9 juil 2012

Mansoor Hekmat, un « marxiste » chantre de la bourgeoisie iranienne contre Avicenne et Averroès

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Il y a dix ans décédait l'iranien Mansoor Hekmat, le 4 Juillet 2002. Cet intellectuel a essayé de développer une nouvelle idéologie, une nouvelle forme de marxisme, qu'il a appelé « communisme ouvrier. »

Le concept de « communisme ouvrier » n'est il est vrai pas quelque chose de nouveau. Il a été utilisé en Allemagne pendant les années 1920 par les « marxistes » anti-léninistes, puis à la fin des années 1970 par les organisation hoxhaistes.

Toutes ces conceptions ont en commun qu'elles veulent un programme socialiste « pur », libre de toute les étapes qui devraient se produire avant. Ils rejettent tout front antifasciste / populaire, ils rejettent toute étape de « révolution démocratique », ils rejettent toute alliance avec les paysans.

L'idéologie de Mansoor Hekmat est un mélange des deux, ce qui est en fait la tendance principale dans le marxisme iranien depuis au moins 40 ans. La preuve de ceci est que, d'une manière étonnante, Mansoor Hekmat n'a jamais parlé d'Avicenne et d'Averroès.

Cela est étonnant, parce que Avicenne était un Persan, parce qu'Averroès a été le premier à « séparer » la religion et l'État (une grande cause de Mansoor Hekmat), parce que les deux étaient les titans de tous le matérialisme pré-bourgeois.

Mansoor Hekmat nie même la Falsafa arabo-persane; parlant de l'Islam, il a expliqué:

« C'est la religion de la mort. En réalité, toutes les religions sont telles, mais la plupart des religions ont été retenues par la libre pensée et l'humanité éprise de liberté pendant des centaines d'années. Celle-là n'a jamais été retenue ou contrôlée. A chaque mouvement, elle apporte des abominations et de la misère. » (L'islam et la dé-islamisation, Entretien avec Negah publication, Janvier 1999)

Cela signifie que Mansoor Hekmat ne connaissait pas ou ne reconnaissaitt pas l'existence de la Falsafa, il n'a jamais parlé de la tendance idéologique qui a permis le siècle des Lumières en Europe, alors qu'il voulait les Lumières pour l'Iran.

C'est une contradiction totale et quelque chose d'absurde ... Sauf si Mansoor Hekmat voulais quelque chose d'autre. Et c'est le cas.

Mansoor Hekmat n'a pas seulement pas reconnu la Falsafa, il n'a même pas reconnu l'islam chiite. C'est un autre aspect étonnant. Mansoor Hekmat a toujours parlé de l'islam en général, mais absolument jamais au sujet de la forme spécifique de l'islam en Iran.

C'est étonnant, parce que l'islam chiite est assez différent des autres islams, en fait, l'islam n'est pas unifié et représente différentes tendances idéologiques.

En Iran, l'islam chiite a d'importantes traditions particulières, comme le jour de l'Achoura, il porte une tradition philosophique énorme.

Mansoor Hekmat n'a jamais parlé à ce sujet. Pourquoi cela? Comment se fait-il que Mansoor Hekmat

a) ne reconnaît pas le Falsafa
b) et ne reconnaît pas l'islam chiite?

La raison est facile à comprendre: pour Mansoor Hekmat, cela n'existe pas, parce que cela n'est pas « iranien ». Voici ce qu'il dit:

« La société iranienne n'a pas besoin de Martin Luther et de Jean Calvin, car la domination de l'Islam n'est pas idéologique, psychologique ou une hégémonie structurelle, mais il s'agit plutôt d'une règle de politique et policière qui sera renversée politiquement. » (L'islam et la dé-islamisation - entretien avec Negah publications, Janvier 1999)

Ceci est bien sûr absurde. Voyons cela avec un autre exemple. Lorsque Khomeiny s'est depuis la France rendu en Iran en avion, 6 millions de personnes l'attendaient. Quand il est mort, près de 4 millions de personnes étaient dans le deuil à ses funérailles.

Maintenant, voyons ce que dit Mansoor Hekmat:

« La chanteuse Gogoosh était une personnalité beaucoup plus populaire que Khomeiny dans l'histoire de l'Iran (...).

Même maintenant, dès qu'un Iranien est à l'étranger, il / elle adopte rapidement le mode de vie occidental ; même les valeurs patriarcales, machistes d'un homme oriental - bien que toujours répandues - sont minées plus rapidement en comparaison avec ceux provenant de pays plus sévèrement chargé avec l'islam.

