La petite-bourgeoisie anarchiste passe dans le tiers-mondisme qatari
Submitted by Anonyme (non vérifié)Les anarchistes, ou tout au moins une partie importante d'eux, ont décidé de partir en guerre contre l'islamophobie. Un document a été publié à ce sujet, reproduit plus bas.
C'est une intervention contre l'islamophobie au moment où les Qataris annoncent un fond de 100 millions d'euros pour soutenir la création d'entreprises dans les banlieues françaises.
Du hasard ? Pas du tout, évidemment. Pas plus que l'attaque anarchiste contre Salman Rushdie alors que l'Iran vient d'augmenter de 500 000 dollars la récompense pour l'exécution de celui-ci (récompense désormais à 3,3 millions de dollars).
Les anarchistes ont une idéologie petite-bourgeoise, prônant finalement l'artisanat et l'échelle locale. Il n'est donc nullement étonnant qu'en y ajoutant un peu de « tiers-mondisme », on retrouve les qataris. S'ils permettent d'être « petits patrons », artisans, « à son compte », c'est parfait.
La crise économique fait tomber les masques prétentieux. L'anarchisme ne prétend plus faire la révolution, il est désormais soit un réformisme petit-bourgeois para-syndical, soit un délire ultra-individualiste contre l'Etat et sans projet de société.
Car pour avoir un projet de société, il faut porter la culture et la civilisation, comme le fait la classe ouvrière. Cela est totalement étranger à l'anarchisme, au point que l'appel invente purement et simplement une identité musulmane universelle – reprenant donc l'antienne de l'Arabie Saoudite ou Khomeiny – qui représenterait le « tiers-monde. »
L'appel ose expliquer :
« Dans la parfaite lignée de la structure de « l'orientalisme », l'Occident disqualifie l'Orient par le prisme de l'islamophobie et régénère par là sa pseudo-supériorité morale. Assumée ou dissimulée, cette structure de pensée gangrène une vaste partie du champ politique progressiste. »
Résumer « l'Orient », les peuples de l'Orient, à l'Islam, voilà une absurdité terrifiante, le degré zéro de la culture et de la connaissance des différentes civilisations. On est là dans le pur fantasme petit-bourgeois, au service des Qataris, encore une fois.
Car cet anarchisme à l'origine de l'appel est petit-bourgeois, avec un culte du petit capitalisme « alternatif » (labels de disques, librairies, bars, salons de tatouage, salles de concert, etc.), et une machine à illusions idéologiques maquillant en « révolutionnaire » ce qui se transforme toujours en pur capitalisme une fois passée une certaine taille (comme on a avec l'exemple bien connu du magasin de fringues alternatifs « le goeland », mais on peut penser à tel café reconverti dans un trafic lucratif et illicite, telle librairie reconvertie en emploi de « fonctionnaire-révolutionnaire », etc. etc.).
Alors, ajoutons-y le tiers-mondisme universitaire, on tombe dans le petit capitalisme allié à l’État du Qatar.
C'est un tournant inévitable, montrant bien la nature de classe de l'anarchisme. Car, il faut être sérieux et sérieuse, ce qui est vraiment « islamophobe », si l'on doit accepter ce terme, c'est de parler de l'Islam sans rien n'y connaître. Ça, c'est vraiment « islamophobe », parce que cela tire l'Islam à hue et à dia, dans des interprétations relevant du n'importe quoi.
Nous, communistes, nous savons ce qu'est l'Islam, car nous connaissons la Falsafa, ainsi que des titans comme Avicenne et Averroès. Nous croyons au progrès et savons quel rôle a été celui de l'Islam pour la naissance de la Renaissance et de l'humanisme.
Mais les anarchistes, qu'y connaissent-ils à l'Islam ? Rien ! Sinon déjà ils comprendraient qu'il n'y a pas un Islam, mais plusieurs, dont les deux courants principaux sont le sunnisme et le chiisme, mais avec évidemment de nombreuses variantes en leur sein.
Car l'Islam, comme le christianisme, le bouddhisme ou le confucianisme, est une expression de la civilisation à l'époque du féodalisme avec ses contradictions. Et parmi ses contradictions il y a les aspirations démocratiques des masses sous le joug féodal, et donc de la bourgeoisie, et donc des nations. Mais pour comprendre cela, encore faut-il ne pas croire qu'il suffit de nier abstraitement les choses pour qu'elles cessent d'exister comme le font les anarchistes avec les nations.
Sans parler bien sûr de l'Islam comme style : lorsque Diams est voilée de haut en bas avec un sac Louis Vuitton, n'a-t-on pas le droit de considérer que c'est totalement n'importe quoi, et que cet Islam c'est du capitalisme conservateur, et à ce titre parfaitement méprisable ?
