27 Jan 2013

Civitas : une organisation national-catholique à la conquête du pouvoir

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jean oussetLors de chaque mobilisation contre le droit au mariage pour les personnes homosexuelles, il y a eu deux manifestations. La première regroupait la grande masse des manifestants et se voulait « propre sur elle », la seconde était clairement homophobe et regroupait un grand nombre d'organisations fascistes. Cette seconde manifestation était organisée et dirigée par l’Institut Civitas, un groupe dont on a commencé à entendre parler l'année dernière lors des rassemblements contre la photographie « Piss Christ » et la pièce de théâtre « Golgota picnic » toutes deux antichrétiennes et décadentes.

Mais ce groupe ne vient pas de nulle part. Il se situe dans la filiation idéologique du courant fasciste national-catholique français. Loin d'être juste une caricature de « gros réacs », l'Institut Civitas a une stratégie très claire de conquête du pouvoir en France et son influence grandit à la faveur du mouvement contre le droit au mariage pour les personnes homosexuelles (conformément à ce que nous avions expliqué à propos de ces manifestations).

L’Institut Civitas a été créé en 1999. Il succède, ainsi qu'un autre groupe nommé Ichtus, à la « Cité catholique ».

monseigneur lefebvre

La Cité catholique naît en 1946 sous l'impulsion, entre autres, de Jean Ousset. Jean Ousset était un écrivain membre de l'Action Française, le mouvement fasciste français avec l'idéologie la plus élaborée. Après la fin de la seconde guerre mondiale et la défaite du fascisme, Jean Ousset décide donc de monter un mouvement dont le but est de :

Former, pour en offrir le bienfait à notre pays la France, un nombre suffisant pour être décisif de cadres politiques et sociaux », cadres laïcs mais défendant la « renaissance chrétienne de la France.

L'objectif est donc très clair : pénétrer l'élite politique pour remettre en place l'ordre social chrétien. C'est donc un mouvement de reconquête du pouvoir politique.

En 1959, Jean Ousset publie Pour qu'il règne, manifeste contre-révolutionnaire qui réclame « l'avènement de la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ ». Ce manifeste avait à l'époque pénétré certains cercles militaires, leur apportant des arguments pour la torture en Algérie en défense de « l'Occident chrétien » contre la « subversion communiste ». Son livre pose donc une base du national-catholicisme moderne.

C'est à cette période que la majorité des évêques prend ses distances avec lui. Mais Jean Ousset récolte un nouveau soutien : Marcel Lefebvre, archevêque traditionaliste opposé au concile du Vatican II (considéré comme le symbole de l'ouverture au monde moderne et à la culture contemporaine, avec l'abandon de la messe en latin et l'ouverture du « dialogue interreligieux »).

En 1963, la Cité catholique devient l’Office International des œuvres de formation civique et d’action doctrinale selon le droit naturel et chrétien. Puis, percevant la nécessité de s'axer sur la culture plutôt que sur la doctrine, il devient l'Office international des œuvres de formation civique et d’action culturelle. L'organisation éclate alors pour donner naissance à plusieurs groupes dont Ichtus et, plus tard, L’Institut Civitas.

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L'institut Civitas se décrit lui-même comme « un mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l'Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la France et les Français en particulier. » Son objectif central est donc clairement la conquête du pouvoir en France et l'instauration d'un régime fasciste national-catholique.

Il reprend donc exactement la même logique de conquête du pouvoir grâce aux élites (particulièrement militaires), logique développée par Jean Ousset et la Cité catholique, mais qui l'était aussi auparavant par l'Action Française et son idéologue Charles Maurras. D'ailleurs, les responsables de Civitas se disent explicitement « héritiers de l’ancienne Cité Catholique de Jean Ousset ».

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L'Institut Civitas a par ailleurs des liens étroits avec la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X qui regroupe tous les prêtres et évêques lefebvriste. Marcel Lefebvre est un personnage très particulier du catholicisme. Comme nous le disions, il était un opposant à la modernisation de l'Église et, en 1970, il fonde la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.

En 1985, Marcel Lefebvre dénonce les « ennemis de la Foi : les Juifs, les communistes et les francs-maçons ». En 1986, il s'insurge contre la participation de l'Église catholique à une rencontre inter-religieuse et à une journée de « prière pour la paix ». Il revendique alors incarner la véritable Tradition de l'Église et, en 1988, suite au sacre de quatre évêques sans l'accord de Rome, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et tous ses membres sont excommuniés de l'Église.

L’Institut Civitas prend ses bases idéologiques dans la Réaction catholique antisémite, antilibérale et violemment anticommuniste.

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Alain Escada, l'actuel président, est un national-catholique chevronné. En effet, en 1995 (il a alors 25 ans), il fonde Polémique-Info qui est connu comme un des prinicpaux représentants de l'antisémitisme en Belgique. Ancien membre du Front National de Belgique (FNB), il adhère, à partir de 1995 également, au Front Nouveau de Belgique. Il est également le président de l'association Belgique et Chrétienté depuis le milieu des années 1990. Belgique et Chrétienté est un lobby catholique intégriste très proche du groupe nationaliste révolutionnaire Nation, créé par le fondateur du groupe néonazi l'Assaut.

Depuis les débuts de son existence, l’Institut Civitas était dirigé par l’amiral François de Penfentenyo qui appartient à une très ancienne famille d'aristocrates bretons. Le fait que le président soit un militaire de haut-rang rentre pleinement dans la logique de cette organisation dont le but est de s'armer pour prendre le pouvoir.

