26 nov 2012

Ce qui se joue dans la bataille interne à l'UMP

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Au delà de l'aspect guignolesque et psychodramatique typiquement français qu'ont prises les élections internes à l'UMP, elles sont éclairantes à plus d'un titre sur les rapports de force qui parcourt la société bourgeoise française.

Tout d'abord elles montrent très clairement l'aspect profondément antidémocratique des "partis" bourgeois et par là même du système politique dit "démocratique" bourgeois. Encore plus, ces élections montrent de manière éclatante la droitisation de la société française, et plus particulièrement d'une partie non-négligeable du personnel politique bourgeois, ainsi que la résonance que trouve les discours populistes au sein des masses de France.

Mais comme tout phénomène social, les élections interne de l'UMP sont l'expression de rapports de force entre les classes sociales ou en leur sein entre les différentes factions qui les composent.

Les bagarres de chiffonniers, les bourrages d'urnes, les pressions exercées sur les militants pour voter dans tel ou tel sens ou encore le clientélisme avec ses achats de voix et ses arrangements de couloirs, ne sont pas spécifiques à l'UMP. Il suffit de lire et d'écouter régulièrement les médias bourgeois pour savoir que ce sont là des pratiques généralisées à tous les « partis » politiques bourgeois, aux syndicats et même à une très grande majorité des associations. Des pratiques tellement généralisées qu'on les retrouve jusque dans les organisations d' « extrême-gauche » où tout n'est que lutte de couloirs, noyautage et manipulations. Ce qui montre d'ailleurs de manière limpide la nature de ces organisations prétendument révolutionnaires.

Les « partis » bourgeois ne sont en fait que les représentants de factions différentes de la même classe sociale. Factions qui sont en lutte les unes contre les autres pour écraser l'adversaire et récupérer le plus de pouvoir possible. Et évidemment, dans ces « partis », c'est le règne de l'individualisme, des ambitions personnelles et de la corruption.

Par le biais du jeu électoral, appelé « démocratie », la bourgeoisie contient les masses dans l'inorganisation et les réduit au rang de suiveuses. Le rôle des masses dans le système pseudo-démocratique bourgeois est juste de servir de caution à telle ou telle factions et à telle ou telle personnalité.

Peu importe les idées, les propositions, les programmes mis en avant, ce qui compte pour les politiciens bourgeois est de capter momentanément les votes d'une partie significative des masses pour légitimer leurs pouvoirs. Il suffit encore de suivre la carrière de n'importe quel politicien (petit ou grand) pour voir les voltes-faces permanents qu'ils effectuent au gré des circonstances et que ce qui est mis en avant est en fait très rarement ce qui sera effectivement fait. Ceci avait très bien été résumé par l'ancien dirigeant gaulliste Charles Pasqua sous la maxime « les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent ».

La fonction des « partis » politiques bourgeois est d'organiser une partie des masses pour la mettre au service de la défense des intérêts des factions de la bourgeoisie en lutte les unes avec les autres. Les syndicats ont d'ailleurs fondamentalement le même rôle.

Les masses organisées dans les « partis » politiques bourgeois sont totalement stérilisées et ne servent qu'à appuyer la carrière de tel ou tel politicien dans sa lutte permanente et sans principe pour la domination et le pouvoir.

Voilà qui est à mille lieues de la conception politique des communistes. Le Parti communiste n'est pas une machine au service de la carrière politique de ses dirigeants, mais le lieu où s'organisent les masses les plus conscientes autour du matérialisme dialectique. Le Parti communiste est l'outil de l'organisation, de la structuration du pouvoir réel des masses ; l'outil à partir duquel elles pavent la route au communisme universel.

Contrairement aux calomnies des bourgeois libéraux et des petits-bourgeois anarcho-trotskystes sur le prétendu « culte de la personnalité », les chefs du Parti communiste ne se représente pas eux-même. Ils sont les représentants d'une synthèse, d'une « pensée » qu'ils matérialisent.

