Noël, une fête de la Nature d'hiver
Submitted by Anonyme (non vérifié)Nous avons vu que Noël est une fête liée au solstice d'hiver. Elle tombe donc au moment le plus sombre de l'année. Mais pas seulement.
Lorsque Noël arrive, fin décembre donc, l'hiver s'installe dans l'hémisphère nord de notre planète (de manière plus ou moins avancée selon les latitudes). La France se situant relativement au nord de l'hémisphère nord, les saisons y sont bien marquées ; en hiver, il fait donc froid.
Une grande part de la Nature se met comme en pause durant l'hiver. Les arbres caduques perdent leur feuilles durant l'automne afin de concentrer leur sève sur leurs organes vitaux pendant l'hiver. La plupart des végétaux ont déjà répandu leurs graines afin de pouvoir se reproduire une fois le printemps revenu. Un bon nombre de mammifères hibernent ou mettent leur métabolisme au ralenti. Les oiseaux qui ne peuvent supporter les températures trop froides ont fait leur grande migration vers des latitudes plus chaudes. Les insectes comme les fourmis ont stocké suffisamment de nourriture pour attendre la fin de l'hiver.
L'hiver est une période de calme importante et nécessaire. L'eau en gelant va craqueler les sols, permettant ainsi qu'ils s'aèrent et laissent passer les jeunes pousses au printemps. Le gel a aussi un effet salvateur en limitant les populations de parasites des arbres
Noël est donc une fête de l'hiver, de la nature d'hiver pour être exact. C'est la fête de la Nature se mettant au ralenti pour mieux relancer le cycle de la vie le printemps venu.
Les décorations et nombre des éléments de la fête de Noël et de la soirée du Réveillon de Noël (qui est typiquement française) sont là pour célébrer la nature d'hiver.
L'orange, par exemple, est un de ces symboles utilisés durant la fête de Noël. En effet, les oranges, comme les clémentines, font partie des rares fruits poussant pendant l'hiver. Avant la généralisation des cadeaux, on offrait une orange comme cadeau aux enfants. Les oranges sont maintenant utilisées pour la décoration (directement ou sous forme de couleur) et rentre dans les ingrédients d'un certain nombre de recettes du dîner du Réveillon de Noël. Dans le même esprit, on peut citer l'utilisation des pommes de pin à des fins décoratives.
La bûche de Noël, qui est également une tradition typiquement française des dîners du Réveillon de Noël, est aussi un bon exemple de la célébration de la Nature d'hiver.
Cette coutume de manger un gâteau roulé en forme de bûche décorée trouve son origine dans une autre coutume datant du Moyen-Age. Les gens se chauffant avec du bois brûlant dans une cheminée, la pièce principale des maisonnées était celle contenant la cheminée. Et durant les froides soirées d'hiver toute la famille se retrouvait autour du feu.
En France, les gens avaient pris pour habitude de faire flamber une grosse bûche de buis ou de laurier (deux arbres aux feuillages persistants) la veille de Noël ; cette « bûche de Noël » devant être assez grosse pour brûler plusieurs jours. Cette coutume a commencé à disparaître avec l'apparition de poêle à bois puis du chauffage central. Mais, comme pour les oranges, elle a été maintenue en l'intégrant dans le repas du Réveillon de Noël français sous la forme du gâteau le clôturant.
Déjà durant l'Antiquité, que ce soit lors des Saturnales romaines ou des fêtes du solstice celtiques, les gens décoraient leurs maisons avec des branches d'arbres aux feuilles persistantes : gui, houx, buis, laurier, lierre, conifères, etc. Ces arbres et arbustes ne perdant pas leurs feuilles en hiver, ils étaient donc logiquement associés à l'immortalité et sont les représentants de la Nature et de la vie perdurant malgré l'hiver.
Cette coutume a bien sûr perduré dans la fête de Noël. Si le gui a été abandonné pour la célébration de Noël car renvoyant trop fortement aux croyances pré-chrétiennes des Celtes, on la retrouve en France dans les couronnes faites de branches de houx à baies rouges, souvent associées avec des brindilles de clématites et des pommes de pin, qui décorent les portes d'entrée des maisons. Le houx est aussi utilisé afin de décorer les murs intérieurs des maisons ou la table du repas de Réveillon. On retrouve souvent une feuille de houx en plastique comme décoration sur la bûche de Noël clôturant le repas.
