4 juin 2012

Gaullisme, néo-gaullisme et fascisme - 3. De Gaulle, l'homme du capital financier

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La Bourgeoisie a systématiquement présenté et continue à présenter De Gaulle comme étant au-dessus des partis, « au-dessus des factions », c'est-à-dire en fait au-dessus des classes sociales. Rien n'est plus faux.

De Gaulle est l'homme du capital financier français, il a directement servi les intérêts de la bourgeoisie impérialiste française.

Son propre frère, Pierre De Gaulle, poussé par lui à rejoindre le RPF (Rassemblement du Peuple Français), a été directeur-adjoint de la Banque de l'Union Parisienne (BUP), deuxième grande banque d'affaires française fondée en 1904. La BUP a fusionné en 1973 avec le Crédit du Nord qui est depuis, après avoir été un enjeu important de la concentration dans ce secteur, entrée de le giron de la Société Générale.

Dans les années 1950, les activités (florissantes) de la BUP sont extrêmement liées au Maghreb, et particulièrement à l'Algérie : la quasi-totalité du minerai de fer, la plus grande partie des phosphates, une partie du plomb, des engrais, du liège, des chemins de fer y sont entre ses mains. Elle était également, derrière la Banque de Paris et des Pays-Bas (futur Paribas puis BNP-Paribas), sa principale concurrente française, au capital de la Compagnie Française des Pétroles, (aujourd'hui devenu le groupe Total).

La collecte de fonds pour financer le RPF était gérée par Alain Bozel, le président du groupe Bozel-Malétra un puissant trust de l'industrie chimique de l'époque, Paul Jonas président du Crédit Lyonnais ainsi que Georges Pompidou tout juste avant qu'il ne prenne la direction des affaires du groupe Rothschild.

En fait, le RPF était directement et officiellement soutenu par de nombreuses personnalités représentantes du capital financier, des dirigeants de banques, de compagnies d'assurances, mais aussi des dirigeants de grands groupes monopolistes français (le Bon Marché, Rhône-Poulenc, Crédit Foncier, Simca, Dassault) ou d'entreprises coloniales (Crédit Foncier d'Algérie, tramways algériens).

C'est notamment le groupe Rothschild qui soutenait le RPF. Le trésorier du parti, Réné Fillon a été directeur de la Banque Rothschild et administrait à l'époque du RPF des groupes tels que la Société d'Investissement du Nord, la Société Minière et Métallurgique de Penarroya, la Société des Mines de Fer de Mauritanie, la Compagnie Française des Minerais d'Uranium – toutes en partie ou totalement contrôlées par le Groupe Rothschild. 

L'arrivée au pouvoir de De Gaulle en 1958 a permis une pénétration massive de l'oligarchie financière dans le fonctionnement de l’État. Et elle s'est directement mise à l’œuvre ; le 9 janvier 1959, on pouvait lire dans le journal France-Soir :

En sept mois, le gouvernement du général De Gaulle a promulgué trois cents ordonnances et procédé à onze réformes principales qui sont appelées à bouleverser la vie politique, économique, sociale et culturelle de la France.

Le chef du gouvernement a été assisté, pendant toutes ces longues journées de travail, par un homme dont on a relativement peu parlé, qui, volontairement, est resté en retrait, et qui fut en réalité, le personnage-clef de l'hôtel Matignon : il s'agit de M. Georges Pompidou, ancien universitaire, ancien conseiller d’État, et surtout de 1944 à 1945, le conseiller le plus écouté du général De Gaulle et son collaborateur le plus direct.

Pompidou qui était, avec l'appui de son ami René Fillon, entré à la Banque Rothschild de 1954 à 1958. On peut également citer le Ministre des Affaires Etrangères Couve de Murville lié à la Banque de l'Union Parisienne, le ministre d’État Louis Jacquinot dont l'épouse possédait 20% des actions de la banque Lazard (liée à la Banque de Paris et des Pays-Bas et à la Banque de l'Indochine), le ministre de l'Education Nationale Jean Berthoin, gendre de M. Mourgnot, personnalité importante de la Banque de Paris et des Pays-Bas chargé particulièrement de la gestion de ses intérêts en Afrique du Nord.

