2 nov 2017

Le changement de situation en Catalogne

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La situation en Catalogne a largement modifié son caractère interne depuis un mois et désormais, les choses apparaissent clairement.

Même si on ne connaît pas suffisamment l’Espagne, on en sait en effet suffisamment pour connaître la substance du régime actuel et dans les conditions actuelles, cela suffit.

La prétention de la bourgeoisie catalane à aller à une indépendance sans coups férir, sans confrontation, était une adversité, se situant principalement dans le cadre d’une contradiction au sein des fractions de la bourgeoisie de l’État espagnol.

Cependant, en allant s’installer à Bruxelles pour échapper à la répression, le président catalan destitué Carles Puigdemont a ouvert la boîte de Pandore de la confrontation.

L’ouverture d’un site internet en tant que président en exil – president.exili.eu – témoigne de son choix politique d’assumer la confrontation.

C’est totalement idéaliste de sa part, mais cela provoque une polarisation d’une signification très profonde. Et, en acceptant de participer le 21 novembre aux élections exigées par l’État central espagnol, la majorité des indépendantistes catalans en ont scellé les conséquences.

Soit ceux-ci l’emportent et assument ce qu’ils ont enclenché et ce sera les chars à Barcelone, soit ils échouent, mais la lutte des classes peut reprendre, car la situation aura fait sauter la chape de plomb institutionnelle.

On sait bien, en effet, à quel point l’institutionnalisation des antagonismes est un élément central de l’organisation étatique dans les pays impérialistes, afin de parer à toute émergence de l’antagonisme.

La situation permet ici une marge de manœuvre énorme pour l’antagonisme, soit d’une forme antifasciste, soit d’une forme indépendantiste dans la confrontation avec l’État espagnol dont la constitution de 1978 est dans la continuité du franquisme.

Il ne s’agit pas de voir une continuité linéaire, dans la mesure où la bourgeoisie moderniste a alors commencé à vraiment prendre le dessus sur la bourgeoisie conservatrice. C’est ce que n’a pas vu, malgré son abnégation héroïque, le Parti Communiste d’Espagne (reconstitué), qui a considéré qu’un « retour en arrière » au parlementarisme n’était pas possible.

En réalité, si le PCE(r) avait assumé Mao Zedong, il aurait compris qu’un tel retour était possible sans l’être, de par la nature particulière du fascisme franquiste – de type clérical-oligarchique –, de par le rôle de l’unité européenne économique comme renforcement général des institutions et de par la neutralisation des luttes de classes.

Il s’avère en 2017 que le PCE(r) a donc eu raison sans avoir aison, car ce qui se joue maintenant c’est la stabilité même des pays d’Europe dans le cadre de l’Union Européenne. La crise économique grecque n’a pas fait vaciller le système, grâce à une mobilisation de l’ensemble des grandes puissances européennes, mais cette fois la crise politique espagnole est tellement enracinée que c’est irrattrapable.

Toute la question est précisément de savoir si la base de l'État est encore franquiste ou non. Si on pense que non, alors il n’y a pas de réelle crise, simplement des ajustements. Mais si on pense que oui, alors la contradiction prend un caractère explosif et va faire vaciller la fiction démocratique bourgeoise

Dans tous les cas, une telle instabilité mettrait un terme à la fiction d’une Union Européenne qui aurait dépassé toutes les contradictions propres aux régimes passés.

Evidemment, l’État espagnol va tout faire pour neutraliser au possible l’antagonisme. La date choisie pour les élections ne doit rien au hasard : elle se situe 55 jours après l’annonce de leur tenue, conformément aux principes érigés dans l’autonomie catalane institutionnalisée en 2006.

L’État espagnol n’a pas le choix : il veut détourner l’énergie indépendantiste catalane pour réimpulser ses propres institutions. Il profite des initiatives pro-État central qu’ont été les très grandes manifestations des 8 et 29 octobre 2017 à Barcelone.

Le Premier ministre Mariano Rajoy veut se placer à la tête d’une modernisation de l’État espagnol à travers la crise catalane. Un tel projet doit échouer. Il y a donc lieu de soutenir l’indépendance de la nation catalane, car désormais ce qui se joue c’est la contradiction entre le renforcement de l’État central et la destruction du verrou institutionnel.

En définitive, en arrière-plan, cette contradiction équivaut à celle entre la tradition franquiste dt le républicanisme de 1936.

En tant que communistes, à l’opposé des anarchistes et des trotskystes, nous sommes pour le Front populaire : cela signifie ici soutenir ouvertement, si c’est possible, les forces indépendantistes catalanes, y compris bourgeoises.

Le rôle progressiste de la bourgeoisie catalane est ici un accident historique, une relique du passé, mais cela est propre à la nature particulière du régime espagnol, à sa base catholique, oligarchique et militariste.

Une base que n’ont jamais perdue de vu les révolutionnaires authentiques, le PCE (ML) et le FRAP, ainsi que le PCE(r).

L’Espagne voit sa propre histoire ressurgir, à travers et malgré l’institutionnalisation, la neutralisation des conflits amenés, nécessairement temporairement, par la constitution de 1978 et l’intégration européenne.

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