30 Jan 2007

Brochure ANTIFASCISME - Daniel Guérin

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Présentation

Initialement proche de Marceau Pivert au sein de la SFIO puis activiste du Parti Socialiste Ouvrier et Paysan, une organisation à gauche des socialistes et proche de Léon Trotsky, Daniel Guérin finit par rejoindre la « Quatrième Internationale » trotskyste, avant de prôner ensuite une synthèse du marxisme et de l’anarchisme.

Les plébéiens au pouvoir

Publié en 1936, Fascisme et grand capital n’a eu aucun écho à sa publication. Ce n’est qu’à partir des années 1970-1980 que cette oeuvre sera mise en avant par les courants politiques trotskyste et anarchiste.

Fascisme et grand capital s’oppose en effet à l’antifascisme tel qu’il a été conçu par les communistes. Daniel Guérin reprend la conception développée par Léon Trotsky du fascisme comme bonapartisme et la développe longuement. Les fascistes sont selon lui des «plébéiens » (du terme de l’antiquité romaine pour nommer les membres de la « plèbe », de la « populace » par opposition aux aristocrates), qui ont un discours anticapitaliste de façade qui amène les masses à les soutenir, ce qui plaît au grand capital qui empêche ainsi la révolution d’arriver.

Mais, comme dans la théorie trotskyste et à l’opposé de la vision de Dimitrov pour qui les fascistes sont très précisément les représentants de la bourgeoisie impérialiste, Guérin considère que ces « plébéiens » disposent d’une très large autonomie et qu’ils accèdent au pouvoir simplement parce que cela arrange l’industrie lourde. Ils ne sont acceptés par le grand capital que comme un moindre mal; ils sont « utilisés » malgré eux.

Pour Guérin, le fascisme est une « réaction de défense », une tentative du capitalisme de se sauver lui-même de sa propre désintégration. Il ne voit donc pas la guerre comme le produit nécessaire et totalement lié au fascisme, mais comme lié au capitalisme en général. La guerre ne vient pas du fascisme, mais du capitalisme; le capitalisme donne naissance à différents phénomènes, comme le fascisme, ou la guerre. Le fascisme n’est qu’une forme particulière d’Etat, un Etat totalitaire, où la bourgeoisie conserve son « autonomie », même si les plébéiens ont le pouvoir.

Daniel Guérin ne prône ainsi pas l’antifascisme; pendant la seconde guerre mondiale il a défendu le point de vue trotskyste, tout comme en 1936 il avait critiqué le front populaire pour ne pas avoir fait la révolution (« Tout est possible »). Pour Guérin, seul le socialisme s’oppose au fascisme, il ne saurait être question d’étapes, car l’ennemi c’est au fond le capitalisme et pas le fascisme, fascisme qu’il perçoit de fait comme un mouvement extérieur à la hautebourgeoisie.

Contradictions du fascisme

Pour Guérin, il y a une bataille permanente au sein de l’Etat entre les plébéiens et le grand capital, par exemple pour le contrôle de l’armée, mais dans tous les cas le grand capital conserve l’hégémonie. Guérin donne comme exemple le putsch anti-Hitler raté de juillet 1944 ou le rôle du roi italien dans la tentative de renverser Mussolini en juillet 1943 : la bourgeoisie aurait alors tenté de se débarrasser des plébéiens.

Il existe une différence entre fascisme et grand capital :

« Cet ultime épisode prouve que, grâce à l’instrument redoutable de répression qu’il s’est forgé, le fascisme peut se maintenir un moment, même lorsqu’il est abandonné par le grand capital. Le plomb destiné aux travailleurs peut servir aussi à trouer la peau de quelques bourgeois. Mais pas longtemps. Aucun régime politique ne peut gouverner contre la classe qui détient le pouvoir économique. N’en déplaise à quelques naïfs, les vieilles lois qui, de tout temps, ont régi les rapports entre les classes ne se trouvent pas, pour une fois, en défaut. Le fascisme ne les a pas, d’un coup de baguette magique, suspendues. Entre fascisme et grand capital le lien est si intime que le jour où le grand capital lui retire son appui est, pour le fascisme, le commencement de la fin. »

Guérin considère même que le fascisme vit indépendamment des intérêts économiques, qu’il est devenu une « mystique. » Il est très difficile de ne pas voir ici le parallèle entre la position de Guérin et celle des « nationalistes révolutionnaires » :

- les plébéiens « de gauche » (ou les « vrais fascistes » comme les SA , les phalangistes, etc.) ont été liquidés au début du fascisme à la demande du grand capital ;

- le fascisme est une mystique irrationnelle, un mouvement « élémentaire. »

La seule différence est que Guérin rejette les plébéiens, car selon lui ils ne sont en fait que l’expression de la paupérisation des classes moyennes alors que le capitalisme est en crise. Les plébéiens se vendent sciemment; ils «savent » qu’ils ne peuvent gouverner sans le grand capital. En ce sens, Guérin rejette toute existence réelle aux classes moyennes: elles ont suivi le fascisme, elles auraient dû suivre le socialisme, il aurait fallu les convaincre et toute politique par « étapes » en ce sens (comme le front populaire) est selon lui totalement erroné.

Dans La peste brune, Guérin raconte son voyage en Allemagne au début des années 1930 et les impressions laissées par les nazis : leur côté « plébéien», « provocateur », « turbulent».

Le fascisme n’est pour Guérin pas un saut du capitalisme vers autre chose, mais l’expression d’une situation pourrie, d’une classe en perdition, la petite-bourgeoisie, produisant des agitateurs, et d’une classe incapable d’assumer son rôle : le prolétariat.

Les grandes questions: