30 avr 2006

Le mouvement étudiant arnaqué par les syndicats travesti en « victoire pour le mouvement ouvrier et populaire » : les positions du PCOF

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le Parti Communiste des Ouvriers de France fait comme toutes les organisations d'extrême-gauche liées aux syndicats : il fantasme sur une victoire « ouvrière » alors que le mouvement anti-CPE était porté par les étudiants et les travailleurs du secteur public.

Tous les principes communistes ont disparu : l'ennemi n'est plus la bourgeoisie mais le patronat, la cible du mouvement aurait été de manière correcte « le gouvernement et la droite », ce qu'il faut combattre n'est plus le capitalisme mais le « néo-libéralisme », etc.

« Les artifices de langage ne peuvent masquer l'ampleur de cette victoire pour le mouvement ouvrier et populaire et son corollaire, l'ampleur de la défaite politique subie par le gouvernement et la droite.

C'est une victoire de l'unité, de la combativité, c'est une victoire contre l'arbitraire, le mépris d'un gouvernement au service du patronat. » (PCOF : Le CPE est mort, ensemble nous avons gagné, 10/04/2006)

Tout le communiqué du PCOF tourne autour du succès sur la droite : « la réalité de l'échec de toute la droite et du patronat », « qui résistent à la politique néo-libérale que la droite veut imposer », « la victoire du « non » à la constitution européenne néo-libérale », etc.

Où est passé le point de vue communiste sur la classe ouvrière, sur la nécessité de la destruction de l'Etat?

Pourtant miraculeusement, à la fin du communiqué, on trouve cette phrase mystérieuse :

« Ensemble, continuons le combat pour une société où la jeunesse ait un avenir, sans précarité et sans arbitraire et où la priorité soit donnée aux intérêts des ouvriers et des masses populaires. »

D'où vient cette phrase, au contenu a priori correct sur le plan de l'économie politique?

Pour le comprendre, il faut connaître la stratégie « frontiste » du PCOF, il faut analyser son programme politique, qui a comme nom « Programme pour une alternative populaire et démocratique, d'unité contre les monopoles, de solidarité avec les peuples. » 

Il s'agit ici d'un programme anti-monopoliste, d'un programme visant à unir les masses populaires contre une minorité définie comme étant le pouvoir des monopoles.

Le programme du PCOF dit clairement (le passage est souligné par eux) : « Les monopoles, ce sont les grandes entreprises capitalistes.

Leur poids économique leur confère le pouvoir politique sur toute la société, celui d'influencer les idées, de manipuler les esprits.

Une poignée de grands possédants contrôlent ces monopoles.

Cette oligarchie essaie de se camoufler derrière des tecnocrates, des instances de direction anonyme, mais elle existe bien, en chair et en os. »

Le PCOF affirme donc explicitement que l'Etat français est un Etat au service exclusif des monopoles, que ces monopoles sont aux mains d'une oligarchie. Cela signifie ainsi que le régime n'est pas démocratique, qu'il correspond au fascisme.

Le PCOF, dans un document intitulé « Fascisme et fascisation » (mai 2002), explique sa conception ainsi : « Les institutions bourgeoises, toutes républicaines quelles soient, sont d'autant plus réactionnaires que nous sommes au stade de l'impérialisme, capitalisme de monopoles caractérisé, entre autres, par la mainmise directe de ces derniers sur l'appareil d'État.

C'est la base économique de la fascisation de l'État, tendance inhérente à l'impérialisme, qui s'accélère dans les périodes de crise. »

Mais qu'est-ce qui empêche alors que nous ne vivions pas sous le fascisme, puisque la base économique correspond au fascisme? Qu'est-ce qui fait que nous sommes seulement dans une phase de « fascisation »?

Dans ce même document le PCOF l'explique ainsi : « L'oligarchie française n'est pas aujourd'hui divisée sur les grandes orientations de sa politique, comme elle a pu l'être au temps de la collaboration ou de la guerre d'Algérie.

Ce qui ne veut pas dire que des divisions n'existent pas au sein de la bourgeoisie française, ni que les alliances internationales actuelles sont définitives et sans failles..., mais tout simplement que nous n'en sommes pas encore au point où ces contradictions sont tellement aiguës qu'elles ne peuvent être tranchées que par "la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier". »

Le fascisme n'apparaît donc que lorsque l'oligarchie a besoin d'unifier militairement sa direction; néanmoins il y a un problème : le PCOF met expréssement sur le même point l'oligarchie et la bourgeoisie française. 

