la guerre.
Ainsi, pour Trotsky, le fascisme ne représente pas une étape totalement nouvelle de l’impérialisme. La lutte contre les fascistes est nécessaire à la révolution, mais il n’y a pas besoin d’« antifascisme » car le fascisme n’est qu’une aide (particulière) au capitalisme, une forme momentanée du pouvoir politique capitaliste.
Durant la seconde guerre mondiale, les trotskystes se sont ainsi opposés à la résistance, considérant que les soldats allemands étaient des ouvriers en uniformes et qu’il fallait les enjoindre à rejoindre le camp de la révolution. C’est le principe de la « révolution permanente », qui s’oppose à la « révolution par étapes. »
Trotsky, dans les années 1930, était le principal critique des positions du Parti Communiste d’Allemagne en ce qui concernait la fondation d’une « action antifasciste » comme front de masse au-dessus des structures communistes et socialistes (notamment dans « La seule voie», 1932), tout comme il a critiqué la stratégie de Front populaire dans l’Etat espagnol et en France. Ce qui est nécessaire selon lui, c’est le « front unique ouvrier », c’est-à-dire l’organisation d’actions bien délimitées, ponctuelles entre structures politiques (par en haut donc). La tactique se fonde sur le principe de « frapper ensemble, marcher séparément »: les masses, voyant qui est réellement révolutionnaire, rejoignent par la suite les trotskystes.