L'Iran, en particulier, n'est pas une société islamique telle que définie par les orientalistes occidentaux, les médias occidentaux ou le régime islamique en Iran.

L'Iran est une société fervente pour la civilisation et sympathique à la culture occidentale du 21e siècle. Il croit en la science. Il y a deux générations, les femmes marchaient dans les rues sans voiles. La musique occidentale et les films ont toujours été une partie de cette culture.
Des personnalités bien connues de l'Ouest ont également été célèbres en Iran.

Les similitudes avec l'Occident, que ce soit dans la planification urbaine, la scolarisation, de la science, l'art et la culture, sont considérées comme des vertus » (« L'islam est une composante du « lumpenisme » dans la société », Entretien avec avec Radio Hambastegi à Malmö - Suède).

Ce que Mansoor Hekmat dit ici pourrait être dit exactement de la même manière par le Shah et les modernistes bureaucratiques capitalistes dans les années 1970.

L'existence des masses n'est pas reconnu; la féodalité n'est pas considérée comme réelle. Ainsi, l'Islam ne peut être qu'un « lumpenisme », un accident, quelque chose venant de l'extérieur de l'Iran.

En fait, la phrase sur « l'Iranian à l'étranger » qui serait pour ainsi dire « automatiquement » moderne est une expression directement anti-arabe. Exactement comme le Shah voulait revenir à l'empire pré-islamique, Mansoor Hekmat a inventé un Iran qui n'avait rien à voir avec l'islam.

Il était, en fait, un moderniste bourgeois. La bourgeoisie iranienne a dû expliquer la situation, et il y avait deux façons. Soit elle acceptait l'interprétation « islamo-marxiste » des Moudjahidines du Peuple pour qui la révolution a été « trahie » par Khomeiny.

Ou elle considérait l'islam comme une anomalie. Toute la gauche iranienne pensé comme cela -, mais Mansoor Hekmat a amené la thèse la plus développée pour le justifier.

C'est aussi très clair dans le "Un monde meilleur - Programme du Parti communiste-ouvrier."

Il est possible d'y trouver l'étonnante exigence moderniste, que le Shah aurait aussi exigé s'il le pouvait à ce moment-là:

« Modification de l'alphabet Farsi

Pour en finir avec la séparation de la société iranienne et du progrès scientifique, industriel et culturel dans le monde actuel, et afin d'aider la population à bénéficier de ce progrès et prendre une part plus directe et plus active dans ce monde, l'alphabet officiel du Farsi doit être systématiquement changé en alphabet latin.

Le Parti demande également que:

1 - L'Anglais soit enseigné à l'école dès le plus jeune âge, afin d'en une langue répandue dans l'éducation et l'administration.

2 - Le calendrier occidental (le calendrier officiel en service aujourd'hui à l'échelle internationale) doit être reconnu officiellement et employé dans les documents officiels à côté du calendrier local. »

Il s'agit clairement d'une proposition de modernisme par la soumission à l'impérialisme, et en particulier ceux des États-Unis et d'Angleterre (l'impérialisme anglais a joué historiquement un rôle très important en Iran et est particulièrement haï).

Toute l'histoire de l'Iran et la Perse devrait être liquidée, depuis les miniatures persanes jusqu'à la présence en Inde à travers les Moghols, au nom du modernisme.

Le « Un monde meilleur - Programme du Parti communiste-ouvrier » est ainsi clairement un programme démocratique bourgeois.

D'un côté, il explique que le but est le communisme. Mais de l'autre côté, il n'est jamais expliqué ce à quoi ressemble ce communisme. Ni le rapport à la nature est expliqué, ni la question de la planification économique. Les contenus ne sont jamais donnés.

Par exemple, dans l'exigence suivante: que sont des coutumes? Des traditions? La culture libre et ouverte? Les valeurs libres et ouvertes? Les relations humaines libres et ouvertes? Cette ambiguïté est très bourgeoise.

« Mise en place d'une législation qui mette radicalement et rapidement dehors toute forme de croyances, traditions et coutumes réactionnaires, discriminatoires et dégradantes et qui permette le développement d'une culture libre et ouverte, de valeurs et de relations humaines. »

Tout le programme est comme cela.