Mais le concept d'oligarchie s'oppose à celui de bourgeoisie, puisque l'oligarchie est une toute petite couche de la bourgeoisie, celle de la bourgeoisie impérialiste, du capital financier.

Si l'oligarchie a la direction complète de la société, comme cela est explicitement dit, comment peut-on alors savoir si c'est le fascisme ou pas selon que la bourgeoisie française soit divisée ou pas?

C'est une contradiction. Dans un régime démocratique bourgeois c'est la bourgeoisie qui domine; si c'est l'oligarchie alors le régime est nécessairement fasciste, car seule la dictature terroriste peut réprimer les mouvements populaires et satisfaire la marche à la guerre impérialiste.

Le PCOF ne choisit pas : il considère que nous sommes dans une étape intermédiaire, qui justifie une ligne fondée sur la volonté de lutter : le programme du PCOF dit que « La combativité, la solidarité sont nos points d'appui.

L'aspiration au changement, partagée par le plus grand nombre, est le moteur du combat social et politique.

Il nous faut un programme qui nous rassemble, désigne les obstacles à surmonter, les verrous à faire sauter, fixe des priorités et permette de faire gagner le camp du peuple. »

Le moteur du changement est donc « l'aspiration au changement » et la tâche que se donne le PCOF c'est l'élaboration d'un programme et de revendications capables de mobiliser les masses contre les monopoles.

Le PCOF développe donc des thèses tout à fait similaires au PCMLF dont il est issu.

L'article 1 du premier programme du PCMLF (1968) s'intitulait ainsi « Le but du Parti Communiste Marxiste-Léniniste est de renverser le régime des monopoles par la Révolution. »

Le premier communiqué du PCMLF en 1968 (le 5 mai) affirme: « Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France soutient la juste lutte des étudiants contre le pouvoir des monopoles et le fascisme. En effet, le pouvoir des monopoles par sa politique anti-populaire dans le seul but du profit capitaliste amis sur pied un plan, le plan Fouchet destiné à former des cadres technocratiques au service exclusif des monopoles. »

Ce sont exactement les thèses du PCOF aujourd'hui. 

Le 5ème congrès du PCOF en novembre 2002 avait repris les mêmes thèses : « Comme l'a souligné le congrès, à tous les moments importants de la lutte politique et sociale, sur tous les fronts sur lesquels il est engagé, le parti s'est efforcé de donner le point de vue de la classe ouvrière, de travailler à faire grandir l'opposition ouvrière et populaire au diktat des monopoles, à unir les différentes couches du peuple et à développer la solidarité internationale avec les luttes des peuples. »

C'est également parce que le PCOF défend cette ligne qu'il a dit au sujet de la victoire du « non » au référendum sur la constitution européenne: « C'est une immense victoire pour les travailleurs, les masses populaires qui ont fait preuve de courage et de lucidité pour résister au matraquage et à la diabolisation orchestrés par le camp du « oui ». (...)

Cette victoire n'est pas seulement un acte de résistance ; c'est une déclaration de lutte, ensemble, contre le néolibéralisme, cette politique au service exclusif des monopoles. » (29 mai 2005)

Les thèses du PCOF sont-elles justes? Correspondent-elles aux exigences de notre temps?

Le meilleur pour cela est d'étudier les positions politiques du PCOF dans son programme, positions directement issues de la conception générale du PCOF et visant à la formation d'un nouveau gouvernement.

Le programme du PCOF a en effet cet objectif, puisque « les réformes qu'il contient ne cherchent pas à sortir ce système de sa crise mais à renforcer le camp populaire, à défendre ses intérêts et ceux des peuples. Elles sont le socle sur lequel un gouvernement démocratique et populaire peut définir et construire son action de rupture avec la logique du système actuel.

C'est donc un programme de gouvernement, un gouvernement démocratique, anti-monopoliste, populaire, solidaire des peuples. »

Et comme nous allons le voir, ce « programme de gouvernement » s'oppose aux thèses communistes élaborés par Lénine, dont le PCOF se revendique pourtant.

