Florange : le social-chauvinisme au service du fascisme
Submitted by Anonyme (non vérifié)Dans plusieurs communiqués très brefs, l'Union Communiste Internationaliste / Lutte Ouvrière (LO) s'est prononcée pour la nationalisation de l’aciérie ArcelorMittal de Florange. En raison de son opportunisme politique, l'organisation trotskiste abandonne tout sans-blanc d'économie politique marxiste pour sombrer dans le populisme anti- « patron » et participer objectivement au renforcement du nationalisme.
Au début lorsque Montebourg avait annoncé sa volonté de nationalisation, LO ne critiquait pas l'idée en soi mais, parlant des indemnités, expliquait que « si l’opération se réalisait, ce serait tout bénéf pour Mittal, qui, parions-le, ne dirait même pas merci. »
Ce point de vue absurde faisait fi de toute économie politique, niant les contradictions inter-impérialistes et la tendance qu'ont les monopoles a justement tout monopoliser. Le monopole ArcelorMittal n'a certainement pas intérêt à ce qu'un autre groupe produise de l'acier à Florange, et s'il veut bien officiellement revendre les haut-fourneaux, c'est que les dirigeants du groupe savent que personne n'en veut sans le reste des infrastructures du site (la filière dite froide). Pour un monopole, posséder du capital même inutilisé, est nécessaire dans la mesure où tant qu'il est inutilisé, il ne fonctionne pas au profit de la concurrence. C'est le principe des monopoles que de tenter d'asphyxier la concurrence.
Ici, LO ne comprend pas que l'actualité du mode de production capitaliste n'est pas la « libre-concurrence » et le libéralisme économique pour faire de l'argent à tout prix, mais le renforcement du capitalisme monopoliste de manière agressive. Ce qui se joue à Florange, c'est une tension inter-impérialiste, dans la continuité de la soumission du groupe Arcelor (lié à l'impérialisme français) par le groupe Mittal-Steel (lié aux impérialismes anglais et américain).
Il est donc absurde de pointer du doigt l’indemnisation en cas de nationalisation et dire que cela serait « tout bénéf pour Mittal ». Mais voici le communiqué de Nathalie Arthaud, plus « officiel », publié quelques jours plus tard :
« À l’approche de la date butoir du 1er décembre afin de trouver un repreneur pour le site de Florange, ArcelorMittal refuse d’envisager la vente de l’ensemble du site.
Arnaud Montebourg brandit la menace d’une « nationalisation à titre transitoire ». Mais qu’il le fasse donc ! Pour le moment, il ne fait qu’en parler.
Les jours prochains diront s’il y aura une suite même à cet innocent projet de « nationaliser temporairement » ou s’il ne s’agit que d’un coup de bluff politique.
Mais le mot « nationalisation » n’a d’intérêt pour les travailleurs et pour la population de la région que s’il va avec la garantie de maintenir tous les emplois menacés à Florange et s’il ne s’agit pas de « nationaliser » avec rachat, c’est-à-dire de subventionner en fait un licencieur.
Mittal a déjà beaucoup gagné avec cette usine, directement par l’exploitation de ses ouvriers, indirectement par l’argent qu’il a touché du côté de l’État.
Nationalisation sans indemnité ni rachat avec le maintien de tous les emplois, voilà la seule attitude juste vis-à-vis de ce patron richissime. »
Ce communiqué est en lui-même un modèle tellement son niveau d'économie politique est lamentable. Mais, il ne faisait qu'annoncer la suite, la réaction de la porte-parole de LO après l'annonce d'abandon de la nationalisation ce week-end :
« Le gouvernement Hollande-Ayrault s’est une fois de plus aplati face à Mittal : il renonce à la nationalisation et à chercher un nouveau repreneur et les hauts-fourneaux de Florange, à l’arrêt depuis un an et demi, ne redémarreront pas.
Le gouvernement parle des « engagements » de Mittal, alors que même Hollande a dit et redit que Mittal n’avait jamais tenu ses engagements. Pourquoi les tiendrait-il davantage à l’avenir ? Mittal fait des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Et quelles sont les contreparties que l’Etat a données à Mittal ? Dans cet accord, Ayrault a annoncé que l’Etat s’était engagé à payer de son côté pour le projet Ulcos qui bénéficiera à Florange. Combien de millions le gouvernement va mettre sur la table en plus des 150 millions prévus par Sarkozy ? Et si Mittal renonce temporairement au plan social à Florange, cela ne donnera pas de travail aux centaines d’intérimaires et de sous-traitants qui ont déjà perdu leur travail. Une fois de plus, le gouvernement capitule face au grand patronat.
Alors qu’il faudrait imposer au grand patronat de payer pour maintenir les emplois et garantir tous les salaires, c’est l’Etat qui paye ! Alors que le grand capital est censé investir pour faire des profits, c’est l’Etat qui met des millions d’argent public pour des profits privés.
Après les fanfaronnades de Montebourg et la reculade de Hollande, les travailleurs de Florange se sentent trahis.
