16 mai 2015

Manger du tofu pour être écologiste

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« C'était de l'humour vert ! Je n'ai rien contre le tofu ni les vegan !!! » a cru bon d'expliquer Emmanuelle Cosse, responsable d'Europe Ecologie les verts, après une petite blague qu'elle a faite.

A l'occasion de la prochaine conférence de l'ONU sur le climat, son parti a créé un « générateur » sur internet, où l'on peut associer le texte que l'on veut et le slogan « je sauve le climat ». Emmanuelle Cosse a créé ainsi une affiche où l'on peut lire « je hais le tofu, mais je change le climat ».

C'était grossier et stupide et naturellement propice à des critiques. On sait bien qu'environ 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent des élevages, donc plus que le secteur des transports. A quoi s'ajoute l’ammoniac produit par les animaux, contribuant aux pluies acides, l'érosion des sols, la pollution des eaux, alors que l'élevage s'accapare pareillement 30 % de la surface émergée de la terre.

La tendance va grandissante, puisque les animaux utilisés dans l'agro-industrie – pour la viande et le lait – forment 20 % de toute la biomasse animale terrestre et que le chiffre grandit chaque jour : la production mondiale de viande devrait passer de 229 millions de tonnes en 1999/2001 à 465 millions de tonnes en 2050, celle du lait de 580 à 1043 millions de tonnes.

Il est, vu ce constat édifiant, très étonnant de voir Emmanuelle Cosse décider de pratique un « humour vert » à ce sujet. Le tofu est le symbole du refus du système de l'élevage industriel, nullement d'ailleurs uniquement pour des questions écologistes, mais également pour des raisons morales.

Pour cette raison, les propos d'Emmanuelle Cosse sont doublement anti-démocratiques. Tout d'abord, il y a le refus de prendre sérieusement en compte, de manière matérialiste, la réalité des choix humains concernant la reproduction de la vie réelle – ce que Karl Marx appelle le mode de production.

Accéder à l'article sur Crise du capitalisme et intensification de la productionQuand on parle de choix, il vaut mieux préciser ici que l'humanité n'a pas choisi : elle se voit déterminée par la réalité matérielle et la dynamique propre au mode de production.

Tout le monde sait bien que le mode de production capitaliste, par l'intensification de la production – y compris et notamment dans le secteur employant les animaux (voir à ce sujet l'article Crise du capitalisme et intensification de la productivité : le rôle des animaux dans la chute tendancielle du taux de profit) – amène des destructions profondes de l'environnement.

La Chine actuelle est un exemple connu de cette évolution qui fut accélérée chez elle : en 40 ans la Chine est passée d'un modèle de développement planifié et équilibré au capitalisme le plus sauvage provoquant des dégâts écologiques sans précèdent ; l'image de Pékin littéralement noyé dans le smog est on ne peut plus révélatrice.

Mais bien sûr cette tendance est mondiale. Il n'y a pas vraiment de quoi rire et ici Emmanuelle Cosse témoigne d'une prise à la légère des choses qui s'avère typiquement française.

Le second aspect anti-démocratique concerne le choix de gens à ne pas vouloir nuire physiquement ou psychologiquement aux animaux. C'est un choix discutable, pouvant parfois relever d'une misanthropie anti-sociale et nihiliste, mais pouvant tout autant relever d'un esprit communiste utopique et pacifique.

On ne saurait partant de là disqualifier un tel choix, et on devrait même considérer, justement dans une optique authentiquement démocratique, que c'est un choix correct moralement.

C'est justement cette dimension morale qui dérange Emmanuelle Cosse, plus que tout autre chose. L'esprit petit-bourgeois en général, et français en particulier, déteste qu'on lui fasse la morale, qu'on lui donne des leçons.

Son esprit plein de morgue et de relativisme hautain s'imagine au-dessus de la réalité matérielle ; baignant dans son soi individualiste et allant pratiquement au solipsisme qui l'amène à se considérer comme la seule vraie réalité dans le monde, un tel esprit ne saurait se remettre en cause, et doit donc rejeter tout ce qui pourrait l'amener à cela.

Cette histoire de tofu, aussi banal qu'elle ait l'air, témoigne des deux approches antagoniques de notre époque : l'idéalisme et le matérialisme. Le matérialisme reconnaît la réalité et, franchement, à part un type sans coeur placé dans des conditions culturelles et sociales indigne, personne ne veut faire boucher.

Mais il faut poser la question : c'est précisément ce qu'Emmanuelle Cosse ne veut pas faire. La raison est toute trouvée : le petit-bourgeois, lorsqu'il n'est pas allié et guidé par la classe ouvrière, rêve d'être un grand bourgeois ; rien n'a de prise sur lui, il fantasme, il rêve, il cautionne tout du moment que cela satisfait son hypothétique carrière.

Le petit-bourgeois oscille entre les deux, porteur au sens strict ni de l'un ni de l'autre, toujours prêt à se compromettre, à reculer, à ne pas assumer. Avec son « humour vert », Emmanuelle Cosse maintient ce que tout petit bourgeois sait construire : une porte de sortie pour capituler. C'est dans sa nature de classe.

Cela fait une bonne raison de saluer le tofu et d'en manger pour être écologiste, même si ce tofu est symbolique, car bien entendu on peut très bien se passer de viande ou de lait sans pour autant les « remplacer » par du tofu. Cette « fixette » sur le tofu dit encore bien des choses sur l'incapacité à mener une révolution des mentalités, une révolution culturelle.

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