La première thèse consiste par exemple pour le PCOF à dire qu'il faut élargir les droits démocratiques. 

La constitution doit elle être modifiée afin que le pouvoir revienne uniquement à l'assemblée nationale, la modification doit « être le fruit d'un large débat démocratique. » Cette démocratisation générale touche le monde du travail et passe par les référendums d'initiative locale, les comités d'initiative des citoyens, les assemblées générales des travailleurs.

Toute personne vivant sur le territoire français doit avoir le droit de vote.

Ces thèses sont des positions ultra-démocratiques et ne coïncident nullement avec l'analyse faite par Lénine de la démocratie et du socialisme.

Lénine explique précisément que : « Chacun sait que déjà dans son programme le Parti social-démocrate a exprimé sa conviction inflexible que l'entière souveraineté du peuple était indispensable pour satisfaire véritablement les besoins pressants des masses populaires. »

Jusque-là, le PCOF est en accord avec Lénine. Mais ce dernier ajoute immédiatement après : « Si la masse du peuple ne prend en mains le pouvoir d'Etat tout entier, s'il reste ne serait-ce qu'un semblant de pouvoir non élu et non destituable par le peuple et ne dépendant exclusivement du peuple, la satisfaction réelle des besoins dont chacun reconnaît l'importance est impossible. » (Combat pour le pouvoir et combat pour une aumône)

Les positions du PCOF sont ainsi en contradiction avec celles de Lénine. Le PCOF veut que tout le monde puisse voter, mais Lénine exigé la suppression du droit de vote pour les anciennes couches sociales dominantes.

Pourquoi? Parce que chez Lénine il est dit explicitement que les formes populaires démocratiques forment l'Etat, alors que le PCOF « oublie » de le dire. 

Et de fait le PCOF ne le peut pas car pour lui cette organisation démocratique peut se faire dans le capitalisme.

Le programme consiste en fait en des revendications démocratiques au sein même du régime capitaliste, qui aura été forcé de reculer.

Ou comme le programme le dit : « La combinaison de ces formes d'exercices de la démocratie, alliées à la mobilisation des masses, doit permettre de faire appliquer réellement les décisions et de contrôler leur exécution. Elles visent à décupler le rapport de force face aux monopoles. »

La question de l'Etat est escamotée, à un point tel qu'a disparu la conception de la fascisation et de la dictature terroriste ouverte qui pèse comme une lourde menace.

Il n'est plus question que d'un « rapport de force » entre les forces démocratiques et les monopoles.

Ce qui fait pour le PCOF, il est possible dans un régime capitaliste, ou tout au moins est-il au moins juste, de revendiquer « le droit de regard dans toutes les affaires de l'entreprise, sans restriction », « le droit de mobiliser les travailleurs sur le lieu de travail, pendant les heures de travail », « l'interdiction des licenciements économiques collectifs dans les groupes et leurs sous-traitants », « l'instauration d'un salaire minimum décent, systématiquement réévalué », « la restauration et l'amélioration du code du travail », « un revenu garanti pour les chômeurs » ...

Tout cela n'est plus ni moins que la thèse révisionniste moderne du socialisme comme élargissement maximum de la démocratie; cela ressemble comme deux gouttes d'eau au programme de Lutte Ouvrière, et d'ailleurs cela se finance pareillement : « Le financement de toutes ces mesures doit reposer en priorité sur la taxation des profits des monopoles et par celle des grandes fortunes.

Tout détournement, toute fraude de la part du patronat doivent être sévèrement punis. »

Le PCOF considère donc qu'il est possible, dans le cadre d'un régime social dominé par les monopoles, d'obtenir satisfaction et qui plus est de « punir » le patronat. 

Cette thèse est la négation de la nécessité de la dictature du prolétariat.