Ou bien quand les Qataris financent de manière pratiquement ouverte les islamistes ultras au Mali, n'a-t-on pas le droit de voir en l'Islam une simple idéologie d'Etat, comme en Iran par ailleurs ?
Encore si les anarchistes parlaient de respecter la foi ou la spiritualité, mais l'appel anarchiste n'en parle même pas. Il critique par contre l'athéisme comme condition obligatoire pour être authentiquement révolutionnaire...
Ce qui est une contradiction facile à expliquer : pour ces anarchistes, être « révolutionnaire » c'est dépassé, être « progressiste » suffit et l'être ce serait soutenir le petit capitalisme « tiers-mondiste », « post-colonial », en acceptant donc l'argent du Qatar.
Car la vérité, et il faut le dire, c'est que depuis le triomphe de la CNT au début des années 1990 (et les signataires sont en partie liés historiquement à celle-ci), l'anarchisme français a abandonné toute idéologie pour soutenir le syndicalisme révolutionnaire anti-idéologique.
L'anarchisme, depuis 20 ans, n'a cessé chaque jour de capituler. Le projet de société communiste libertaire est passé à la trappe au nom des appels à l'auto-organisation, à la lutte. Il n'y a pas de programme, il n'y a pas de morale, il n'y a pas de priorités stratégiques et tactiques.
On est à mille lieux de la CNT espagnole et catalane des années du Front Populaire, qui alliait discipline et programmatique la plus nette.
Et donc les anarchistes, refusant toute cohérence et tout programme, ne peuvent que suivre des tendances : la tendance cléricale franc-maçonne pour la Fédération Anarchiste, la tendance tiers-mondiste pour une partie de la CNT, le trotskysme pour Alternative Libertaire, ... Même les anarcho-syndicalistes sont incapables de forger une culture purement communiste libertaire et une programmatique purement communiste libertaire.
Comment s'étonner après que l'anarchisme s'effondre sur lui-même, basculant dans ses pires travers ultra-individualistes et anti-communistes ?
De la même manière que les trotskystes ont jeté par dessus bord toute référence communiste – à part Lutte Ouvrière, mais c'est dans une tentative historique délirante de devenir le « PC » – les anarchistes ont abandonné toute prétention à faire la révolution, à organiser le soulèvement à l'échelle nationale.
On dirait bien que, comme la crise économique amène la question du pouvoir à se poser, l'anarchisme se transforme en posture individualiste ou en syndicalisme ultra – une même impuissance...
Tout cela n'est que le signe de la décadence totale de toute l'extrême-gauche qui a au final systématiquement refusé d'affronter en profondeur la société bourgeoise française ces vingt dernières années. Elle a cru qu'elle serait portée par des vagues de « syndicalisme ultra » et ne pas avoir à s'embarrasser ni d'idéologie, ni de programme, ni de principes.
L'heure est à l'unification de l'Humanité ou à sa retombée dans la barbarie nationaliste. Ce n'est ni l'Islam, ni le christianisme, ni l'anarchisme défenseur de la petite propriété qui unifieront l'Humanité. Pour cela, il faut révolutionner chaque société humaine, synthétiser chaque aspect des millénaires de culture humaine. Et seul le marxisme-léninisme-maoïsme le permet !
Libertaires et sans-concessions contre l’islamophobie !
Anarchistes, communistes libertaires, anarcho-syndicalistes, autonomes, artistes, organisés ou non-organisés, nous faisons part de notre condamnation totale de l’islamophobie sous toutes ses formes. Nous affirmons que l’islamophobie est une forme de racisme.
Nous avons le désagréable pressentiment, au regard de l’actualité, que l’islamophobie, comme un racisme respectable et vertueux, devient l’un des ressorts privilégiés de la gauche au pouvoir et de la gauche bien-pensante. Nous faisons le constat exaspérant que les thématiques progressistes comme le féminisme, la laïcité ou la liberté d'expression sont régulièrement invoqué pour le justifier. Le fait qu’en février, à peine passé à gauche, le Sénat ait voté une loi d’interdiction de certains emplois aux femmes voilées ne fait que confirmer nos craintes. Il en est de même quant aux comportements et discours néo-coloniaux et racistes du Parti de Gauche et des organisateurs du fameux débat sur « comment faire face au Front national » (sic) à la Fête de l'Humanité(1).
Les conséquences de l’islamophobie sont grandes pour celles et ceux qui la subissent : des lois liberticides votées ces dernières années jusqu’aux discriminations insidieuses, parfois flagrantes (par ex : les 4 animateurs de Gennevilliers suspendus car faisant le ramadan), sans parler des insultes et agressions diverses. Ces attaques racistes risquent fort de croître, et nous devons nous préparer à les combattre sans aucune ambiguïté.
