La SNCF, une superstructure nationale au service du capitalisme monopoliste d’État (dernière partie)
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La convention passée en 1938 avec les anciennes compagnies privés s'achèvent donc en 1983, années où la SNCF adopte un nouveau statut et devient entièrement la propriété de l’État. Le statut d'EPIC, Établissement Publique à caractère Industriel et Commercial va permettre de faire de la SNCF un groupe qui continue de se développer sur le modèle capitaliste. Juridiquement, le statut prend en compte le caractère industriel et commercial de l'entreprise, tout en faisant en sorte qu'elle soit entièrement la propriété de l'État (ce qui n'était pas le cas avec le statut de 1938).
45 ans après sa création, la SNCF est toujours en déficit. Le caractère publique de son statut permet à l'État de prendre totalement à sa charge ce déficit ainsi que le coût des lignes non rentables.
A partir des années 1990, des directives européennes vont obliger les grands groupes publiques tel que la SNCF à modifier leur statuts. En 1997, c'est la création de RFF, Réseau Ferré de France, en application de la directive européenne 91/44010. Concrètement, il s'agit de séparer la SNCF en deux parties, l'une commerciale et l'autre concernant purement les infrastructures ferroviaires. Le réseau étant ainsi la propriété de RFF, d'autres compagnies que la SNCF doivent pourvoir y faire circuler des trains.
En pratique, l'ouverture à la concurrence ferroviaire ne commence qu'en 2003 pour le fret et les trains de travaux, fin 2011 pour les liaisons ferroviaires internationales et devrait progressivement être mise en place d'ici 2014 pour certaines liaisons nationales et régionales.
Depuis 1997, l'ensemble de la SNCF a été restructurée, notamment par une séparation des activités en différentes filières distinctes et indépendantes les unes des autres.
La branche « infra » de la SNCF continue de gérer et organiser le réseau. Elle est prestataire pour le compte de RFF. Au quotidien, la séparation RFF / SNCF pose de gros problèmes de gestion, notamment pour l'attribution des budgets et le déblocage de fond. Cela est dus à l'incohérence même de la situation : la SNCF est censée organiser elle même le fonctionnement de sa concurrence ; dans le même temps, une parties des personnes travaillant pour la SNCF (aiguilleurs, horairistes, certains personnels de gare, etc.) doivent considérer l'entreprises pour laquelle ils travaillent comme étant « extérieure ».
A l'heure actuelle, les modalités de l'ouverture complète du marché ferroviaire à la concurrence ne sont pas décidées. Entre septembre 2011 et décembre 2011, l'État à organisé les « Assises du ferroviaire » afin de tenter d'organiser cela et de prendre en compte les conflits d'intérêts qui peuvent découler d'une telle situation. Le point de vue « libéral » d'une partie de la Bourgeoisie qui voulait ouvrir totalment le marché ferroviaire se fait de plus en plus secondaire à mesure qu'avance la crise du capitalisme. Les volontés de faire de la SNCF un monopole impérialiste puissant sur le plan international ont tendance à prédominer.
Preuve en est la proposition de Guillaume Pepy, le dirigeant de la SNCF, lors des « Assises du ferroviaire ». Il s'agit pour lui de faire en sorte que la SNCF redevienne totalement maîtresse du réseau en intégrant RFF dans le Holding « SNCF Participation » (la maison mère de la SNCF). C'est ce qui se fait déjà en Allemagne, bien que cela soit totalement contradictoire avec le droit européen...
Tout cela peut paraître assez déconcertant s'il on ne s'attache pas à comprendre l'arrière plan impérialistes de ces mouvements du capital. Les mouvements importants qui se produisent actuellement dans le secteur du ferroviaire sont eux même révélateur des contradictions qui traversent la bourgeoisie.
La bourgeoisie industrielle, plus « pragmatique », plus libérale économiquement, a cherchée à ouvrir le marché ferroviaire afin de mettre à disposition des secteurs parallèles pour l'accumulation capitaliste. De ce point de vue, il y a du capital à accumuler en marge du monopole SNCF, des entreprises doivent pouvoir entrer en concurrence.