On en arrive là à la question du « sapin de Noël » (consistant en fait bien souvent en la cime d'un épicéa), qui est aujourd'hui un élément central non seulement de la décoration, mais aussi du déroulement de la fête de Noël. En effet, c'est au pied du sapin que l'on dépose les cadeaux qui seront offerts durant la fête. Son installation et sa décoration participe des moments forts familiaux précédant la fête ; au point qu'il apparaît comme étant le symbole principal de la fête aux yeux de beaucoup.
Si son établissement comme élément central généralisé est relativement récent en France, l'existence de cette coutume est ancienne et au cœur d'une lutte importante quant à la symbolisation que doit revêtir la fête.
Dans l'est de la France et certaines zones de montagnes, les gens avaient pour habitude d'utiliser des branches de conifères (dont le sapin) à la place du houx pour décorer les portes des maisons durant la fête de Noël. L'épicéa lui-même était déjà considéré par les celtes comme l'arbre du mois de décembre et donc du solstice.
Les premières utilisations d'un sapin entier décoré durant la fête de Noël remontent à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle dans les grandes villes d'Alsace.
L'arbre est un symbole de vie quasiment universel. On peut citer l'arbre-monde Yggdrasil des religions nordiques, les dieux-arbres celtes, les cultes des arbres japonais, l'arbre de vie Etz Haim de la Kabbale juive, etc. Les raison en sont simples.
Les arbres vivant très longtemps, ils apparaissent comme étant quasi-immortels et sont des repères persistant au-delà des génération. Ils sont aussi ceux qui prodiguent la vie puisque les hommes se nourrissent de leurs fruits dont la production est renouvelée chaque année.
Cet aspect est bien sûr aussi présent dans la religion chrétienne sous la forme de l'arbre de vie et de l'arbre de la connaissance placés par Dieu au centre de l’Éden. Il est dit ainsi dans la Bible :
Et Yahweh Dieu fit pousser du sol toute espèce d'arbres agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
(Genèse 2.9)
et
Et Dieu dit: Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture
(Genèse 1.29)
Encore aujourd'hui, il est une coutume toujours tenace dans les campagnes françaises de planter un arbre à la naissance d'un enfant. On voit donc bien le rapport entre le symbolisme de l'arbre et celui de la naissance, qui est justement un des aspects de Noël lié au solstice comme renaissance du Soleil.
L'utilisation du « sapin de Noël » poussée par les protestants luthériens se répand rapidement en Europe centrale, de l'est et du Nord, que ce soit dans les zones gagnées par la Réforme, les zones orthodoxes mais aussi celle toujours catholiques. La Réforme s'est appuyée sur des traditions déjà fortement présentes chez les peuples nordiques et slaves de décorations et d'utilisation de sapin comme support de célébration à cette période de l'année. Le « sapin de Noël » a par contre été interdit initialement au Royaume-Uni par les anglicans ainsi qu'aux États-Unis par les puritains.
L' « arbre de Noël », en général un sapin ou un épicéa, était considéré par les luthériens comme représentant l'arbre de vie dont il est fait mention dans la Genèse. Il était donc décoré de fruits comme des pommes, des noix, etc. On y plaçait aussi des bougies qu'on allumait le soir de Noël, symbole renvoyant là au solstice d'hiver compris comme affirmation du « Christ de lumière ».
Les bougies sont aujourd'hui en général remplacées par des guirlandes électriques, et les fruits par les « boules de Noël » en verre ou en plastique et souvent décorées de paysages évoquant l'hiver. Les premières « boules de Noël » ont été créées par des verriers en 1858 en Moselle suite à un hiver très rude qui avait empêcher la récolte des pommes utilisées pour la décoration du sapin.
A partir du XIXe siècle, le « sapin de Noël » est aussi et surtout utilisé par les protestants comme support pédagogique devant permettre au croyant de réfléchir à sa place dans le monde et le cycle de la vie. Les églises protestantes s'appuient ainsi sur une expression des Psaumes présentant le croyant comme un « arbre toujours vert » :
« Heureux l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, Ne s'arrête pas dans la voie des pécheurs Et ne s'assied pas dans le cercle des moqueurs,
Mais qui prend son plaisir dans la loi de l'Éternel Et médite sa loi jour et nuit.
