17 Jan 2013

Pourquoi Marine Le Pen n'a pas participé à la manifestation du 13 janvier

Submitted by Anonyme (non vérifié)

L'absence de Marine Le Pen lors de la manifestation du 13 janvier 2013 contre l'ouverture du droit au mariage et à l'adoption pour les personnes homosexuelles n'est pas une chose anodine. C'est le produit de toute une série de choix politiques élaborés, une tactique de cadres fascistes envisageant concrètement la prise du pouvoir en France. 

Officiellement, le Front National de Marine Le Pen s'est prononcé contre le droit au mariage et à l'adoption pour les personnes homosexuelles et contre la procréation médicalement assistéé. C'est une prise de position logique pour Marine Le Pen qui critique la « destruction programmée de la cellule famille protectrice et la cellule nation protectrice ».

Pour les fascistes, la famille bourgeoise traditionnelle est à défendre, en tant que cellule de base de la nation, le « corps suprême ». La famille bourgeoise repose sur des valeurs réactionnaires précises que le droit au mariage pour les personnes homosexuelles déstabiliserait. En ce sens, le droit au mariage, et de surcroît à l'adoption pour les couples homosexuels ainsi que la procréation médicalement assistée pour les femmes lesbiennes, ne peuvent être que rejetés par les fascistes qui veulent revitaliser la société bourgeoise réactionnaire.

Pour autant, Marine Le Pen ne souhaite pas être assimiler trop clairement à la vague de fond homophobe qui mobilise la bourgeoisie et la grande bourgeoisie française. Marine Le Pen ne peut pas apparaître comme homophobe et réactionnaire.  Malgré toute la démagogie de certains manifestants du 13 janvier, il est évident que les masses, et de surcroît les personnes homosexuelles, comprennent cette manifestation comme une mobilisation réactionnaire et fondamentalement homophobe.

En choisissant de ne pas envoyer Marine Le Pen à la manifestation du 13 janvier, le bureau politique du Front National a fait un choix politique : dissocier Marine Le Pen de la réaction. Ce choix ne coûte pas grand chose au Front National car il ne se coupe pas pour autant de la partie ultra-réactionnaire de sa base politique: la manifestation n'est jamais clairement critiquée et en plus Louis Alliot, le compagnon de Marine Le Pen et vice-président du Front National, était lui-même présent à la manifestation. Il explique que c'est Marine Le Pen elle-même qui a rédigé la motion du bureau politique donnant un rendez-vous Front National à la manifestation pour « ceux qui le souhaite »

Ce qui compte pour le Front National, c'est que l'image de Marine Le Pen ne soit pas clairement associée à  la vague de mobilisation réactionnaire de la grande bourgeoisie. Le Front National peut se permettre de faire cela, car quoi qu'il arrive, la mobilisation réactionnaire, qui passe actuellement par l'homophobie, sert la progression du fascisme. Tant que Marine Le Pen reste la principale figure nationaliste en France, la mobilisation la sert donc directement.

D'autant plus que c'est un moyen pour le Front National de mettre en avant sa vision réactionnaire et sa défense de la famille bourgeoise. Louis Alliot affirmant ainsi être présent à la manifestation pour  « marquer symboliquement, pour défendre des valeurs, pour défendre la famille et pour défendre l’un des piliers de notre société et de notre civilisation ».

Mais dans le même temps, Marine Le Pen réussit à ne pas se couper des personnes hostiles à l'agression homophobe que représente cette mobilisation. L'option tactique de Marine Le Pen est de critiquer le droit au mariage et à l'adoption pour les personnes homosexuelles en tant que menace contre la famille bourgeoise, tout en se coupant d'un point de vue hostile à l'homosexualité en elle-même. Il y a deux raison politiques essentielles à ce choix tactique qu'il faut comprendre pour saisir l'importance et la force du mouvement fasciste en France. 

Le rôle typiquement fasciste de Marine Le Pen est de pulvériser le clivage politique classique de la démocratie bourgeoise en France, le clivage « gauche/droite ». Le but est de mettre la question nationale au centre de tout les débats. 

Grâce à ses choix tactiques, Marine Le Pen peut donc autant critiquer la « gauche », à l'origine du projet de loi, comme voulant détruire la famille bourgeoise traditionnelle, que la « droite », tout du moins l'UMP, comme étant hypocrite et tentant de remobiliser autour d'elle avec des « débats sociétaux »

Mais il y a une autre raison politique au refus de Marine Le Pen de s'aligner sur la mobilisation homophobe : c'est tout simplement que Marine Le Pen à une stratégie démagogique d'acceptation et d’intégration des personnes homosexuelles au nationalisme. Et ce afin d'apparaître comme moderne et non-réactionnaire. Ansis, dans son discours du 1er mai 2011, elle avait ainsi lancée : « Qu’on soit homme ou femme, hétérosexuel ou homosexuel, chrétien, juif, musulman ou non-croyant, on est d’abord Français ! » 

Car il existe un partie des personnes homosexuelles en France qui sont perméables au nationalisme et à la dénonciation de l'Islam (perçue comme source principale de l'homophobie). Marine Le Pen a fait le choix stratégique de ne pas se couper de ces personnes.

D'un point de vue idéologique, cela ne pose pas de problème à Marine Le Pen. Le positionnement du fascisme par rapport à l'homophobie n'a jamais été unilatéral. Autant, l'homophobie est un élément essentiel de l’extrême-droite réactionnaire, autant une forme de l'homosexualité masculine a pu être mise en avant par une partie du mouvement fasciste mais seulement en tant que culte viriliste et patriarcal du corps masculin. 

Le positionnement par rapport à la question de l'homosexualité est justement un point de divergence et de tension actuellement dans la recomposition du mouvement fasciste en France. Preuve en est la récente affaire autour d'un dossier du journal d'extrême-droite « Minute ». Dans son édition du 2 janvier 2013, il titrait : « Existe-t-il un lobby gay au FN », affirmant dans ses pages que des militants du FN dénonceraient une « cour de cadres gays » qui isoleraient Marine Le Pen du reste de l'organisation. 

La position tactique de Marine Le Pen par rapport au droit au mariage et à l'adoption pour les personnes homosexuelles a donc été élaborée selon ce cadre, en prenant en compte ces éléments. 

Le fascisme n'a pas besoin de cohérence idéologique. C'est un mouvement dont toutes les composantes, toutes les diversités et incohérences servent le même but : la mobilisation nationaliste, la soumission des masses populaires aux intérêts nationalistes de la bourgeoisie impérialiste française.

Il est donc tout à fait logique que le FN s'en sorte et réussisse son coup en étant à la fois dans la manifestation tout en n'y étant pas en même temps.

Marine Le Pen réussit à être soutenue autant par les homophobes que par des personnes homosexuelles nationalistes, de la même manière qu'elle arrive à être soutenue en même temps par certains juifs ultra-sionistes et racistes contre les arabes, par des des personnes antisémites d'origines arabes et des néonazis.

On est là en pleine tactique et politique fasciste, avec un haut niveau de démagogie, de pirouettes et d'irrationalisme permettant de faire avancer le mouvement général. Le positionnement de Marine Le Pen à propos du droit au mariage et à l'adoption pour les personnes homosexuelles est donc le fruit d'un choix tactique qui doit être payant sur le long terme, un choix tactique à la hauteur des ambitions et de la démagogie fasciste de l'équipe de Marine Le Pen.

En manœuvrant ainsi, l'équipe de Marine Le Pen entend prouver à la grande bourgeoisie sa capacité à rassembler et diriger les masses.

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