Mais à l'origine, cette politique à également été appuyée par les franges les plus impérialistes de la bourgeoisie françaises, par le biais de l'Union Européenne. D'une part, l'ouverture à la concurrence ne représentait nullement un danger pour le monopole de la SNCF, aucun concurrent sérieux ne peux émerger dans un secteur où la composition organique du capital est aussi importante. Les investissements nécessaires ne seraient pas réalisables par des structures non monopolistes.
Surtout, l'ouverture à la concurrence en France signifie également ouverture à la concurrence dans les autres pays européens, c'est à dire des possibilités de développements accrues pour la SNCF. Comme nous l'expliquions dans l'article à propos de Thello, le premier train voyageur non-SNCF à circuler depuis 1938, la SNCF peut maintenant se développer en Europe même et concurrencer les anciens monopoles nationaux. C'est le cas en Italie donc, avec l'entrée de la SNCF au capital de NTV, le futur concurrent direct et important de Trenitalia.
L'ouverture à la « concurrence » n'est pas en elle-même une « attaque » contre la SNCF. C'est la continuité logique d'une politique impérialiste menée dans le domaine ferroviaire depuis sa naissance.
L'apparition du statut d'EPIC en 1983 a permis à l'État de lancer un groupe monopoliste concurrentiel sur la plan international aujourd'hui, tout en le prenant en charge car il n'était pas rentable en tant que tel sur un plan commercial. La création de RFF à permis de faire évoluer cette situation et de réellement lancer la SNCF. La SNCF qui devient maintenant rentable sur le plan commercial et à annoncée pour la première fois fin 2011 qu'elle allait distribuer des dividendes à son actionnaire, en l'occurrence l'État. Aujourd'hui, la tendance monopoliste vis à vis de la SNCF reprend pleinement le dessus.
Globalement, l'ouverture à la « concurrence » ne met pas en péril la SNCF et concerne surtout des secteurs non directement très rentables.
Seule exception, qui en fait n'en est pas vraiment une, c'est le domaine des transports urbains et régionaux, où la SNCF (par le biais de sa filiale Keolis) est déjà en concurrence avec un autre groupe monopoliste français : Veolia-Transdev, qui se présente comme le 1er groupe privé de transport public au monde. D'ici 2014, les régions (sauf en Ile- de-France) pourraient lancer des appels d'offre à des entreprises autres que la SNCF pour assurer les liaisons TER (Trains Express Régionaux).
Le marché des Trains d'Équilibre du Territoire (TET), c'est à dire des lignes inter-régionales hautement subventionnées car non rentables (globalement les Grandes Lignes hors TGV), devraient également être ouvert à la concurrence d'ici 2014.
Par contre, il n'est absolument pas question d'ouvrir à la concurrences les lignes véritablement rentables sur lesquels circulent les TGV. La seule proposition faite dans ce domaine lors des assises du ferroviaire, est la création d'une structure nommée « fer de France », une sorte de lobby pour organiser l'exportation du modèle TGV, en y regroupant tout les secteurs concernés (matériel, ingénierie, infrastructure, etc.) C'est le même principe que le Gifas, le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales.
Le TGV est au cœur du modèle de développement et de modernisation de la SNCF depuis les années 1980. Plus précisément, le TGV a une place centrale dans le système de développement de l'impérialisme français. Il tient une place intermédiaire et complémentaires entres les réseaux aériens et routiers. Le système globale de transport en France est simple :
- A l'échelle internationale, il y a les avions.
- A l'échelle nationale et ouest européenne, il y a le TGV.
- A l'échelle nationale et régionale, il y a les autoroutes.
- A l'échelle régionale et locale, il y a les routes et les réseaux de transport en commun urbains.
La question du TGV est essentiel pour comprendre ce qu'est la SNCF aujourd'hui, la place que l'entreprise a dans l'infrastructure impérialiste française.
L'idée du TGV date des années 70, notamment suite à la crise pétrolière de 1973. Il s'agissait également pour l'impérialisme français d'être compétitif face au projet japonais du train grande vitesse, le Shinkansen.