Il est comme un arbre planté près des eaux courantes, Qui donne son fruit en sa saison Et dont le feuillage ne se flétrit point ; Tout ce qu'il fait, il le mène à bien. »
(Psaumes 1.1-3)
Le développement du sapin a été bloqué dans les masses française par le catholicisme et le mouvement de Contre-Réforme qui a popularisé les crèches de Noël comme support de catéchèse (un dispositif pédagogique autour de la foi chrétienne) afin de contrer la progression de la Réforme dans les masses.
Les premières crèches vivantes représentant la naissance de Jésus Christ sont apparues en Italie au XIIIe siècle dans les églises franciscaines, puis sont créées des crèches non-vivantes sous formes de statues mises en scène. A partir du XVe siècle apparaissent les crèches mécanisées et les crèches composées de petites figurines.
Les jésuites, conscients de l'importance culturelle de la fête de Noël dans les masses, décident de les généraliser dans la cadre de la Contre-Réforme catholique à partir de la fin du XVe siècle, dans une perspective baroque et « christocentriste ». C'est-à-dire dans le but d'éliminer tout ce qui ne fait pas directement référence à Jésus Christ dans la fête de Noël. Les protestants, eux, se sont fortement opposés à ces représentations qu'ils jugeaient comme relevant de la superstition et de l'idolâtrie (au même titre que le culte des saints par exemple).
La pratique des crèches fut interdite durant la Révolution française ; les révolutionnaires souhaitant remplacé le catholicisme par le culte « rationnel » de l’Être-Suprême (dans lequel la symbolique autour des arbres tient d'ailleurs une place importante). Mais elle fut de nouveau autorisée et appuyée pour se répandre dans les masses sous Napoléon.
C'est à partir du XIXe siècle que les petites crèches commencent à être produites industriellement et se généralisent dans les maisons françaises. C'est aussi à cette époque que les crèches mécanisées apparaissent en masse dans les rues hors des églises sous formes de mises en scènes grotesques typiquement baroques. Ces crèches mécanisées sont toujours présentes dans les vitrines de la plupart des grands magasins en France.
Bien que présent à la cour des Rois de France depuis la fin du XVIIIe siècle, le « sapin de Noël » se développe en France comme élément central de décoration des maisons après la guerre franco-prussienne de 1871 qui a entraîné l'émigration massive de personnes venant d'Alsace et de Lorraine refusant de devenir prussien. Dans les villes, il remplace petit à petit la cheminée comme lieu où l'on place les cadeaux qui seront distribués, jusqu'à devenir généralisé après la Seconde Guerre Mondiale.
L'apparition puis l'instauration du sapin de Noël comme élément central des fêtes de Noël n'est en fait, comme on le voit, pas du tout une « réminiscence païenne ». En réalité, il apparaît au sein des villes et à l'époque des débuts du mouvement d'affirmation de l'abstraction et de la science par la bourgeoisie face au féodalisme. Ce mouvement qui avait initialement pris la forme du protestantisme a historiquement échoué en France face au mouvement de Contre-Réforme catholique, pour prendre d'autres formes par la suite.
Le sapin est un symbole de la Nature et de la vie qui n'est ni un homme (comme Jésus Christ), ni un dieu (comme durant l'Antiquité). Le sapin est un symbole de l'humanité commençant à se penser en dehors d'elle-même, à penser le monde et la Nature pour eux-mêmes.
Cet aspect historiquement progressiste du sapin de Noël est plus ou moins saisi par les réactionnaires. Ceux-ci, portés par la montée du fascisme, ont lancé ces dernières années une lutte culturelle pour réimposer les crèches comme des éléments centraux de la fête de Noël. Ils en font même un symbole, que ce soit pour les réimposer dans les écoles ou les espaces publics ou pour les populariser de nouveau dans les masses. Cette lutte pour les crèches est en fait une lutte contre la Nature, pour replacer l'Humanité comme seule réalité à prendre en compte.
Ainsi Noël, en plus d'être une fête du solstice d'hiver, est aussi la principale fête de la Nature d'hiver. C'est une fête de la Nature qui a été élevée à un haut niveau d'abstraction par le catholicisme puis la protestantisme, amenant ainsi l'humanité vers le matérialisme et la prise en compte de la Nature en tant que réalité matérielle concrète.
Noël c'est la fête de la Nature qui se maintient et se perpétue envers et contre tout.