En tant que libertaires nous réfutons et combattons tout raisonnement islamophobe porté au nom de l’idéologie libertaire et avons décidé de l’affirmer clairement par cet appel.
Parce que nous pensons qu’au sein du discours médiatique dominant, journalistique et politique, certains « philosophes », « dessinateurs » et « écrivains » surmédiatisés, comme Michel Onfray, Caroline Fourest ou l’équipe de Charlie Hebdo, participent de cette islamophobie ambiante et de sa propagation en se positionnant parfois comme libertaires, ou en agissant au nom de la tradition et de l’idéologie libertaire.
Parce que nous constatons que certains secteurs de « notre famille politique » sont imprégnés par l’idéologie islamophobe, et cela est insupportable. Cela se traduit au mieux par un désintérêt pour cette question (parfois par une condamnation certes claire de l’islamophobie mais couplée de moult rappels du combat primordial contre l’aliénation religieuse), au pire par le refus de reconnaitre l’islamophobie comme un racisme voire par le fait de s’affirmer islamophobe au nom d’un anticléricalisme primaire importé de contextes historiques différents, voire par des connivences et compromissions inacceptables, heureusement marginales mais pas assez vigoureusement condamnées.
Certaines choses doivent donc être rappelées à nos « camarades ».
NON, le terme islamophobie n’a pas été inventé par le régime iranien pour empêcher la critique de l’islam comme le proclame Caroline Fourest, le terme existait d’ailleurs déjà au début du XXème siècle.
NON, combattre l’islamophobie ne nous fait pas reculer devant les formes d’oppression que peuvent prendre les phénomènes religieux. Nous apportons ainsi notre soutien total à nos camarades en lutte au Maghreb, au Machrek et au Moyen-Orient qui s’opposent à un salafisme qui prend là-bas les formes réactionnaires et fascistes, et cela au plus grand bénéfice de l’impérialisme occidental.
NON, tous les musulmans qui luttent contre les lois islamophobes ne sont pas des crypto-islamistes ni des communautaristes venus faire du prosélytisme ou souhaitant interdire le blasphème. Beaucoup d’entre eux et elles sont des acteurs et actrices du mouvement social à part entière. Ils et elles luttent, s’auto-organisent, se battent pour leurs droits, contre le patriarcat, le racisme et pour la justice sociale au quotidien en revendiquant la spécificité de leurs oppressions et en pointant les contradictions qu’il peut y avoir au sein d’un certain discours « militant ». Critiquer leur façon de s'organiser ou de militer est une chose, les disqualifier par un discours marginalisant et raciste en est une autre.
La critique récurrente qui est faite à ceux qui parlent d'islamophobie(2), est qu'ils sont les porteurs d'un concept qui produirait du communautarisme. Nous disons que l'islamophobie est la politique de l'Etat envers de nombreux fils d'immigrés. Cette politique, il l’avait déjà expérimentée avec certains colonisés. L'islamophobie est bien un instrument de la domination, ce que le Palestinien Edward Saïd décrivait comme « la longue histoire d'intervention impérialiste de l'Occident dans le monde islamique, de l'assaut continu contre sa culture et ses traditions qui constitue un élément normal du discours universitaire et populaire, et (peut-être le plus important) du dédain ouvert avec lequel les aspirations et souhaits des musulmans, et particulièrement des Arabes, sont traités(3). » Dans la parfaite lignée de la structure de « l'orientalisme », l'Occident disqualifie l'Orient par le prisme de l'islamophobie et régénère par là sa pseudo-supériorité morale. Assumée ou dissimulée, cette structure de pensée gangrène une vaste partie du champ politique progressiste.
L'islamophobie n'est donc pas un concept flottant manié par des militants mal intentionnés, comme certains réactionnaires se plaisent sournoisement à l'inventer, mais une politique de la domination, de l'Etat post-colonial, qui imprime les corps des dominés. Dénoncer l'islamophobie n'est pas non plus l'apanage d'une communauté qui chercherait à se défendre. C'est au contraire un langage raciste de peur permanente qui désigne le paria sous les traits imprécis du musulman. A Salman Rushdie qui affirme lui aussi que l'islamophobie n'existe pas, car les musulmans ne sont pas une race, il faut rappeler, à lui et à tous ceux qui connaissent si mal l'histoire du racisme en Europe, que l'antisémitisme concerne les juifs, qui ne sont pas non plus une race.