Le premier TGV circulent en France en 1981, après 5 années de travaux gigantesques. La ligne Paris-Lyon forme alors un trajet en quasi ligne droite de 426 km (pour 512 km auparavant). Cette même année le record du monde de vitesse sur rail est établie à 380 km/h. C'est une sorte de publicité pour le TGV qui à vocation à être exporté. La même opération à été renouvelée plusieurs fois depuis et le dernier record mondiale en date est de 574,8 km/h pour la promotion du TGV Est en 2007.
Fleuron de l'industrie impérialiste française, l'ensemble du « système » TGV est un secteur à très haute plus-value, c'est à dire que son développement dégage de grosses masses de plus-value. Mais celle-ci n'est pas tant réalisée par la SNCF que par les autres entreprises du secteur.
On retrouve ici principalement Alstom, ce groupe monopoliste constitutif de l'impérialisme français, dont nous reparlerons spécifiquement. Alstom est le développeur et le constructeur des TGV. Il est en concurrence avec l'allemand Siemens et le canadien Bombardier, ainsi qu'avec l'offre de l'impérialisme japonais.
La construction du réseau, des infrastructures nécessaires à la circulation des TGV, est également une source importante d'accumulation capitaliste pour des groupes privés.
Le TGV sert à organiser la circulation des personnes, notamment des cadres d'entreprises entres les grosses métropoles (pour le travail ou le loisir). La SNCF, en organisant cela, permet de valoriser le capital produit par Alstom et ces entreprises d'ouvrage. Car ce qui est véritablement rentable, ce n'est pas tant la circulation des trains en elle même que la production de toute l'infrastructure que cela nécessite autour.
En tant que tel, le TGV n'est pas qu'un simple train, c'est un système ferroviaire tout entier qui requière entre autre :
- des lignes spéciales (dites LGV) avec des grands rayons de courbe, aucun passages à niveau, etc.
- des gares adaptées à ces lignes, de plus en plus en dehors des centre-villes.
- un système de signalisation particulier du fait de la vitesse.
- des structures de maintenance particulières.
En plus d'organiser la circulation des trains, la SNCF permet d'exporter le capital produit par Asltom. C'est par la biais de la SNCF que Alstom tente par exemple de s'imposer au États-Unis d'Amérique (les premiers TGV devraient circuler entre San Fransisco et Los Angeles d'ici 2021) et essaye de remporter de nombreux marchés à travers le monde (Chine, Maroc, Russie, Italie, etc.)
Aujourd'hui donc, l'existence de la SNCF comme entreprise d'État ayant le monopole absolue en France est tendanciellement remise en cause avec l'ouverture à la concurrence. Mais dans le même temps, dans le cadre de la crise capitaliste, le monopole Alstom a besoin d'une SNCF forte et puissante pour exporter sa production. Le groupe Alstom doit devenir de plus en plus agressif pour rester le numéro un dans son secteur.
L'an dernier, Alstom a déjà perdu le contrat pour le renouvellement des motrices Eurostar. La commande a été passée auprès du concurrent Siemens. « Après l'échec de l'Eurostar, Alstom vise à élargir sa gamme de TGV pour les appels d'offres internationaux, alors que la concurrence n'a jamais été aussi vive» pouvait on lire alors dans le journal économique Les Echos.
Toute l'étude de l'histoire du chemin de fer en France, et encore plus précisément l'étude des rapports complexes entre Alstom et la SNCF, démontrent finalement une chose : le monopole d'État qu'est la SNCF, c'est à dire une branche de l'industrie nationalisée, est entièrement dirigé selon l'intérêt du capital monopoliste privé.
L'étatisation des chemins de fer permet de renforcer la puissance de grands groupes monopolistes tel que Alstom, tant en France que sur le marché international. Grâce à la SNCF, Asltom peut se développer sans prendre à sa charge ce qui serait désavantageux pour sa croissance. Seul l'État pouvait et peut supporter les énormes dépenses qu'exigent la modernisation du capital fixe dans une branche d'industrie à si haute composition organique du capital qu'est le chemin de fer.
Il serait absurde d'opposer la SNCF, entreprise publique, au capitalisme privé. Jamais en aucun cas, ni la SNCF, ni aucun des monopoles d'État, n'agit en désaccord avec les intérêts du capital monopoliste.