D'un côté, il est expliqué qu'il y a une nécessité d'une « dictature du prolétariat. » Mais de l'autre côté, il est dit qu'il y aurait « Liberté inconditionnelle de croyance, d'expression, d'assemblée, de presse, de manifestation, de grève. Liberté inconditionnelle d'organisation et de formation des partis politiques. »

D'un côté, il est expliqué que la révolution socialiste est nécessaire. Mais de l'autre, il est expliqué que « Le communisme ouvrier ne considère pas qu'organiser la révolution contre ce système soit incompatible avec le fait d'imposer au capitalisme les réformes les plus avancées. »

Mansoor Hekmat promeut en réalité un programme bourgeois, avec l'égalité devant la loi « sans distinction de sexe, nationalité, religion, croyance, emploi, statut, citoyenneté, etc. »

Ce contenu bourgeoise va si loin que même la prostitution est considérée comme une petite unité capitaliste, autorisée à s'unir dans une corporation, avec l'espoir qu'elle « disparaisse » :

« 1 - Légalisation du commerce du sexe comme emploi individuel. Extension des lois de protection et des autorités légales pour défendre les prostituées contre la foule, les racketteurs, les extorqueurs, les souteneurs, etc.

2 - Délivrance de permis de travail à celles et ceux qui travaillent individuellement comme prostitué-es. Leur honneur et prestige en tant que membres respectables de la société doit être assuré, et il faut les aider d'organiser dans leur propre syndicat.

3 - Services médicaux préventifs et thérapeutiques spéciaux gratuits pour les prostitué-es pour les protéger contre les maladies et des dangers liés à la profession.

4 - Travail éducatif, encouragement et aide pratique par les organes responsables de l'état pour aider les prostitué-es à renoncer à la prostitution et à recevoir une formation professionnelle pour travailler dans d'autres secteurs. »

 

Mansoor Hekmat faisait en fait la promotion la révolution démocratique bourgeoise, il poussait la classe ouvrière à soutenir les revendications bourgeoises.

Pour cette raison, Mansoor Hekmat ne pouvait fonder sa conception que sur la négation de l'aspect positif de la bourgeoisie nationale. Représentant une tendance ultra-démocratique, la partie la plus progressiste de la bourgeoisie, Mansoor Hekmat a dû expliquer que la bourgeoisie dans son ensemble n'était pas révolutionnaire.

Ce n'est que comme cela qu'il pouvait prétendre que sa ligne était celle de la classe ouvrière. Pour justifier un programme démocratique bourgeois masqué comme « socialiste », il ne doit pas y avoir de revendications démocratiques bourgeoises - ou le masque tomberait.

Cette invention de ce « masque » - la négation de la bourgeoisie pour masquer un caractère ultra-démocratique bourgeois - est typique du hoxhaisme.

Nombreux sont les partis, en particulier en Turquie (THKO, THKP-C, puis MLKP, TIKB, DHKP-C), qui expliquent que la bourgeoisie était faible, mais dominait la société, qu'il n'y a pas de féodalisme, mais seulement une « distorsion » du capitalisme.

Dans « Le mythe de la bourgeoisie nationale et progressiste » (1979), Mansoor Hekmat explique cette conception, qui est exactement celle d'Enver Hoxha à ce moment:

« Pour la présentation correcte de la question de la dépendance, et la déduction des positions politiques révolutionnaires sur sa base, nous devons commencer à partir d'une connaissance correcte de capital et l'impérialisme.

Le capitalisme dépendant est le capitalisme de l'époque de l'impérialisme dans le pays dominé.

Cela signifie que, tout d'abord, dans ce système, la production sociale et le développement des forces productives sont réalisés principalement dans le cadre de la croissance et l'expansion du capital, et d'autre part, le mouvement de la totalité du capital social dans le pays prend forme dans la réponse aux besoins mondiaux du capital monopoliste, à l'égard de la division concrète du monde en pays impérialistes et dominés sur les plans économique et politique.

Par conséquent, lorsque nous parlons de capitalisme dépendant, nous parlons d'un mode de production qui résulte de la mise en place du capitalisme de l'époque de l'impérialisme dans le pays dominé.

Donc, avant tout, le point est sur la dépendance à l'égard d'un système de production par rapport à l'impérialisme et non la dépendance mécanique et formelle de ses composantes.

Ce point doit devenir clair pour tous ceux qui parlent de capitalisme dépendant, tout comme pour quoi nous disons capitalisme dépendant et non pas 'l'économie sous la domination de capitalistes dépendants'. »

Selon le maoïsme, un pays dominé est gouverné par certains capitalistes dépendants; selon Hoxha et Mansoor Hekmat, c'est par le capitalisme (faible et local) lui-même.

L'aspect tragique de la logique de Mansoor Hekmat, c'est qu'il nie le féodalisme. C'est comme s'il n'y avait pas de leçon du triomphe de Khomeiny. Mais cela est cohérent, parce que Mansoor Hekmat a seulement contribué à un programme démocratique bourgeois; il a seulement aidé certains secteurs bourgeois à mobiliser les masses sur une ligne social-démocrate.

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