Mais plus qu'une affaire de relations, c'est l'essence même de la constitution de 1958 qui correspond aux intérêts de la bourgeoisie impérialiste française. En tant que telle, la paternité de la constitution de 1958 n'est pas à attribuer à De Gaulle lui-même mais à une dynamique de penseurs liés - plus ou moins directement - au capital financier.

Avec la crise qui se prolongeait dans les années 1930, nombreux étaient les ouvrages qui préconisaient un changement constitutionnel pour un affaiblissement du Parlement et un renforcement du pouvoir exécutif en France. Cela constituait d’ailleurs l'essentiel du programme du Redressement français, un mouvement politique fondé par Albert Petsche, administrateur des Chemins de fer du Nord et Ernest Mercier, administrateur de la Banque de Paris et des Pays-Bas dont le gendre deviendra ensuite ministre des Finances sous De Gaulle.

Dans le contexte de la fin des années 50, face au plus grand nombre de pays passant sous la coupe du social-impérialisme russe et l'abandon inévitable des placements capitalistes français dans ces pays, et face à la crise du colonialisme, le Parlement bourgeois, forme traditionnelle de la dictature bourgeoise, constituait un obstacle majeur sur le chemin de la bourgeoisie impérialiste pour servir totalement l’intérêt des groupes monopolistes et du capital financier.

La constitution gaulliste a permis à la bourgeoisie financière d'unir et soumettre toutes les franges de la bourgeoisie derrière ses projets impérialistes. De manière générale, l’avènement du régime gaulliste a permis un renforcement considérable du système impérialiste français et le développement du capitalisme monopoliste d’État.

Le système parlementaire français correspondait au capitalisme au stade la concurrence. Il était une garantie pour les différents capitalistes et les différentes fractions de la bourgeoisie de soumettre l’État à leurs intérêts de classes communs. Mais le capitalisme passé au stade monopoliste nécessite non plus une soumission, mais une fusion directe entre l’appareil d’État lui-même et les groupes monopolistes : c'est le capitalisme monopoliste d'État, plus haut stade du développement des monopoles impérialistes comme l'a expliqué Lénine.

Le passage continuel de hauts fonctionnaires à la direction de grosses sociétés capitaliste et la nomination de membre de la haute bourgeoisie aux principales responsabilités de l'Etat correspond à ce développement. Cela va de pair, de fait, avec une accentuation du rôle de l’État dans la vie quotidienne des masses, ce qui est constitutif du capitalisme monopoliste d’État et qui caractérise le gaullisme.

Avec l’avènement du gaullisme, l’État devient directement un poste avancé des monopoles impérialistes dans l'économie. Ainsi le ministre du Commerce et de l'Industrie pouvait déclarer à Alger en 1959 :

Nous sommes en Algérie en pleine aventure économique. C'est un aventure difficile qui doit nous conduire à une magnifique réussite. Pour cela il faut le concours conjugué du capitalisme privé et du capitalisme d’État. C'est par ce double concours que nous réussirons à réaliser une croissance industrielle harmonieuse. Le gouvernement, quant à lui, apporte le maximum d'aide possible à cette œuvre exaltante qu'est la pacification.

Cette planification de la domination néo-coloniale de l'Algérie, connue sous l’appellation du « Plan de Constantine », est un parfait exemple de ce qu'est le capitalisme monopoliste d’État, devenu tout puissant avec le gaullisme.

La faiblesse relative du capital financier français dans le monde capitaliste, notamment par rapport au capital financier américain et anglais, entraînait pour lui l'obligation de s'ouvrir à des capitaux provenant d'autres pays pour la mise en valeur des richesses africaines. Cela permettait également, de fait, de nouveaux débouchés notamment pour les industries minières et pétrolières. 

Ainsi, les premières années du régime gaulliste donnèrent lieu à une pénétration importante des capitaux américains et anglais dans les groupes monopolistes français – par exemple la Société de la Raffinerie d'Alger, devant utiliser le pétrole saharien, comprenait à côté de la Compagnie Française des Pétroles (futur Total) les groupes anglais Shell et British Petroleum (BP) ainsi que les américains Mobil Oil et Standard Oil.