Le programme du PCOF est impossible à appliquer car il s'oppose aux intérêts de la classe dominante; pouvoir réaliser ce programme signifie avoir le pouvoir, or « l'histoire enseigne qu'aucune classe opprimée n'a jamais accédé au pouvoir et ne pouvait y accéder sans passer par une période de dictature, c'est-à-dire conquérir le pouvoir politique et briser par la violence la résistance la plus acharnée, la plus furieuse, qui ne recule devant aucun crime et que les exploiteurs ont toujours opposée. » (Lénine, Thèse et rapport sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat)

Lénine le dit bien : « La dictature du prolétariat est non seulement tout à fait légitime en tant que moyen de renverser les exploiteurs et de briser leur résistance, mais aussi absolument indispensable pour toute la masse laborieuse en tant qu'unique défense contre la dictature de la bourgeoisie. » (Lénine, Thèse et rapport sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat)

Comment le PCOF peut-il alors élaborer un tel programme et considérer qu'il est applicable dans un régime social dominé par les monopoles?

Pense-t-il vraiment que sans détruire l'Etat et sans avoir le monopole révolutionnaire de la violence, on puisse « interdire les groupes et partis fascistes et racistes »? 

La vérité c'est que le PCOF diffuse des illusions sur le caractère de la société française, que les enseignements communistes sur la nécessité de la dictature du prolétariat ne sont pas assimilés ni défendus.

Le programme du PCOF, c'est le programme d'un front populaire devant aller au socialisme sans entrer en guerre ouverte avec la bourgeoisie.

Le PCOF est le digne successeur du PCMLF dont il est issu, PCMLF fondé dans les années 1960 par des militants exclus du « PCF » pour leur refus d'abandonner les principes du marxisme-léninisme mais qui ont toujours refusé de considérer la révolution culturelle chinoise comme un grand apport au patrimoine communiste.

Pendant que dans les années 1960 l'UJCML puis la Gauche Prolétarienne élaboraient des pratiques de guerre populaire, le PCMLF reprenait le discours « front populaire » du PCF des années 1930, c'est-à-dire un discours où la classe ouvrière doit se plier aux exigences « démocratiques » de la petite-bourgeoisie qui ne veut pas entendre le mot « dictature ».

Le PCOF est tout autant révisionniste que le PCMLF, dont il ne fait d'ailleurs que reprendre mot pour mot le programme. Il peut le faire aisément : il suffit juste d'enlever la référence à la « pensée Mao Zedong », puisque ce n'était qu'une référence verbale sans aucune conséquence idéologique. 

Le programme du PCMLF dit ainsi : : « Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France déclare que son objectif fondamental est le renversement par la révolution de l'État bourgeois, pouvoir des grands monopoles capitalistes, pouvoir qui exploite et opprime les classes laborieuses, et son remplacement par le pouvoir prolétarien, basé sur l'alliance des ouvriers et des paysans pauvres.

Le Parti Communiste Marxiste-léniniste de France s'inspire également :
- de l'expérience historique de la Commune de Paris en 1871 ;
- de la voie universelle de la Révolution russe d'octobre 1917 sous la direction de Lénine et de Staline ;
- de la prise du pouvoir en Albanie sous la direction du camarade Enver Hoxha en 1944 ;
- de la prise du pouvoir en Chine sous la direction du camarade Mao Tsé-toung en 1949. »

Comme on le voit, il n'y aucune référence à la révolution culturelle. 

Dans les années 1970, si l'UJCML avait comme mot d'orde : « Edifions en France un Parti Communiste de l'époque de la révolution culturelle »

le PCMLF disait :  « Créons le PC de France, Parti authentiquement marxiste-léniniste, Parti de l'époque de la pensée Mao Zedong ».

Voilà la source de la décadence : en ne comprenant pas l'importance de la révolution culturelle dans la lutte contre le révisionnisme moderne, le PCMLF n'a pas réussi à rompre avec les erreurs du PCF, il a reproduit le schéma révisionniste, l'interprétation opportuniste de la ligne du PCF concernant le front populaire. 

Tout comme PCF des années 1930, le PCOF ne comprend pas les méthodes de direction, il ne comprend pas la nécessité pour le Parti de guider, voilà pourquoi sa pratique est erronée, voilà pourquoi sa pratique a basculé dans le syndicalisme le plus classique (après une période syndicaliste révolutionnaire passagère), voilà pourquoi le journal « La Forge » suit une ligne ultra-économiste, voilà pourquoi plus rien ne distingue le PCOF aux yeux des masses d'organisations comme Lutte Ouvrière ou Voie Prolétarienne.

C'est la conséquence inévitable d'une ligne politique erronée, selon le principe léniniste : « sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. »

Pour le PCMLM, avril 2006. 

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