« Quant à Staline, nous avons tous applaudi à la victoire de l'Armée rouge contre les nazis, en 1943. Mais déjà lorsque nous avions eu connaissance des grands procès staliniens de 1935, et même s'il fallait garder une oreille ouverte vers le communisme pour contrebalancer le capitalisme américain, la nécessité de s'opposer à cette forme insupportable de totalitarisme s'était imposée comme une évidence. »

« Le message d'un Mandela, d'un Martin Luther King trouve toute sa pertinence dans un monde qui a dépassé la confrontation des idéologies et le totalitarisme conquérant. »

Ces citations tirées de l'opuscule « Indignez-vous ! » sont très parlantes. Stéphane Hessel, grand bourgeois décédé hier, était un représentant traditionnel de l'idéologie française depuis 1945.

Il a eu d'ailleurs droit à des salutations de la part de toute la petite-bourgeoisie, et même de certains secteurs de la bourgeoisie, celle réformiste.

Son mérite est grand il est vrai aux yeux de celles-ci : le petit ouvrage Indignez-vous !, qui a eu un grand succès, puisqu'il a été vendu à 300 000 exemplaires en trois mois, puis en une année, à 4 millions d'exemplaires en 34 langues.

Car que rêver de plus pour la petite-bourgeoisie que quelqu'un appelant à s'indigner mais sans dire pourquoi et surtout en soulignant l'importance du caractère pacifique ?

Pas de hasard ici : ce qui compte, c'est la mise en scène de l'émotion, l'artifice de la révolte outrée, le jeu pitoyable d'une indignation en solitaire, mais à plusieurs.

Ce sont d'ailleurs les médias qui ont qualifié du mot « indigné » le mouvement de protestation en Espagne, afin de le « driver » dans une posture, une position petite-bourgeoise d'indignation, etc.

De fait, en étant parfaitement objectif, la grande farce de la mise en avant du « indignez-vous », c'est une manière d'utiliser les protestations populaires, en rejetant l'affirmation prolétarienne ; c'est pour la petite-bourgeoisie un moyen d'intoxiquer et d'utiliser le prolétariat.

Et comme la petite-bourgeoisie n'est pas une classe à part entière, ce sont les intellectuels bourgeois qui sont derrière à la manoeuvre, ceux du Monde, de Télérama, toute la configuration « catho de gauche » dont finalement l'anarchisme n'est qu'une composante.

Car l'anarchisme français d'aujourd'hui n'est qu'une copie de la CFDT des années 1970, syndicat chrétien et « autogestionnaire », anti-politique et pétri de bons sentiments. L'indignation, les anarchistes n'ont rien d'autre, car ils n'ont ni programme, ni idéologie, et ils n'en veulent d'ailleurs pas.

Tous les idéalistes de gauche se reconnaissent dans cette phrase anticapitaliste romantique qu'on trouve dans Indignez-vous ! : « le pouvoir de l'argent, tellement combattu par la Résistance, n'a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l'État. »

Et pour nous, communistes utilisant le matérialisme dialectique, cette phrase suinte l'antisémitisme par tous ses pores, elle correspond au discours anticapitaliste romantique que l'on retrouve de plus en plus souvent, à gauche comme à l'extrême-droite.

La citation mis en exergue, où Stéphane Hessel oppose le capitalisme américain au communisme, est pareillement typique du gaullisme, du fascisme, du principe de la « troisième voie ».

Et qui dit anticapitalisme romantique dit nostalgie pour le Moyen-Âge, dans Indignez-vous ! Stéphane Hessel n'hésite pas à l'assumer :

« L'immense écart qui existe entre les très pauvres et les très riches et qui ne cesse de s'accroître. C'est une innovation des XX` et XXI` siècle.  »

A croire que le 19ème siècle a été démocratique, ou le Moyen-Âge, ou l'esclavage !

Le succès de l'opuscule Indignez-vous ! tient donc à la guerre à la pensée, la guerre à la science, la guerre au matérialisme dialectique, l'appel à l'irrationalisme.

