30 oct 2016

Croix de Feu et P.S.F. - 24e partie : le dispositif bourgeois pour nier le caractère fasciste

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Connaître l'histoire des Croix de Feu et du Parti Social Français est capital pour qui veut comprendre les mentalités et la politique dans notre pays. En effet, ces deux organisations, la seconde étant issue de la première, ont formé ce qui a été historiquement le parti politique français avec le plus d'adhérents, sur une base idéologique et culturelle représentant le fascisme français.

Là réside d'ailleurs une sorte de secret, que seul le matérialisme dialectique permet de percer : ce dossier est une arme politique, idéologique et culturelle très puissante.

Depuis les années 1950, en effet, le discours officiel établi par l'intermédiaire des historiens bourgeois est que la France a toujours été imperméable au fascisme. Le fascisme, ce serait Marcel Déat et Jacques Doriot, le néo-socialisme et le Parti Populaire Français, c'est-à-dire des structures finalement marginales, n'atteignant pas les larges masses. 

Clef de cette approche, les Croix de Feu et le P.S.F. dirigés par François de La Rocque sont censés être la preuve que ce qui aurait pu être le fascisme serait revenu dans le giron républicain. Dans son ouvrage classique du point de vue bourgeois, La Droite en France, paru en 1954, René Rémond formule cela ainsi :

« Loin d’avoir représenté une forme française du fascisme devant le Front populaire, La Rocque contribua à préserver la France du fascisme. »

Le fils de François de La Rocque, Gilles de La Rocque, mena une inlassable activité pour contribuer à cette vision niant le caractère fasciste des Croix de Feu et du P.S.F. et il a dans cette activité eut un grand succès. L'écrivain Gilles Perrault a été par exemple gagné lui aussi, et voici ce qu'il explique dans une lettre à Gilles de La Rocque, le 2 juillet 1985 :

« J’ai été de ceux qui ont méconnu le vrai visage du colonel de La Rocque. Et je n’étais certes pas le seul (…).

L’homme infiniment digne d’estime qui naquit voici cent ans n’a pas eu la chance de rencontrer son destin historique. Les circonstances l’ont voulu ainsi.

Comment ne pas être frappé, à présent que les décennies écoulées mettent les choses et les gens en bonne perspective, par les traits gaulliens de sa démarche politique ?

Mélangé trop hâtivement en son temps à la cohorte des chefs de l’extrême droite, il me semble que les historiens mettront La Rocque à sa juste place, c’est-à-dire parmi ceux qui, démocrates et républicains, voulaient une France régénérée, indépendante, dotée d’institutions la rendant capable de tenir la barre.

Ce rôle échut au général de Gaulle. Nul doute que le colonel de La Rocque aspirait de tout son être à s’en faire l’instrument . »

On a ici un aspect très important, à savoir qu'effectivement, les propositions historiques de François de La Rocque – une république autoritaire basé autour d'un chef et pratiquant la cogestion – vont être directement reprises par le général De Gaulle. Ce qui n'est pas moins qu'ironique quand on sait que le régime de Vichy a directement repris son mot d'ordre Travail Famille Patrie à François de La Rocque !

Citons également une autre lettre, encore destinée à Gilles de La Rocque. Datant du 10 août 1981, écrite par l'historien bourgeois et sénateur socialiste Philippe Machefer, pour une thèse préparée sur le P.S.F. qu'il ne put pas terminer avant son décès, celui-ci écrit : 

« Le PSF s’efforce d’être le défenseur des classes moyennes, à la place des radicaux-socialistes. Il cherche à gagner les éléments modérés du Front populaire, c’est-à-dire les électeurs radicaux-socialistes.

Daladier dans ses notes manuscrites écrit à Itter en 1944-1945 : “Au fond, je crois que La Rocque voulait créer un mouvement national ayant pour but la conquête légale de la majorité.”

La conclusion de cette analyse s’efforce de montrer que La Rocque a su comprendre que le fascisme répugnait à la mentalité française et qu’il fallait renforcer l’autorité du pouvoir exécutif dans la fidélité aux institutions de la République.

Cela et sa volonté de réconciliation nationale annoncent ce que sera plus tard le RPF du général de Gaulle, auquel La Rocque prépare en quelque sorte le terrain par son action dans les masses catholiques jusqu’alors dépolitisées. […]

Le catholicisme social, le vieux fond bonapartiste français, le jacobinisme d’un Clemenceau, ont exercé une plus ou moins forte influence sur la pensée de La Rocque, pensée politique à vrai dire assez peu formée, sans que cette observation marque une critique visant un homme pour lequel, de métier et de tempérament, l’action était la principale valeur.

Cela signifie-t-il un fascisme ? On songe à la glorification de l’action pour l’action chez des hommes comme Mussolini ?

Il est évident que cette interrogation a été au cœur de ma recherche.

Nul doute qu’il n’y ait eu dans le Mouvement Croix-de-Feu, chez certains de ses membres, une imprégnation fasciste. On constate que ces éléments ont quitté l’association, notamment en 1935, pour soutenir Doriot dont le PPF sera, lui, la grande tentative d’organisation du fascisme français.

Lorsque, en 1936, La Rocque refuse de réagir par la force contre la dissolution des ligues prononcée par Léon Blum, Pozzo di Borgo et les éléments les plus durs des Croix-de-Feu refusent de rejoindre les rangs du Parti social français, preuve évidente qu’ils n’y voient pas la reconstitution de la ligue hostile aux institutions de la République qu’ils souhaitaient.

En 1937, c’est le refus d’adhésion du colonel de La Rocque qui fait échouer la tentative de constitution d’un vaste rassemblement hostile à la gauche sous la direction de Jacques Doriot autour du PPF.

Les attaques les plus vives et les chantages les plus odieux, ceux que la presse de l’époque a mis en lumière et qui, de ce fait, relèvent du domaine public, du fait public, sont venus non pas des adversaires “naturels” du PSF, je veux dire des socialistes et des communistes, mais de l’extrême droite réactionnaire ou fascisante.

On en arrive à estimer que, loin d’être en France, le vecteur du fascisme, les formations du colonel de La Rocque ont été, bien au contraire, parmi d’autres facteurs, un obstacle au développement d’un puissant parti fasciste, tel que le Francisme de Bucard ou le PPF de Doriot.

Quelles que soient mes options politiques et sans doute précisément à cause d’elles, je dois à la vérité historique de dire ma profonde conviction, après tant d’années de recherche sur ce sujet, est que le colonel de La Rocque n’était pas fasciste et que, au contraire, il a contribué à barrer la route au fascisme dans les années 30. » 

La chose est entendue : il existe tout un dispositif bourgeois autour de l'explication de la nature des Croix de Feu et du P.S.F. : la raison est bien entendu de nier ce que représente le fascisme en France.

 
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