La visite du ministre des affaires étrangères français en Inde
Submitted by Anonyme (non vérifié)Les 20 et 21 octobre, le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, était en Inde. Officiellement, il y était afin de participer au lancement d'une version française de l'épopée indienne du Ramayana (avec de splendides miniatures indiennes d'entre le 16ème et 19ème siècles, mais coûtant 900 euros!).
Naturellement, une telle rencontre est très importante pour l'impérialisme français, pour qui l'Inde est un partenaire et un client dans le domaine nucléaire et spatial.
Il faut bien dire « partenaire et client » car si l'Inde est dominée par une bourgeoisie bureaucratique, la dimension du pays lui permet d'assumer un expansionnisme véritable, par rapport au Népal par exemple.
C'est dire si le sort du monde se joue notamment en Inde : plus d'un milliard de personnes penchant dans un sens ou dans l'autre par rapport à la révolution mondiale, voilà qui a son importance.
La révolution indienne a bien une grande importance historique, qui a logiquement toujours été souligné par le PCMLM. Les seuls documents sérieux concernant l'Inde ont d'ailleurs été fournis par le PCMLM et Contre-Informations, parce qu'il faut un regard scientifique sur l'Inde, pays à la situation très compliquée de par les multiples cultures et nationalités, les différents mode de production selon les zones géographiques.
Rappelons ici au passage l'existence de la brochure en ligne consacrée à la révolution indienne, qui présente la situation de ce pays et dans ce pays.
En ce moment donc, la révolution indienne est caractérisée actuellement la difficile positive défensive suite à l'offensive contre-révolutionnaire « Green Hunt », consistant en des campagnes de contre-guérilla.
Cette offensive vise à trois choses : bloquer les succès de la guérilla de ces dernières années, paralyser son développement régional (à l'échelle indienne, cela signifie au niveau d’États de 50 millions de personnes), forcer à négocier et à capituler (selon le modèle népalais).
En pratique, elle consiste en l'envoi de troupes et la signature de chèques à New Delhi pour l'achat de matériel militaire afin de « mater » la rébellion.
Ce qui se heurte à la réalité, ainsi il y a quelques jours, 300 membres de l'unité spéciale de la contre-guérilla « India Reserve Battalion » sont rentrés en grève de la faim pour protester contre le manque de matériel et leur envoi dans une zone à « haut risque. »
Ils ont même jeté des pierres aux officiers ! Cela pourrait prêter à sourire, mais il serait erroné de résumer l'Etat indien réactionnaire à une telle « anecdote. » En effet, l'Etat central est fort, en son centre. Ce qui se passe en périphérie ne l'intéresse pour ainsi dire pas.
L'offensive « Green Hunt » est une sorte d'à côté, un à côté gigantesque dans ses proportions, mais sans réelle incidence pour l’État indien, d'où justement les préparatifs militaires hasardeux, alors qu'en même temps la rencontre avec Alain Juppé est tout ce qu'il y a de plus sérieux pour la construction de centrales nucléaires, les projets de satellites, etc.
Il y a là une contradiction indienne terrible, qu'on peut comprendre aisément par exemple en regardant le classique de Bollywood « La famille indienne » (Kabhi Khushi Kabhie Gham); si les subtilités sur les rapports entre personnes hindoues et musulmanes sont très difficiles à comprendre si l'on ne connaît pas la situation précisément, la contradiction sociale entre les traditions et la volonté d'individualiser sa vie sauteront aux yeux de tout un chacun.
Car l'économie indienne est en plein boom, ce qui amène la naissance d'une petite-bourgeoisie qui veut « faire sa vie. » Les exigences de caste pour les mariages s'étiolent devant la possibilité de se marier avec quelqu'un ayant fait des études d'ingénieur.
Cette même petite-bourgeoisie compte donc pouvoir « s'installer » dans la vie, et c'est cela qui est à la source des récentes protestations massives contre la corruption (en Inde, il faut « graisser la patte » à tous les niveaux, depuis la place pour un match de cricket jusqu'à une place à l'hôpital).
Ce qui contribue bien sûr à l'inflation déjà existante, dans une folle course : rien qu'en août l'inflation était de 10%. En Inde, le capitalisme se généralise, dans une forme bureaucratique et corrompue, parallèlement à un développement économique avec l'accélération des échanges avec les pays impérialistes.
