1 oct 2017

À propos du référendum sur l'autodétermination catalane

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Avec l'organisation illégale par la Catalogne d'un référendum sur l'autodétermination, le piège de la transition « démocratique » de l’État espagnol à la suite du franquisme est en train de se refermer.

L'organisation ce jour d'un référendum en Catalogne pour choisir une éventuelle indépendance est en effet la conséquence inévitable du choix fait en 1975 à la mort de Franco.

En instaurant un régime parlementaire de forme moderne, la bourgeoisie espagnole pensait d'un côté liquider l'opposition antifasciste et de l'autre saper les forces liées au catholicisme, à la réaction, au nationalisme franquiste.

C'est le sens du mouvement culturel appelé la Movida, de l'arrivée des socialistes au gouvernement en 1982, de l'intégration dans la Communauté Économique Européenne en 1986.

Ce mouvement a réussi. Tant le PCE (m-l) et le FRAP que le PCE(r) et les GRAPO, malgré une abnégation héroïque et un sens prolétarien du sacrifice, n'ont pas réussi à saisir les changements de cette transition.

Ils n'ont pas réussi à lire la contradiction entre la bourgeoisie traditionnelle, le cléricalisme, le fascisme, et la bourgeoisie modernisatrice. Or, la réaction cléricale a perdu du terrain, toujours plus, alors que le capitalisme s'élançait, permettant à la bourgeoisie espagnole de s'affirmer en tant que tel.

Et plus elle s'affirmait, plus elle proposait un cadre national fort. Ici, c'est ce que n'a pas compris ETA. Le mouvement basque, dont ETA n'était qu'une expression, a été littéralement aspiré par ce cadre, perdant toute radicalité, toute ligne prolétarienne, pour ne devenir qu'une affirmation nationale acceptant le jeu institutionnel.

Seulement voilà, il y avait une autre nation qui était bien plus puissante qu'Euzkadi, le pays basque : la Catalogne.

Cette nation s'était affirmée brillamment dans la première partie du XXe siècle ; elle a l'une des cibles privilégiées du franquisme. Mais elle a grandement profité du cadre élaboré depuis 1975, sa bourgeoisie est devenue très puissante.

Aussi, la menace pour le cadre institutionnel espagnol « moderne » ne vient plus de l'antifascisme ni de la réaction, mais d'une frange de la bourgeoisie elle-même, qui a bien profité du cadre et entend, pour cette raison, en profiter autant qu'elle peut.

En ce sens, l'affirmation nationale catalane actuelle est résolument bourgeoise. Elle s'appuie unilatéralement sur l'égoïsme. Elle est le fruit direct d'une affirmation bourgeoise permise par la « modernité » ouverte en 1975.

Cependant, cet événement historique ne peut pas être placé en-dehors du contexte historique d'avant 1975, où la nation catalane s'est placée aux côtés de la bataille démocratique en faveur de la République espagnole.

La question posée pour le référendum est d'ailleurs ouvertement anti-franquiste, anti-monarchiste :

« Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d'une république ? »

En ce sens, on peut interpréter l'affirmation catalane comme un piège se refermant sur la bourgeoisie pour sa pseudo-transition de 1975-1982. Les bases de l’État sont, en effet, solidement ancrées dans une définition de type franquiste.

C'est l'Armée qui a le dessus dans bon nombre de prérogatives, dont la défense de l'intégrité territoriale sur la base d'une définition franquiste. C'est la raison pour laquelle plus de dix millions de tracts, dépliants et affiches ont été saisis par la garde civile ces derniers jours afin d'empêcher le référendum sur l'autodétermination. À cela s'ajoute l'arrestation de quatorze membres du gouvernement catalan.

Ce qui n'empêche pas celui-ci, au nom de toute la bourgeoisie catalane, de prôner l'indépendance. Le club de football du FC Barcelone est ici un vecteur bien connu de cette perspective.

En ce sens, on peut bien dire que soutenir l'indépendance de la Catalogne, c'est s'opposer au franquisme dans ce qu'il imprègne l'Espagne, tout comme on peut dire que soutenir la Catalogne, c'est soutenir l'égoïsme national, le chacun pour soi dans la compétition mondiale.

Rappelons à ce titre ici le point de vue communiste authentique, qui n'a rien à voir avec des prétentions nationales-révolutionnaires diverses et variée.

Le soutien à un mouvement d'affirmation nationale n'est jamais automatique, pour les communistes ; ce qui est déterminant, c'est si cela contribue ou non à l'avancée de la révolution mondiale.

Si l'affirmation nationale est démocratique, alors elle rentre dans le cadre de la révolution mondiale ; si elle ne l'est pas, elle ne rentre pas dans ce cadre. Lors de la Seconde Guerre mondiale impérialiste, l'affirmation nationale de la Slovaquie, des Sudètes ou du Tyrol du Sud, pour prendre ces exemples, était réactionnaire, car se soumettant aux plans nazis.

Pareillement, la dissolution de la Tchécoslovaquie en 1992 a été décidée par en haut, sans consultation populaire. L'implosion sanglante de la Yougoslavie la même année, avec la sécession unilatérale de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine, servait clairement un repartage impérialiste.

Inversement, les affirmations catalane et basque pendant la guerre d'Espagne étaient progressistes, car rentrant dans le cadre de la République.

Cette question démocratique est essentielle, car les communistes sont pour le dépassement des nations. Comme le dit Lénine :

« Le socialisme a pour but, non seulement de mettre fin au morcellement de l'humanité en petits États et à tout particularisme des nations, non seulement de rapprocher les nations, mais aussi de réaliser leur fusion. »

La perspective de l'unification est ce qui compte ; à ce titre, mieux vaudrait la révolution socialiste dans toute l'Espagne, par exemple, qu'une simple sortie démocratique de la Catalogne.

En même temps, il faut toujours préférer ce qui est démocratique à ce qui ne l'est pas. Lénine dit ainsi :

« Reconnaître le droit d'autodétermination n'équivaut pas à reconnaître le principe de la fédération.

On peut être un adversaire résolu de ce principe et être partisan du centralisme démocratique, mais préférer la fédération à l'inégalité nationale, comme la seule voie menant au centralisme démocratique intégral.

C'est précisément de ce point de vue que Marx, tout en étant centraliste, préférait même la fédération de l'Irlande avec l'Angleterre à l'assujettissement forcé de l'Irlande par les Anglais. »

Or, il va de soi que la Catalogne n'est pas aujourd'hui dans la situation de l'Irlande avec l'Angleterre par le passé. La bourgeoisie catalane n'est pas non plus la bourgeoisie démocratique des années 1930 ; elle est aujourd'hui nécessairement impérialiste.

Lui confier la Catalogne indépendante, c'est mettre le prolétariat catalan à la remorque du nationalisme, l'emprisonner face au capitalisme.

Faut-il alors cependant l'accepter, afin d'affaiblir le franquisme imprégnant l’État espagnol, et ouvrir la voie aux nations galicienne et basque ?

Comme on le voit, c'est une situation terriblement épineuse. Pour y répondre, il faudrait une analyse matérialiste dialectique de l'Espagne, de son histoire, sa culture, son évolution. C'est ce qu'on appelle une Pensée-Guide.

Etant donné qu'elle n'existe pas encore, impossible d'y voir clair et de saisir la situation de telle manière à en saisir l'aspect principal.

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