Puisque le gouvernement n’a pas le courage d’imposer à la bourgeoisie d’assumer les dégâts de sa crise, il appartiendra aux travailleurs de l’imposer au travers de leur lutte collective. »
Dans ses communiqués, LO ne critique pas la proposition de nationalisation ; elle y est favorable.
Pour cette organisation, Montebourg ferait des « fanfaronnades » révolutionnaires mais en fait n’assumerait pas son programme. Selon ce point de vue, la nationalisation aurait été dans le bon sens mais le gouvernement de Hollande aurait finalement plié devant le « grand patronat ».
Notre point de vue est que c'est exactement l'inverse qui se produit ! Et que parler de « grand patronat » ne signifie pas grand chose !
La nationalisation de Florange n'est pas une bonne chose en soi pour la classe ouvrière et les masses populaires de France. Elle ne signifierait pas un renforcement de la lutte des classes en faveur de la lutte pour la socialisation de la production entre les mains du prolétariat comme le prétend dans le fond LO. Au contraire, comme nous l'avons expliqué la nationalisation de Florange constituerait un renforcement de la bourgeoisie impérialiste française et du capitalisme monopoliste d’État, dans un processus pré-fasciste.
C'est la raison pour laquelle Marine Le Pen est depuis longtemps favorable à la nationalisation de Florange, ainsi qu'un certain nombre de personnalités politiques françaises, notamment néogaullistes.
Ce qui s'est passé ce week-end avec les explications par le président Hollande et son premier ministre Jean-Marc Ayrault comme quoi la nationalisation n'était pas à l'ordre du jour, ce n'est pas une « reculade » face au groupe ArcelorMittal. Ce n'est pas face à Lakshmi Mittal, le « propriétaire » du groupe ArcelorMittal que François Hollande a décidé de soi-disant « reculer ».
Le président à la tête de l’Etat impérialiste français ne décide pas en fonction d'un PDG d'une entreprise étrangère, cela ne tient pas. A moins de considérer comme le font les fascistes que la France ne serait pas une puissance impérialiste mais une colonie ou une semi-colonie !
François Hollande représente une fraction particulière de la bourgeoisie française, une fraction « planiste » qui comme nous l'avons vu est liée aux groupes monopolistes français et favorable au capitalisme monopoliste d’État, mais qui dans le même temps veut encore composer avec de larges parts de la bourgeoisie industrielle.
Ce qui s'est passé ce week-end sur le plan politique, c'est que le gouvernement de François Hollande a montré qu'il ne voulait pas se mettre à dos une large part de la bourgeoisie indusrtrielle française, assez libérale et croyant au mythe de la concurrence. Cette partie de la bourgeoisie était « choquée » par cette façon de procéder comme l'exprimait la présidente du MEDEF. Mais surtout, elle sentait bien que ce serait le début de la prise en main directe des monopoles impérialistes sur toute l'économie et donc de la fin pour elle.
Mais surtout, dans le fond, la nationalisation de Florange ne rentre pas dans les « plans » du Parti Socialiste pour moderniser et tenter de ré-impulser l'impérialisme français. Autrement dit, il n'est pas question pour eux de se couper aussi brutalement des structures de l'Union Européenne d'un coté et de l'impérialisme américain de l'autre. La nationalisation de Florange signifierait que l'impérialisme français a décidé de faire « cavalier seul », ce que François Hollande ne peut pas assumer en raison de sa position au sein de la bourgeoisie française.
En ignorant toutes ces questions, en faisant fi des contradictions au sein de la bourgeoisie et en abandonnant l'économie politique, LO se retrouve, par opportunisme, à participer à l'élan, au mouvement de fond en faveur du nationalisme.
Ce qui s'est joué ce week-end avec la mise sur la touche de Montebourg, c'est un moment important dans la bataille que mène la bourgeoisie impérialiste pour renforcer le nationalisme. A première vue, on pourrai considérer que le nationalisme a perdu un bataille, que les fractions démocratiques, libérales, classiques de la bourgeoisie ont totalement la main. Mais en vérité, avec des épisodes comme celui de ce week-end, le nationalisme et donc le fascisme se renforce largement. Il acquiert même une légitimité au sein des masses.
Pour tenter de se maintenir, la social-démocratie française a besoin de l'agitation sociale-chauvine de Montebourg. Mais ainsi, elle « joue avec le feu » car elle ne peut pas assumer sa ligne jusqu'au bout et se coupe de plus en plus des masses. Surtout avec quelqu'un d'aussi peu crédible qu'Arnaud Montebourg capable d'annoncer sa démission le samedi et de se rétracter le lendemain. Ce genre d'attitude ne passe pas devant les masses prolétaires, et c'est le mouvement nationaliste, avec aujourd'hui Marine Le Pen à sa tête qui en profite.
Et il se renforce en profitant de l'appui des forces venues de la gauche qui ont tout fait depuis plus d'une semaine pour expliquer que la nationalisation de Florange, la mesure prônée depuis longtemps par Marine Le Pen, serait une véritable mesure socialiste.