Ceci a été très bien expliqué il y a plus de cent ans par la grand dirigeante socialiste Rosa Luxembourg dans son texte Espoirs déçus (Masses et chefs qui traitaient déjà des questions de la corruption des politiciens bourgeois et de l'aspect profondément antidémocratique du système politique pseudo-démocratique bourgeois. Elle disait ceci à propos des dirigeants socialistes :

C'est pourquoi l'intelligence propre de la masse quant à ses tâches et moyens est pour l'action socialiste une condition historique indispensable, tout comme l'inconscience de la masse fut autrefois la condition des actions des classes dominantes.

Par là, l'opposition entre les " chefs " et la majorité qui " trotte à leur suite " se trouve abolie, le rapport entre la masse et les chefs est renversé. L'unique rôle des prétendus " dirigeants " de la social-démocratie consiste à éclairer la masse sur sa mission historique. L'autorité et l'influence des " chefs " dans la démocratie socialiste ne s'accroissent que proportionnellement au travail d'éducation qu'ils accomplissent en ce sens. Autrement dit, leur prestige et leur influence n'augmentent que dans la mesure où les chefs détruisent ce qui fut jusqu'ici la base de toute fonction de dirigeants: la cécité de la masse, dans la mesure où ils se dépouillent eux-mêmes de leur qualité de chefs, dans la mesure où ils font que la masse dirige et qu'eux-mêmes sont les organes exécutifs de son action consciente.

 

En même temps que la lutte pour le pouvoir personnel au sein de l'UMP entre Jean-François Copé et François Fillon, il est un deuxième enseignement de ses élections internes. En effet, en même temps que le vote pour le chef du « parti », les adhérents UMP pouvaient se prononcer pour des « motions » qui à terme seront de véritables petites organisations plus ou moins autonomes au sein de l'UMP.

Contrairement à ce qui était pensé par les dirigeants de l'UMP, les adhérents ont massivement choisis pour une ou l'autre de ses motions. Et leurs choix montrent très clairement la poussée à droite de la société française et montrent que certaines factions de la bourgeoisie, tout en ne choisissant pas clairement le fascisme, se ménagent la possibilité de se ranger derrière lui le cas échéant.

Ainsi, la motion qui est arrivée en tête est celle de la « Droite forte » portée par Guillaume Peltier et Geoffroy Didier avec 28 %. Cette motion portée par deux trentenaires sans mandats politiques importants a réussi à mobiliser les adhérents de l'UMP en mettant en avant un programme populiste autoritaire et ultra-libéral radical. Elle met en avant des propositions comme la suppression des logements sociaux, le retour obligatoire du vouvoiement à l'école, l'obligation pour les musulmans de signer une « charte de l'Islam français », l'inscription dans la Constitution française des « origines chrétiennes » de la France, etc.

Le succès de cette motion malgré le peu de soutien de « poids lourds » de l'UMP qu'elle a reçu, ainsi que la relative réussite de la Droite Populaire, montre la droitisation d'une part importante de la base de l'UMP. D'ailleurs, le parcours politique de Guillaume Peltier est très éclairant. Il a commencé la politique très jeune en adhérent au Front National pour le quitter pour le MNR racialiste de Bruno Mégret. Puis il a été le numéro deux du Mouvement Pour la France de Philippe de Villiers. Ce spécialiste des sondages d'opinion et de la communication a rejoint l'UMP il y a 3 ans et a été responsable stratégique lors de la campagne présidentielle de 2012 de Nicolas Sarkozy.

 

Mais comme nous l'avons dit, ce qui se joue dans cette élection est avant tout une question de rapport de force entre différentes factions de la bourgeoisie. Réduire cela à un conflit entre la « droite » et le « centre » dans l'UMP est une erreur. En effet, il y a parmi les soutiens à François Fillon et Jean-François Copé des membres de tous les courants politiques de l'UMP. Il y a donc d'autres choses que motivent effectivement ce conflit.

