Ce qui est frappant, c'est qu'est très révélateur le parcours de la manifestation du 13 janvier 2013. Il s'agit d'un échauffement, d'un entraînement ; la bourgeoisie se prépare pour les rudes luttes de classe à venir.

Elle doit s'entraîner à organiser, à galvaniser, à s'unifier, à revendiquer et à frapper. Le mouvement pour la manifestation du 13 janvier et la manifestation elle-même est un excellent outil de lutte de classes.

En fait, le grand problème de la manifestation du 13 janvier, du point de vue réactionnaire, est de combiner la bourgeoisie vieille France avec celle qui est entreprenante et commerciale. Il y a là deux traditions bourgeoises bien différentes.

La première privilégie les valeurs, catholiques traditionnelles, célébrant les Péguy, Barrès, Maurras. L'autre est pragmatique et vise le business d'abord, et sa jeunesse revendique de flamber son argent. Entre le pape et le poker, il y a un fossé à remplir pourtant absolument pour la bourgeoisie (voir La bourgeoisie parisienne garde Roland Garros et massacre les serres d’Auteuil; La « belle époque » de l'élan capitaliste (11): Péguy et les catholiques décadents; La « belle époque » de l'élan capitaliste (10): les nationalistes sociaux Barrès et Maurras contre l'esprit de Haussmann).

De plus, entre les deux il y a bien sûr toute une couche bourgeoise intermédiaire, peuplant notamment le huitième arrondissement de Paris. Et il y a bien sûr la bourgeoisie « de gauche », celle qui est « bobo. »

Il faut donc dépasser les clivages, les luttes de classes nécessitant une unification.

Le parcours de la manifestation du 13 janvier 2013 témoigne de cela. Le 17ème arrondissement n'est pas parcouru, car de toutes façons ses habitantEs relèvent de la bourgeoisie vieille France qui participera. Le 16ème arrondissement est traversé, quant à lui, afin de profiter de l'esprit d'élan de la bourgeoisie « open. »

C'est cette bourgeoisie « open » qui est au cœur de la campagne, car cela permet de ne pas apparaître comme « ringard » ou « homophobe. » Et le 16ème arrondissement, cela va être pratiquement 200 000 personnes qui n'auront qu'à descendre dans la rue pour rejoindre un cortège à quelques centaines de mètres de chez elles.

C'est pour cela que la manifestation du 13 janvier 2013 ne peut pas avoir moins de 300 000 personnes.

Et il faut noter l'apport que représente la traversée des 15ème et 14ème arrondissements, où prime un esprit bourgeois et petit-bourgeois conservateur, alors que socialement la situation est plus bigarrée.

De toutes manières, le bourgeois est à la mode ; son look, ses attitudes, ses poses, ses valeurs sont considérées comme les meilleures, les plus hautes. Les masses populaires les plus arriérées ont largement sombré dans la célébration de la petite propriété, de la flambe, de l'individualisme et de l'opportunisme.

C'est pour cela qu'en plus d'une manifestation réactionnaire, on aura également un front ultra-réactionnaire d'organisé. Car il y aura différents cortèges. S'il y a trois cortèges de la manifestation « officielle », il ne faut pas oublier le cortège ultra-réactionnaire de « civitas. »

On a là la frange ouvertement fasciste, qui compte bien élargir sa base et mordre sur le « peuple de droite. » Voici sur un plan à quoi cela va ressembler.

Ce qui est intéressant donc, c'est que la bourgeoisie conservatrice est tout à fait consciente que les mariages de personnes homosexuelles concerneront environ 12 000 personnes, soit pas grand chose. De plus, elle sait très bien que d'autres pays ont déjà reconnu le droit au mariage pour les personnes homosexuelles : les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, l'Espagne en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010 et le Danemark en 2012.

Si la bourgeoisie française mène campagne à ce point contre le droit au mariage pour les personnes homosexuelles, c'est pour galvaniser ses troupes, pour les mobiliser. Chose très nécessaire car la jeunesse bourgeoise est très décadente et il est nécessaire de l'encadrer fermement pour se préparer pour les batailles politiques.

Il y a là un processus d'enseignement de la discipline qui passe par l'église catholique, les scouts, la famille, les grandes écoles.

La bourgeoisie française sait se réorganiser pour la lutte des classes : voilà un simple constat matérialiste dialectique.