Mais plutôt qu'un alignement et une soumission aux impérialismes américain et anglais, cette habile stratégie du gouvernement gaulliste, notamment exprimée dans le « Plan Rueff-Armand » qui devait faire des propositions sur « la suppression des obstacles à l'expansion économique », était une manœuvre pour relancer et ranimer le capital financier français et l'activité industrielle. 

Car dans le même temps, sur le plan politique, le régime gaulliste organisait la constitution d'un nouveau bloc impérialiste en vue de concurrencer le bloc anglo-américain et le social-impérialisme russe : un bloc impérialiste européen constitué autour d'un axe Paris-Bonn (Allemagne). C'est clairement cela que réprésentent les traités de Rome de 1957, l'un instituant la Communauté Economique Européenne, la Communauté Européenne de l'Energie Atomique (ou traité Euratom).

Cette dynamique européenne, à l’origine de l'Union Européenne, allait de pair avec une importante collaboration entre les capitaux financiers français et allemands : la Société Européenne pour le Développement Industriel dont le capital était réparti pour moitié entre la Banque de Paris et la Deutsche Bank ; des accords économiques en 1958 entre d'un côté la BUP, le Crédit Lyonnais, la Société Générale, la Banque Louis-Dreyfus et de l'autre la Dresdener Bank, regroupant d'autre groupes allemands. 

Dès 1960, plusieurs « valeurs » françaises seront côtées aux bourses de Francfort et de Dusseldorf : la Banque de Paris et des Pays-Bas mais aussi Péchiney (aluminium, combustible nucléaire), Saint Gobain (matériaux), Air Liquide (gaz), Rhône-Poulenc (chimie, aujourd'hui Aventis), Aciérie du Nord et de l'Est. 

C'est dans la même logique que fin 1959, sous l'impulsion de la Banque de Paris et des Pays-Bas, le gouvernement gaulliste expliquera que « la coopération européenne en matière aéronautique est une question de vie ou de mort », ce qui préfigure Airbus, le groupe monopoliste franco-allemand que l'on connaît aujourd'hui.

Sur le plan national, la ligne directrice de la politique économique du régime gaulliste était de faire supporter le poid de la crise du système impérialiste à la classe ouvrière, « aux classes moyennes » et aux secteurs capitalistes non monopolistes.

Les gouvernements précédents le régime de pouvoir personnel de De Gaulle étaient incapables d'imposer aux masses les sacrifices nécéssaires au redressement impérialiste, notamment les refus d'augmentation de salaires. Dès juin 1958 De Gaulle expliquait : «  à toutes les catégories de français, j'ai demandé de prendre une part des sacrifices »

Mais en vérité, sa politique était entièrement tournée au service de la bourgeoisie impérialiste, et seules les masses devaient supporter « l'effort d'austérité » dont parlait le ministre des Finances Pinay en 1959.

A peine arrivé au pouvoir, un décret du 21 juin 1958 abrogea directement des décrets prévoyant un prélèvement de 20% sur les entreprises exportatrices, ce qui avait pour but de compenser les sur-bénéfices dûs à la dévaluation volontaire du Franc de 20%. C'est-à-dire qu'une des premières mesures du régime gaulliste a été d'avaliser les sur-bénéfices engrangés par les monopoles exportateurs français.

Sur le plan international, s'il a dû finir par accepter de négocier « l'indépendance » du Mali et de Madagascar, puis de l'Algérie, c'est que le régime gaulliste a été obligé d'en partie reculer, sous la pression des forces anticolonialistes d'Afrique et du mouvement démocratique en France. Mais la politique internationale du régime gaulliste a consisté à trouver une base de repli qui permette de maintenir l'impérialisme français, dans un cadre politique nouveau - les anciens cadres juridiques et politiques coloniaux ne pouvant être conservés, ils sont simplement modernisés.

C'est ainsi par exemple que l'Algérie est passé du statut de colonie à celui, masqué, de semi-colonie.

Le gaullisme, c'est ainsi une modernisation de l'infrastructure capitaliste en France et de la pénétration des monopoles français dans plusieurs régions du monde, en Afrique notamment. C'est une politique de classe, au service du capital financier français.

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