Ce langage voudrait aussi imposer une assignation : tout arabe, tout africain, ou parfois tout être, ayant l'islam comme part de sa culture et comme part de son histoire serait un être essentiellement réactionnaire, fondamentalement religieux, et donc incompatible avec les principes fondamentaux républicains - principes par ailleurs complètement désincarnés, qui ne servent que pour justifier cette exclusion. Comme l'a montré Frantz Fanon, le colonisé, « par l'intermédiaire de la religion, ne tient pas compte du colon ». « Par le fatalisme, toute initiative est enlevée à l'oppresseur, la cause des maux, de la misère, du destin revenant à Dieu. L’individu accepte ainsi la dissolution décidée par Dieu, s'aplatit devant le colon et devant le sort et, par une sorte de rééquilibration intérieure, accède à une sérénité de pierre(4). »
Assigner les colonisés, et aujourd'hui les fils d'immigrés, à une religion, relève d'une dynamique de domination expérimentée dans les anciennes colonies. Les islamophobes n'ont peur que d'une chose : que les dominés s'emparent des armes de la critique sociale et de la philosophie, car c'est sur ce terrain que se prépare leur défaite, sur ce terrain que la lutte sociale se déploie et nous réunit.
Au-delà de l’islamophobie, ce problème soulève le peu d’intérêt et d’engagement contre le racisme visant les enfants d’immigrés issus de la colonisation. Ce sont aussi toutes les questions liées aux quartiers populaires qui font les frais d’un déficit d’engagement de la part du mouvement social. Pour preuve le peu de personnes militant contre les violences policières et les crimes racistes et sécuritaires.
Les populations issues de la colonisation, qu’elles soient noires, arabes, musulmanes, habitantes des quartiers populaires, ont décidé de ne plus rester à la place où l’on veut les assigner et s’affirment comme forces politiques en s’auto-organisant. Nous devons avancer côte à côte et lutter contre le racisme sous toutes ses formes, de toutes nos forces.
L’islamophobie dominante, encouragée par tous les pouvoirs occidentaux, est aussi l’occasion de diviser ceux qui devraient s’unir, et unir ceux qui devraient être divisés. Dans une société régie par le spectacle, elle a en outre pour fonction de jeter de vastes écrans de fumée sur les réalités sociales. Ne tombons donc pas dans le piège !
Enfin ce problème pose aussi la question d’une sorte d’injonction à l’athéisme, condition sine qua non pour prendre part à la guerre sociale et militer dans une organisation libertaire. Il serait donc impossible ou infondé d’exprimer sa foi si l’on est croyant, tout en partageant certaines convictions progressistes. Nous nous opposons à l’essentialisation des croyants et du phénomène religieux, qui se fait sans donner la parole aux premiers concernés, et qui nous conduit aujourd’hui aux pires amalgames.
Notre opposition sans concession à l’islamophobie, en tant que libertaires, doit se faire entendre sur cette question. Nous sommes aussi le reflet d’un certain nombre de contradictions: de même que nous sommes traversés par les rapports de domination sexistes ou homophobes, ce qui est aujourd’hui (plus ou moins!) reconnu par le mouvement libertaire, nous devons reconnaitre l’être aussi par les rapports de domination racistes, postcoloniaux et faire le travail qui s’impose, dans le contexte social où l'on se trouve.
Contre cette arme coloniale de division massive et de « régénération du racisme » qu’est l’islamophobie, contre la construction d’un nouvel ennemi intérieur, nous affirmons en tant que libertaires notre solidarité avec celles et ceux qui luttent et s’auto-organisent contre cette oppression, et appelons au sursaut antiraciste partout pour les mois et les années à venir.
1. Article de Pierre Tevanian et Saïd Bouamama : Caroline Fourest, l'incendiaire qui crie « au feu! »
http://blogs.mediapart.fr/edition/les-i ... rie-au-feu
2. Voir les propos du très libéral Nasser Suleyman Gabryel qui récuse carrément l’usage du mot : http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html
3. Edward W. Saïd, L’Islam dans les médias.
4. Frantz Fanon, Les damnés de la terre.
Premiers signataires :
Nicolas Pasadena (Alternative Libertaire), Skalpel, E.one et Akye (BBoyKonsian-Première Ligne), Fred Alpi, Samuel Idir (Journal L'Autrement), Docteur Louarn (CNT- Brhz), K-listo (Soledad), Aodren Le Duff (CNT), Subversive ways, Yly, Sophie B (CNT), George Franco, Marouane Taharouri (Alternative Libertaire), JM Smoothie (CNT-BBoyKonsian), Elie Octave (Sud-Etudiant), Haythem Msabhi - Mouvement Désobéissance (Tunisie), Rabaa Skik (Artiste plasticienne), Zack O'Malek (Journal L'Autrement), Rola Ezzedine (Professeur d'histoire), Isabelle Vallade (Collectif Bordonor)...