Le capitalisme a anéanti en France toute forme de pensée organisée, capable de planifier, de saisir les contradictions, et c'est bien normal : le socialisme scientifique a besoin d'être affirmé et porté par l'avant-garde. Sans Parti, pas de pensée.

Voilà pourquoi les communistes devraient utiliser le terme « indigné », pour désigner politiquement une fausse révolte, individualiste et égocentrique. Le terme « indigné » doit donc désormais être utilisé politiquement, en se moquant : « finalement, tu n'es qu'un indigné ! ».

Inversement, la bourgeoisie compte bien utiliser politiquement Stéphane Hessel à son profit et faire de l'indignation une « qualité ». Une pétition a été lancée pour que Stéphane Hessel soit... placé au Panthéon, comme « grand homme ».

« Le décès de Stéphane Hessel a provoqué une vive émotion, à la hauteur du respect que l’homme suscitait. Au delà, nous souhaitons que le sens du combat de Stéphane Hessel perdure et soit reconnu.

Le parcours de Stéphane Hessel fait en effet de lui un grand Républicain, bien au delà des clivages partisans.

Son engagement dans la Résistance, son courage jamais démenti, sa droiture dans le service de la France, sa défense de la démocratie, son acharnement à promouvoir les valeurs des droits de l’Homme, son souci constant des plus démunis, donnent au mot de citoyenneté tout son sens.

Notre identité nationale se forge aussi à partir des luttes concrètes telles que celles que Stéphane Hessel a mené tout au long de son existence. Ni l’âge, ni les difficultés de la vie ne l’ont détourné de sa bataille permanente pour élever la dignité de l’humain au dessus de toutes les contingences.

Le message de Stéphane Hessel, cet appel à l’indignation, ce refus de toutes les formes d’injustices doit désormais faire partie de notre héritage commun. Nous demandons donc au Président de la République que Stéphane Hessel entre au Panthéon, pour que la République rende à ses combats l’hommage qui leur est dû.

Nous souhaitons ardemment que la pédagogie civique et la mémoire collective témoignent de l’importance de l’esprit de résistance. Parce qu’avec Stéphane Hessel, c’est une vie consacrée à l’intérêt général et au service d’une certaine idée de la France qu’il s’agit d’honorer.

La pétition « L'Indignation doit entrer au Panthéon »

Premiers signataires : Julien Bayou (cofondateur de Génération Précaire et Jeudi noir, conseiller régional EE-LV), Eva Joly (eurodéputée EE-LV, ancienne candidate à l'élection présidentielle), Pouria Amirshahi (député PS), Etienne Pinte (ancien député UMP), Pascal Blanchard (historien), François Durepaire (historien), Elise Aubry (Jeudi noir, Sauver les riches). »

Le message de François Hollande va dans le même sens :

« Décès de Stéphane HESSEL

J’apprends avec une grande tristesse la disparition de Stéphane HESSEL. C’était une grande figure dont la vie exceptionnelle aura été consacrée à la défense de la dignité humaine.

C’est au nom de ses valeurs qu’il s’engagea dans la résistance.

C’est convaincu de la nécessité d’une gouvernance du monde qu’il travailla à la mise en place de l’ONU et qu’il poursuivit une carrière brillante de diplomate au service de la paix.

C’est en européen marqué par la guerre qu’il s’est mobilisé pour l’unification de notre continent.

C’est en humaniste passionné qu’il s’est livré à tous les combats pour les droits de la personne humaine, pour lutter contre les préjugés, les conformismes, les conservatismes.

Sa capacité d’indignation était sans limite, sauf celle de sa propre vie. Au moment où celle-ci s’achève, il nous laisse une leçon, celle de ne se résigner à aucune injustice.

J’adresse à sa famille et à ses proches le témoignage de notre reconnaissance. »

Stéphane Hessel a été un fidèle serviteur du capitalisme, des institutions ; à ce titre, il ne mérite que le mépris, le dégoût pour ses prétentions, son anticommunisme.