60 millions de tonnes de céréales sont par exemple bloquées dans les entrepôts alors qu'ils auraient dû être distribuées aux plus pauvres : la corruption tourne à plein régime. L'Inde est véritablement coupée en deux : il y a d'un côté ceux qui profitent du boom et arrivent à émerger, et les autres. Pour l'Etat central, peu importe les tonnes de céréales bloquées.
Si l'on considère comme « pauvre » une personne gagnant moins de 1 euro 40 par jour (90 roupie), il y a ainsi 800 millions de personnes pauvres en Inde.
L’État indien ne voit lui pas les choses ainsi : à ses yeux, sont pauvres uniquement les gens ayant moins de 0,40 euro par jour (25 roupies) à la campagne et moins de 0,50 euro par jour en ville (soit 32 roupies).
C'est précisément là qu'interviennent les naxalites. Est-ce une bonne chose, une subversion du « modèle » de développement ? Ou bien est-ce juste une jacquerie dans une partie arriérée du pays, laissée à l'écart et n'intéressant finalement pas le reste du pays en plein changement ?
Si l'on prend le Bengale par exemple, les naxalites ont réussi à regagner du terrain, et par exemple dans le Midnapore occidental, à 150 kilomètres de Calcutta environ, il y a désormais des centres médicaux, des écoles, des routes réparées, des digues, etc.
Mais s'agit-il là d'une révolution démocratique, ou bien d'un développement économique parallèle à celui du reste de l'Inde ? Les naxalites font-ils la révolution, ou accompagnent-ils le développement du capitalisme (bureaucratique) dans le centre (économique) du pays ?
Là est la question centrale.
Et malheureusement, si l'on prend la question culturelle, on doit bien constater que la révolution indienne est arriérée ; le Parti Communiste d'Inde (maoïste) ne produit pas de documents, d'analyses, d'oeuvres culturelles, il est entièrement tourné vers la question militaire et l'établissement d'un front purement démocratique afin de contrer la répression (on doit penser ici à Arundhati Roy, une auteure et intellectuelle engagée ici à ce niveau).
Cela amène par exemple le développement du « Parti Communiste d'Inde Marxiste-Léniniste », une organisation se revendiquant de Mao Zedong mais est en fait révisionniste, qui a beau jeu de critiquer le caractère « anarchiste » des naxalites, leur absence de programme, leur négation des développements actuels du capitalisme indien, etc. etc.
Car la question qui se pose bientôt, à très court terme, est celle de la classe ouvrière indienne. Rien ne serait plus absurde que de résumer le maoïsme à une théorie opposant centre et périphérie (cela a été fait par exemple notamment par l'économiste « tiers-mondiste » Samir Amin).
Si le Parti Communiste d'Inde (maoïste) s'enferme dans une telle logique, il ne pourra jamais avancer, et encore moins fusionner avec la classe ouvrière. C'est précisément ce qu'espèrent le « Parti Communiste d'Inde Marxiste-Léniniste », qui profite de la criminalisation des naxalites pour « placer leurs pions. »
Et si le Parti Communiste d'Inde (maoïste) arrive à sortir de cette difficile situation, surmontant « Green Hunt », la question reste : comment toucher le reste de l'Inde, dépasser le caractère isolé des bases rouges (le sud de l'Inde, les populations tribales, les zones isolées et forestières, etc.) ?
Tout cela, on va le savoir très vite certainement, dans les prochains mois, dans l'année qui vient.
Car la pression historique est énorme. Les classes ouvrières de Chine et d'Inde vont inévitablement se mettre en branle.
Et alors, le socialisme connaître une formidable avancée. Citons ici Mao Zedong, qui dans une lettre de 1949 au secrétaire général du Parti Communiste d'Inde, disait ainsi :
« Je suis fermement persuadé que, s'appuyant sur le vaillant Parti communiste d'Inde, et sur l'unité et la lutte de tous les patriotes indiens, l'Inde ne restera pas longtemps sous le joug de l'impérialisme et de ses collaborateurs.
Comme la Chine libre, une Inde libre émergera un jour dans le monde comme un membre de la famille du socialisme et de la démocratie populaire. Ce jour-là mettra fin à l'époque de l'impérialisme réactionnaire dans l'histoire de l'humanité. »
C'est on ne peut plus clair sur l'importance de la Chine et l'Inde !