Cette stratégie d'influence au sein de la hiérarchie militaire est très élaborée et très avancée. Ainsi, le n°2 de l'Institut Civitas, Jean-Claude Philipot, est l'ex-commissaire général de l'Armée de Terre. L'ancien secrétaire général de l'Institut Civitas, Dominique Chrissement était lui-même général et l'ancien chef d’état major de la zone de défense d’Île-de-France. On compte dans les personnalités proches de cette mouvance, l'abbé Denis Puga, abbé de l'église Saint-Nicolas du Chardonnet de Paris occupée par la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X depuis 1977, ancien militaire et frère d'un autre militaire de très haut rang le général Benoît Puga.

Le général Benoît Puga n'est autre que le chef d'état-major personnel du président de la République (nommé sous Nicolas Sarkozy et reconduit par François Hollande) c'est-à-dire le principal collaborateur militaire du Président de la République et un poste dont la suite logique est de devenir chef d'état-major des armées, c'est-à-dire le dirigeant de l'Armée française. Le général Benoît Puga était auparavant le chef de la Direction du Renseignement Militaire et avait aussi été général commandant des opérations spéciales, c'est-à-dire le chef des corps d'élite de l'Armée française.

On trouve aussi le général Bruno Dary ancien gouverneur militaire de Paris qui était au comité de pilotage de la « Manif pour tous » et qui est par ailleurs un très proche du général Benoît Puga.

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Ces deux dernières années, grâce à une tactique médiatique et politique très réfléchie, l'Institut Civitas rassemble de plus en plus de personnes autour de lui. Ainsi, le 16 avril 2011, il a rassemblé entre 500 et 1500 personnes pour manifester contre l’œuvre Piss Christ. Le 29 octobre 2011, ce sont 2.000 à 5.000 personnes qui se rassemblent pour manifester contre la « christianophobie » (ils protestaient, entre autres, contre les spectacles Golgota Picnic et Sur le concept du visage du fils de Dieu et les affiches de la série Borgia diffusée par Canal Plus). A l'époque, l'Institut Civitas revendiquait 1000 adhérents et un réseau de 100.000 personnes.

Les manifestations contre le droit au mariage pour les personnes homosexuelles sont l'occasion pour l'Institut Civitas d'augmenter la mobilisation autour de lui et de se placer comme force centrale. Le 18 novembre 2012, il réunit entre 9.000 personnes (selon la police) et 20.000 personnes (chiffres revendiqués par l'Institut Civitas). Et, enfin, pour la manifestation du 13 janvier 2013, l'Institut Civitas revendique un cortège de 50.000 personnes. Selon Alain Escada, l'Institut compte aujourd'hui en France 1.300 membres et dispose d’un réseau de 170.000 sympathisants.

Comme on le voit, l'Institut Civitas prend de plus en plus d'ampleur en tant que structure d'agitation et d'organisation national-catholique. Son axe est de développer une structure semi-politique et semi-culturelle afin d'influencer idéologiquement les élites réactionnaires françaises et d'imposer le national-catholicisme comme idéologie du fascisme en France.

alain escada

Si Civitas est plutôt royaliste, il fédère et travaille avec des organisations politiques nationalistes « républicaines » comme le Renouveau Français, voire non-catholique comme l'Oeuvre Française et les Jeunesses Nationalistes. L'Oeuvre Française est d'ailleurs l'organisation fasciste française qui a le plus de lien avec l'Armée et mène depuis sa création une réelle stratégie d'infiltration militaire, poussant systématiquement ses jeunes à s'engager et recrutant prioritairement dans les écoles militaires.

Il est donc logique que tous ces groupes défilent dans les cortèges de Civitas durant les manifestations contre le droit au mariage pour les personnes homosexuelles, les skinheads néonazis des Jeunesses Nationalistes assumant même le service d'ordre de ses cortèges.

On le voit de manière très claire, l'Institut Civitas est une structure de combat, un instrument qui visent à la conquête de l'hégémonie culturelle et prépare la prise du pouvoir. Il jouit de relais puissants dans les hautes sphères de la bourgeoisie et de l'Armée et s'appuie sur une base sympathisante très large avec les fidèles de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X qui sont un peu plus de 100.000 en France et dont la jeunesse est strictement formée intellectuellement et militairement au sein de groupes scouts générés par la Fraternité, mais aussi avec d'autres courants catholiques intégristes qui sont restés dans l’Église catholique officielle ou y sont retournés.

civitasLe rôle de l'Institut Civitas est d'organiser la mobilisation et l'organisation de tout ce monde, de sonner le rappel. En somme son rôle est d'annoncer que le temps est venu de partir à l'assaut du pouvoir.

Et tout cela est littéralement porté par la mobilisation contre le droit au mariage pour les personnes homosexuelles. L’Institut Civitas se place comme centre d'un pôle radical, assumant clairement l'homophobie, le catholicisme et le nationalisme.

Clairement, le fascisme passe à l'offensive, prépare et structure sa marche au pouvoir. Et ce ne sont pas les délires cosmopolites réformistes et gauchistes qui permettront de résister à cela. C'est d'idéologie dont l'antifascisme a besoin, pas de postures. Pour contrer le mouvement ascendant du fascisme en France, encore faut-il connaître la France, comprendre la situation concrète dans laquelle cela se passe et dans laquelle nous vivons.

Pour résister à l'offensive du fascisme, il faut un vrai Parti Communiste discipliné et pleinement ancré dans la réalité française. Et c'est cela qu'aujourd'hui seul le PCMLM essaie de construire en France.

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