Quand on regarde les personnalités autour de François Fillon, on voit qu'il a le soutien d'une part importante des cadres de l'appareil de l'UMP : la plupart des anciens ministres, un nombre très important de députés, de sénateurs, de dirigeants de fédération, etc... Et plus précisément, il a soutien de la majeure partie du personnel politique qui a tenu le pays durant la mandature de Nicolas Sarkozy. François Fillon lui-même a été le Premier Ministre de Nicolas Sarkozy durant les cinq années de sa présidence.

Au delà de cela, la base de François Fillon ce sont les notables locaux (comme lui), la bourgeoisie traditionnelle de province, ceux qui veulent moderniser l'économie française pour la rendre plus efficace, « mieux gérée ». En résumé : la bourgeoisie industrielle et la petite-bourgeoisie notabiliaire.

De son côté, Jean-François Copé, même s'il jouit du soutien tacite et tactique de Nicolas Sarkozy, est entouré par des personnalités liées à l'époque de Jacques Chirac et qui avait été mise sur la touche sous la présidence de Nicolas Sarkozy comme les anciens Premiers Ministres Jean-Pierre Raffarin et Philippe de Villepin – tous deux se présentant comme plutôt centristes- ou de personnalités de « second rang ». Mais il a le soutien des petits cadres locaux de l'UMP et des jeunes qui se sont engagés dans la campagne présidentielle de 2012.

Pour bien comprendre, il faut regarder le parcours de Jean-François Copé. Il a construit sa notoriété durant la mandature de Nicolas Sarkozy en se présentant comme son seul opposant interne, le seul qui osait lui tenir tête et le critiquer. Il s'est de fait mis dans la même position que celle dans laquelle s'était mise Nicolas Sarkozy durant la seconde mandature de Jacques Chirac. Malgré sa mise en avant du « sarkozysme », Jean-François Copé est en fait clairement l'héritier des réseaux « gaullistes ». C'est ce qui explique aussi le soutien que lui apporte Henri Guaino.

 

C'est-à-dire qu'il est le représentant de la bourgeoisie impérialiste et plus particulièrement de sa partie la plus affairiste. Il est d'ailleurs lié à plusieurs scandales financiers et un ami proche de l'homme d'affaire véreu Ziad Takkiedine cité dans plusieurs affaires de corruption de marchés publics.

En fait, avec Jean-François Copé, c'est la bourgeoisie impérialiste affairiste qui essaie de reprendre le contrôle total de l'appareil de l'UMP qu'elle avait dû partager sous Nicolas Sarkozy.

Et c'est cela qui explique la violence qui oppose Jean-François Copé et François Fillon et la lutte acharnée que mène ce dernier pour ne pas laisser l'appareil.

En effet, les notables qui soutiennent François Fillon savent que s'ils perdent, ils seront mis de côté pour un très long moment. La crise du capitalisme, qui s'accentue de jour en jour depuis 2008, a renversé les rapports de force en direction de la bourgeoisie impérialiste et la bourgeoisie industrielle sait que si elle perd la main maintenant, elle sera balayée. Son pari est donc de suicider un « parti » qu'elle ne tient plus pour reprendre la main par l'extérieur, par exemple avec l'UDI de Jean-Louis Borloo.

 

Jean-François Copé est l'étendard momentané de la bourgeoisie impérialiste qui a compris que son temps était venu. Mais Jean-François Copé est trop faible pour la porter comme on peut le constater. Il est trop faible pour la porter car, malgré le populisme qu'il met en avant, il est trop clairement lié à l'affairisme et au cosmopolitisme. C'est d'ailleurs ce qu'avait sous-entendu François Fillon en parlant des « origines » (juives) de Jean-François Copé comme l'empêchant de se lier à l'extrême-droite.

Il apparaît donc encore plus clairement que l'avenir est au fascisme et à Marine Le Pen. En effet, devant l'impossibilité de prendre l'appareil de l'UMP ou la stérilisation de cette dernière, toutes les forces réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste vont se concentrer sur le Front National et les organisations fascistes pour enfin prendre seule et totalement le pouvoir.

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