LO, mais aussi le NPA, les syndicalistes et bien sûr le Front de Gauche, tous, plus ou moins volontairement, plus ou moins directement, font vivre une dynamique sociale-chauvine.
Aujourd'hui, Marine Le Pen est la grande gagnante de cette affaire. Elle se place comme une force responsable et sociale qui « vous l'avait bien dit » alors qu'elle a tout le monde à dos. Cela est terrible.
Par opportunisme, Lutte Ouvrière a choisi de miser sur le pragmatisme et l'urgence en défendant la nationalisation, dans la mesure où cela « sauverait » des emplois. Mais la défense de la nationalisation par LO, qui n'a pour seule option pour se démarquer que de faire de la surenchère gauchiste en parlant de « nationalisation sans indemnité », ne vaut pas grand chose à coté du projet nationaliste global de Marine Le Pen si l'on se place d'un point de vue pragmatique d'une partie des prolétaires qui se sait aux porte de la misère.
Le dernier communiqué du FN à ce sujet conclut sereinement :
« Marine Le Pen regrette que le gouvernement n’ait pas profité de cette nouvelle crise de l’acier lorrain pour définir un plan d’ensemble en faveur de la sidérurgie française. Mittal reste l’interlocuteur privilégié du gouvernement, avec tous les risques qu’on connait.
Surtout, aujourd’hui 60 % de l’acier français est importé : c’est intenable. La relance viendra de la mise en place d’un véritable patriotisme économique : protections intelligentes aux frontières contre la concurrence internationale déloyale sur l’acier et priorité donnée à l’acier produit en France dans la consommation nationale. »
Face à cela, sur le terrain de la nationalisation, l'opportunisme de LO n'a aucun poids face à la démagogie pseudo sociale et « responsable » des fascistes.
En vérité, quand Montebourg ne va pas jusqu'au bout, il n'est pas un « mauvais » socialiste ; il est un « mauvais » fasciste. Ce sont donc les fascistes qui profitent de la critique de ses revirements.
Mais derrière leur démagogie sociale, les fascistes ont surtout de véritables plans pour renforcer et redresser l'impérialisme français – c'est le sens de la conclusion du communiqué de Marine Le Pen. Et c'est cela qu'il faut critiquer et analyser.
Au XIXème siècle, la question de la maîtrise de la production d'acier reste importante pour les puissances impérialistes. Cela est encore plus important en période de renforcement de la crise capitaliste, comme cela était le cas dans les années 1930.
Justement, à ce sujet et précisément sur la question de l'acier, il est intéressant de se rappeler l’offensive d’IG Farben, un monopole impérialiste allemand dans les années 1930.
« IG Farben, entreprise de chimie et l’un des principaux monopoles dans le monde alors, envisageait non pas un putsch militaire, mais une dictature populiste profitant de la social-démocratie, ainsi que des « nationaux révolutionnaires ».
Le programme économique devant servir de fondement à cette dictature consistait en un populisme aux dépens d’autres fractions de la bourgeoisie impérialiste, principalement par la nationalisation de l’industrie de l’acier (aux dépens de gens comme Thyssen) et de la Dresdner Bank.
Sur le plan stratégique, IG Farben pose donc une ligne aux dépens de la « fraction américaine », et d’ailleurs prône une alliance avec la France.
Les choses s’accélèrent alors avec les élections du 6 novembre 1932, où le parti nazi recule sur le plan électoral. Il est alors évident que ce n’est que le début du reflux et que les nazis vont perdre du terrain.
Hitler accepte alors la nomination comme vice-chancelier de Gregor Strasser. Mais Thyssen et Schacht interviennent pour empêcher cela : Strasser représente le courant national-révolutionnaire, subordonné à IG Farben.
Les différentes composantes de la bourgeoisie impérialiste firent alors un compromis, car ou Hitler était mis en avant, ou le parti nazi s’effondrait. Hitler fut donc mené chancelier.
Mais si la première étape était la liquidation des structures communistes et socialistes, la prise du pouvoir par Hitler devait forcément être accompagnée d’un second moment : celui de l’affrontement des différentes fractions de la bourgeoisie impérialiste. »
Fascisme et concurrence au sein de la bourgeoisie : schéma général de l’exemple allemand
Avec son opportunisme, LO ne peut pas saisir ces contradictions fondamentales, et surtout les conséquences terribles que cela a contre les masses prolétaires.
En soutenant la nationalisation de l'aciérie de Florange, LO (et tous ceux qui se placent sur la « gauche » du Parti Socialiste) participe en fait au mouvement de renforcement et d'autonomie de l'impérialisme français par rapport aux autres bloc impérialistes.
Derrière la revendication de nationalisation de Florange, il n'y a pas la dictature du prolétariat, il y a le renforcement du capital monopoliste lié à l'impérialisme français.
Ce dont ont besoin les masses prolétaires, ce n'est pas d’opportunisme politique et d'urgentisme à la LO. Ce dont ont besoin les masses prolétaires c'est du parti de la science, de l'avant garde ouvrière maîtrisant le matérialisme dialectique et l'économie politiques marxistes-léninistes-maoïste !