Pillage et révolte : de la lutte anti-CIP à la place du Trocadéro avec le PSG ?
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le phénomène est bien connu des « vétérans » : autant les années 1990 ont été marquées par des manifestations de masses où la violence populaire a été une constante, autant les années 2000, et particulièrement ces dernières années, ont formé une sorte de grand creux syndicaliste-associatif.
A la fin des années 1980 et jusqu'à la fin des années 1990 grosso modo, les manifestations sociales généraient vite une flambée militante étudiante et lycéenne, où inévitablement venaient se greffer à la fois la violence organisée de groupes d'extrême-gauche de la mouvance autonome et le pillage semi-spontané de « bandes » de jeunes venus des banlieues populaires.
C'est ce fantôme que les commentateurs bourgeois ont craint en parlant des affrontements à la place du Trocadéro lors de la « fête » pour le « sacre » du Paris Saint-Germain lors du championnat de football 2012-2013.
Or, c'est impossible ; non seulement le trou générationnel est trop grand, mais les masses ayant fait l'expérience des années 1990 avaient, directement ou indirectement, une expérience politique, de par le contenu idéologique véhiculé par les manifestations, notamment bien entendu la lutte contre le « smic jeunes », le Contrat d'insertion professionnelle (CIP).
Il faut se rappeler à quel point la violence policière, par l'intermédiaire notamment de véritables barbares habillés en civils, a été extrême durant ces années. Il est catastrophique qu'il n'y ait pas de documentation exhaustive à ce sujet.
Bandes de policiers armés de matraques et ultra-violents, prises systématiques de photographies, services d'ordre syndicaux ultra-brutaux et aidant ouvertement la police... tel était un panorama auquel il faut ajouter la venue massive de jeunes des banlieues populaires sans conscience politique et pratiquant un pillage de récupération basculant aisément dans l'ultra-violence gratuite.
Sans avoir cela en tête, on ne comprend pas pourquoi a triomphé l'anarcho-trotskysme syndical et associatif durant les années 2000, alors que les masses se coupaient de l'extrême-gauche en l'absence d'alternative concrète et se dépolitisaient.
Les violences faites par de jeunes hommes au nom du PSG dans la partie ouest de Paris, un secteur de la haute bourgeoisie, sont donc une sorte d'anomalie, de fantôme des années 1990. Leur double caractère saute aux yeux : c'est n'importe quoi mais c'est populaire, c'est populaire mais c'est n'importe quoi.
Car il est évident que cette démarche de violence « footballistique » est patriarcale, anti-populaire (comme le pillage anti-social d'affaires de touristes dans la soute d'un bus), charriant inévitablement également des idéologies réactionnaires à la Dieudonné.
Mais en même temps, elle exprime une lame de fond de rejet de la bourgeoisie et de la société. On retombe dans les grandes questions des années 2000 : cette violence populaire reflète-t-elle une culture du lumpen-prolétariat, ou bien une contestation de classe ?
Seul un point de vue dialectique permet de répondre à cette question, puisque les deux aspects sont présents.
Et illustrons cela par un questionnement simple : que peut penser de tout cela un jeune nationaliste parisien issu du peuple ? N'est-il pas censé aimer le PSG et apprécier la révolte contre le « monde moderne » ?
Serait-ce ici alors un tour de passe-passe de l'histoire, qui montrerait que finalement le peuple a les mêmes valeurs, au-delà des préjugés racistes ?
Ce serait trop simple, et le drapeau du PSG n'est pas celui de la révolution, très loin de là. Le culte d'un club n'a rien d'universaliste, c'est un micro-nationalisme coupé des principes de civilisation.
Néanmoins, il y a quelque chose qui ne doit pas échapper l'attention aux communistes : l'effondrement de la société bourgeoise provoque une recomposition idéologique et culturelle du prolétariat.
Et s'il est bien connu que traditionnellement en Ile-de-France, c'est le club de l'Olympique de Marseille à qui revient nombre de sympathies populaires (de par ce qu'il représente à tort ou à raison : populaire, métissé, ensoleillé, etc.), ce qui se passe modifie la donne.
Le PSG de l'oligarchie qatari est repris comme vecteur d'une certaine culture populaire, volontaire, métissée. Si la fétichiser est absurde (c'est ce qu'ont essayé de faire les gens de la tribune Auteuil), il y a bien quelque chose qui se passe.
Mais ce n'est qu'un moment d'un processus global : ce qui est en jeu, c'est bien plus que le football ou un club de foot !