Cela, Karl Marx l'avait déjà parfaitement compris lorsque, dans une correspondance avec Engels à propos de son ouvrage majeur qu'est le Capital, il expliquait : « Tant que les classes possédantes tiennent la barre, toute nationalisation ne constitue pas une suppression de l'exploitation mais simplement un changement de forme de celle-ci. »
L'association monopole d'état + monopoles privés forme un tout cohérent, caractéristique de l'époque moderne de l'impérialisme, du plus haut stade de son développement : le capitalisme monopoliste d'État.
« Plus particulièrement, l'impérialisme - époque du capital bancaire, époque des gigantesques monopoles capitalistes, époque où le capitalisme monopoliste se transforme par voie de croissance en capitalisme monopoliste d'État - montre le renforcement extraordinaire de la "machine d'Etat", l'extension inouïe de son appareil bureaucratique et militaire en liaison avec une répression accrue du prolétariat, aussi bien dans les pays monarchiques que dans les républiques les plus libres. » (Lénine, L'État et la Révolution)
Le propre du capitalisme monopoliste d'État, sa nature, c'est la subordination de l'appareil d'État par le capital monopoliste, leur quasi-fusion.
C'est dans ce cadre que s'est développée la SNCF, comme une superstructure nationale au service du le capitalisme monopoliste d'État, comme un appareil de l'impérialisme français.
Les rapports entres groupes publiques et privés que l'on retrouve avec l'alliance SNCF/Alstom sont les même que pour EDF et Areva par exemple. On retrouve en fait le même schéma dans tout les secteurs importants de l'économie capitaliste. Nous les expliquerons et détaillerons un par un, car cela est le rôle du Parti Communiste.
Comprendre la nature et la composition de son propre impérialisme et un travail essentiel pour la lutte des classe, pour tracer le chemin qui mène au socialisme.
Comme nous l'enseigne Lénine, « le capitalisme monopoliste d'Etat est la préparation matérielle la plus complète du socialisme, l'antichambre du socialisme, l'étape de l'Histoire qu'aucune autre étape intermédiaire ne sépare du socialisme ».
Mais pour autant, il n'est pas encore le socialisme. Si la production est déjà entre les mains des prolétaires, le prolétariat en tant que classe n'a pas le pouvoir sur cette production. La production de plus-value et la loi du profit restent la base fondamentale du capitalisme monopoliste d'État. L'exploitation du Travail par le Capital est son moteur.
Son aspect principale, sa caractéristique essentielle, est que la production est développée et dirigés selon les besoins d'accumulation de la Bourgeoisie et non pas selon les besoins du Peuple et de la Terre. La pression accrue sur les personnes travaillant au sein de la SNCF sont révélatrices de cette contradiction. Les attaques contre le statut de cheminot exprimées lors des « Assises du ferroviaire », les propositions de le remplacer par une convention collective de branche, est pleinement l'expression de cela.
D'ailleurs, crise oblige, la bourgeoisie fait part de plus en plus clairement ses souhaits pour les personnes travaillant à la production du chemin de fer : augmentations de la productivité, limitation des hausse des salaires, recrutements hors statut, généralisation de la polyvalence des employés, etc.
La seule façon d'en finir définitivement avec ces offensives capitalistes, de résoudre la contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel, est l'expropriation sans condition de la bourgeoisie.
Les prolétaires doivent prendre la direction de l'économie et de toute la société. Le prolétariat doit exercer sa dictature pour abattre le capitalisme monopoliste d'État et en extraire cette forme supérieure d'organisation de la société, déjà en germe : le mode de production socialiste.
Le secteur ferroviaire sera très important, et même fondamental dans un premier temps, pour le développement de l'économie socialiste.
Les tâches prioritaires de la dictature du prolétariat seront de réorienter le réseau ferré afin de participer à la résolution de la contradiction ville/campagne ; de restructurer et densifier le réseau pour remplacer efficacement la circulation automobile, meurtrière pour l'ensemble de la Biosphère ; de renforcer le fret ferroviaire, nécessaire à la planification écologique de l'économie socialiste et à la gestion prolétarienne de la circulation des marchandises ; d'arrêter immédiatement les projets impérialistes contre-nature tel que la ligne LGV Lyon-Turin.
Tel est le programme communiste. Tel est le projet du Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste, le quartier général de l'avant garde ouvrière en France.