La victoire du « peuple de France » est du « jamais vu » : à propos du charabia non-marxiste et ultra-gauchiste triomphaliste du groupe Militant Communiste
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le groupe « Militant Communiste » (MC) prétend défendre parfaitement les thèses de Lénine sur la révolution, mais son analyse de « la victoire contre le CPE » montre que ses positions n'ont rien à voir avec le léninisme et que les concepts non-marxistes prédominent (l'« opinion » (sous-entendu publique), des « bases anti-capitalistes révolutionnaires », « le patronat dirige la société », etc.)
Comme point de départ, prenons cette phrase : « Le peuple de France avance dans la voie du combat frontal avec la bourgeoisie. »
C'est l'un de ses slogans principaux de l'analyse de MC (intitulée « Après la victoire contre le CPE faisons un bilan objectif et tirons les leçons pour construire le camp de la révolution »).
On retrouve ce concept de « peuple » un peu partout dans l'analyse elle-même.
MC dit ainsi que « D'autres combats, plus durs, restent devant notre peuple et devant les communistes ! », « Après la victoire du NON au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen le 29 mai 2005, c'est la deuxième victoire à l'actif du camp du peuple significative du renforcement de ce camp ».
Pour MC, la lutte est ainsi entre le peuple et la bourgeoisie : or, cela ne correspond pas aux enseignements de Lénine, mais à ceux de Dimitrov.
Pour Lénine la lutte est entre le prolétariat et la bourgeoisie, pas entre le peuple et la bourgeoisie; Dimitrov par contre a développé la théorie révisionniste de la « démocratie populaire » comme objectif, objectif remplaçant la dictature du prolétariat.
Et effectivement, dans l'analyse de Militant Communiste on voit que l'objectif - la dictature du prolétariat - n'est pas assumé, alors que l'est par contre le processus électoral bourgeois.
A propos de « la victoire contre le CPE », MC dit ainsi : « Après la victoire du NON au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen le 29 mai 2005, c'est la deuxième victoire à l'actif du camp du peuple significative du renforcement de ce camp et la deuxième défaite pour le pouvoir politique bourgeois. »
Cela signifie que pour MC, l'Etat impérialiste a fait une proposition démocratique - la constitution européenne - et que celle-ci a été démocratiquement refusé et que c'est une victoire qui va dans le sens du socialisme.
Mais Lénine n'a-t-il pas expliqué que « l'impérialisme, c'est la réaction sur toute la ligne »?
« Sur toute la ligne », mais pas dans le cadre d'élections et de référendums, apparemment !
La question de l'importance de la violence révolutionnaire est ainsi pratiquement rejetée; pour MC il est suffisant pour les communistes de « Travailler à l'unité dans la lutte afin de développer le rapport de force » tout en faisant « en même temps un intense travail d'explication politique à l'intérieur du mouvement » pour « gagner sa fraction la plus radicale et pour l'organiser. »
C'est une conception de la construction du Parti qui ne passe donc pas par le fait de poser systématiquement la question du pouvoir, de l'Etat.
Une conséquence inévitable de cette position est la critique non plus de l'Etat, mais simplement du gouvernement.
MC ne se prive pas pour se précipiter dans cette erreur : « Voilà ce que la jeunesse de ce pays a réussi à construire pour faire reculer le pouvoir chiraquien », « Vis-à-vis du gouvernement et du patronat » (en parlant des syndicats).
Ce discours critiquant le gouvernement a sa place chez les socialistes et les trotskystes, chez ceux qui veulent un gouvernement de gauche, mais pas chez les communistes authentiques.
Le pire est que comme Militant Communiste ne peut pas proposer cette ligne ouvertement droitière sans être confondu avec la gauche du « PCF », celle qui défend les années Georges Marchais, il est obligé d'y associer toute une série de points de vue ultra-gauchistes ultra-optimistes : « C'est du jamais vu », « le potentiel formidable de lutte de classe qui existe en France », « combat frontal avec la bourgeoisie », « une opposition de lutte de classe grandissante au sein de la CGT », « l'opposition populaire (...) grandit, se radicalise et peut faire reculer le pouvoir capitaliste », « de contingents importants des masses travailleuses »...
Un groupe droitier politiquement pimentant ses conceptions de triomphalisme, voilà la nature de Militant Communiste, et pour ne pas affronter de manière cohérente l'idéologie le tout est ficelé derrière le mot d'ordre d'unité des marxistes-léninistes.
Quelle ironie de voir ainsi, au milieu de ces propos interprétant de manière hyper radicale une lutte à laquelle n'ont pas participé ni la classe ouvrière ni les travailleurs des entreprises capitalistes, une critique contre ceux « se laissant aller à l'autosatisfaction, à la congratulation générale »!!!
Mais Militant Communiste doit bien justifier son existence. Son idéologie est la même que d'autres, sa pratique aussi, sa théorie aussi, il faut donc mettre en avant un principe : celui de « l'unité »; MC a besoin de se poser en « philosophe », en groupe qui n'en est pas un et qui est au-dessus des autres.
Ses remarques comme quoi « L'absence d'une grande fête collective à l'annonce du retrait du CPE est révélatrice de la lucidité des jeunes sur leur avenir, avec ou sans CPE » sont ainsi à mettre en parallèle avec la position de l'URCF (Union des Révolutionnaires-Communistes de France) pour qui « l'heure est à la fête. »
Mais une fois que l'on sort de ce « principe », il n'y a plus personne.
Comme il est étonnant par exemple que ceux qui défendent le marxisme-léninisme utilisent des concepts aussi peu scientifiques, comme celui de « prolongement du mouvement sur des bases anticapitalistes révolutionnaires » (y a-t-il des bases anticapitaliste non révolutionnaires? Des bases procapitalistes révolutionnaires? Qu'est-ce qu'un prolongement d'un "mouvement social"? Y a-t-il une base sans Parti dirigeant?)
Comme il est étonnant que Militant Communiste, qui se revendique du marxisme-léninisme et critique les maoïstes comme étant des « populistes », utilise le terme de « peuple » de manière autant générale!
Comme il est étonnant que Militant Communiste utilise des expressions comme « tant que le patronat dirigera la société », « une aggravation des pressions patronales sur les conditions d'emploi et sur les salaires », conception non scientifique digne des anarcho-syndicalistes et de leur discours réducteur résumant la bourgeoisie aux patrons!
Peut-on vraiment appeler à l'unité des communistes et distiller des conceptions aussi erronées, autant en opposition avec l'analyse communiste de la crise générale du capitalisme?
Et ne parlons pas du concept d'« opinion » qui est tiré tout droit des instituts de sondage des sociétés composées de « citoyens » : « Chez les partis politiques réformistes de la gauche électorale, ce mouvement aura permis d'éloigner l'opinion de la droite et de la ramener vers la gauche dans la perspective des élections de 2007 », « conquête de l'opinion progressiste » ...
Tout ce charabia non-marxiste montre bien que derrière le radicalisme verbal, dès qu'il faut une analyse de fond, il n'y a plus personne.
Aucune analyse de classe du mouvement anti-CPE, pas de référence politique à la rébellion de novembre 2005, pas d'analyse sur la nature des syndicats dans l'Etat impérialiste...
Et pas de stratégie révolutionnaire à part le fait d'affirmer qu'« il faut construire l'avant-garde unifiée de la classe ouvrière le Parti Communiste Marxiste-Léniniste » : ce n'est pas ce discours sur l'unité qui cachera l'incohérence idéologique de sa démarche et sa nullité sur le plan de l'économie politique.
Pour le PCMLM, avril 2006.