Les 75 ans de « l'anschluss » et Alfred Klahr
Submitted by Anonyme (non vérifié)1.Les 75 ans de « l'anschluss » - la question de la nation pour l'Allemagne, l'Autriche, la Tchéquie
Il y a exactement 75 ans, les troupes allemandes envahissaient l'Autriche. Un événement important, non seulement parce que c'était un exemple de raid impérialiste: c'était aussi un moment important où la démagogie fasciste a joué avec le nationalisme.
La définition de la nation a toujours été pour le fascisme opportuniste et impérialiste. Il n'a jamais été question de la culture, que de la conquête. Dans le cas de l'Autriche, il est important de voir comment le fascisme a ici prétendu libérer les masses. L'anschluss a été présentée comme de la « justice. »
Exactement la même chose s'est produite avec les Allemands des Sudètes - bien que l'Autriche était déjà une nation distincte, et que les Allemands des Sudètes étaient une composante de la nation tchèque.
C'est le problème avec lequel les communistes ont dû agir en Allemagne, en Autriche et en Tchécoslovaquie à l'époque. Le national-socialisme a prétendu unir les masses - et il est vrai que ces masses étaient culturellement très proches.
Bien que l'Allemagne, l'Autriche et toute la Tchécoslovaquie étaient toutes des nations propres, elles avaient beaucoup en commun. La Tchécoslovaquie était au 15e siècle la plus forte composante du Saint Empire romain.
L'histoire de cette partie du monde était celle de la lutte pour la suprématie dans la zone « allemande ». Après que la Bohême n'ait pas réussi à renforcer sa suprématie, après que l'Autriche n'ait pas non plus réussi à organiser l'unité allemande, la Prusse a réussi, avec la dénommée « petite solution ».
L’Autriche, par l'idéologie catholique du baroque, a opprimé la Bohême, qui avait magistralement développé l'idéologie hussite progressiste au début du 15e siècle. Une idéologie qui non seulement a donné vie au protestantisme, mais aussi au communisme, avec la révolution taborite qui avait tellement marqué Thomas Münzer.
Il ne faut pas oublier que des figures socialistes importantes comme Karl Kautsky ou Karl Renner étaient de Tchéquie ; ils portaient cette tradition.
Ainsi, si Hitler était contre les Slaves, c'est aussi parce que la Tchéquie symbolisait la partie « allemande » la plus démocratique. L'anschluss de l'Autriche « Grande Allemagne » était une action anti-sémite et anti-slave.
2. Alfred Klahr - à propos de la relation entre l'Allemagne et l'Autriche
Alfred Klahr (1904 - 1944) était membre du Comité central du Parti Communiste d'Autriche ; il est mort à Varsovie, après qu'il se soit échappé du camp de concentration d'Auschwitz.
Il a joué un excellent rôle, dans la mesure où il a travaillé sur le développement de la nation autrichienne indépendante.
Dans l'article « Sur la question nationale en Autriche », publié en 1937 dans la revue communiste illégale depuis 1933 « Weg und Ziel » (La voie et le but) , Klahr remarquait que l'Autriche avait une contradiction entre deux options nationales:
Car au courant allemand-national dans une partie de la population autrichienne faisait face l'autre orientation autrichienne nationale historiquement produite.
Nous devons nous opposer à la fausse conception selon laquelle la question nationale en Autriche s'est épuisée dans la question du rattachement [à l'Allemagne], comme si le mouvement national était identique à celui qui est allemand, c'est-à-dire aujourd'hui avec le mouvement national-socialiste.
Non, le combat, qui a été mené ces dernières années pour l'indépendance du pays et qui continuera tant que le fascisme hitlérien sera au pouvoir en Allemagne, a des deux côtés de plus profondes racines nationales, qui touchent loin dans l'histoire du peuple autrichien.
Il y avait et il y a en Autriche justement deux tendances nationales.
D'où viennent ces deux tendances? Elles proviennent des intérêts de classe. D'une part, la bourgeoisie allait dans la direction de la plus grande solution allemande, d'autre part la monarchie dans une direction très différente.
Klahr nous dit:
Encore à la veille de la grande révolution bourgeoise en France (1789), il y avait sur l'ensemble du territoire des Allemands plus de 300 principautés, petites ou grandes, économiquement fermées, politiquement indépendantes les unes des autres, qui se faisaient souvent la guerre les unes avec les autres, individuellement ou dans de grandes coalitions.
Le « Saint Empire romain de la nation allemande », qui se plaçait sous les Habsbourg [c'est-à-dire la dynastie autrichienne] jusqu'en 1806, faisait au mieux référence à quelques rares actes représentatifs, qui ne changeaient cependant rien à cette fragmentation économique et politique, à la terrible « misère allemande ».
Seule l'émergence et le développement du capitalisme a poussé l'Allemagne à « une mise ensemble », a poussé à la mise en place de « l'unité nationale ». La lutte pour l'unité de la nation est au cœur de l'histoire allemande du 19e siècle, jusqu'en 1871.
Une nation unifiée allemande, qui a également inclus la souche allemande en Autriche, cela n'a cependant - "stricto sensu" – jamais existé dans l'histoire.
Et, ensuite:
La révolution bourgeoise de 1848 s'est fixée pour tâche de réaliser l'unité politique de la nation allemande, avec la participation des Allemands en Autriche, ce qui n'était possible que contre les deux dynasties des Habsbourg et des Hohenzollern.
C'était aussi le but de l'avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière et de la petite-bourgeoisie démocratique en Autriche. La révolution a été battue.
La bourgeoisie autrichienne s'unifia, dans ses couches décisives, contre cette solution de la question allemande, avec les classes féodales, avec la dynastie des Habsbourg. Elle était intéressé par la domination économique de la région du Danube et par conséquent n'était que relativement orientée allemande, et avant tout autrichienne.
L'issue de la guerre de 1866 [entre le blocs autrichien et prussien] a tracé la ligne finale d'un développement qui avait commencé des décennies plus tôt, et qui séparait économiquement et politiquement du reste de l'Allemagne les Autrichiens allemands.
Sur la base de cette séparation d'avec le reste de l'Allemagne, de la vie dans d'autres conditions, s'est développé dans les masses de la population autrichienne un caractère national particulier, une orientation autrichienne, qui ne ressentait pas la séparation de l'Allemagne simplement comme passagère et qui était orientée vers la préservation de l'indépendance par rapport au reste de l'Allemagne.
Cette orientation, ne l'avaient pas seulement les couches clés de la bourgeoisie autrichienne (nous parlons du territoire en particulier qui aujourd'hui forme l'Autriche), et les masses de la paysannerie et de la petite bourgeoisie, qui étaient sous l'influence de l'Église catholique et du Parti chrétien-social.
Ce positionnement se formait également dans la classe ouvrière autrichienne avant le tournant du siècle, à la différence de leur attitude en 1848.
La particularité du développement national en Autriche repose en revanche dans le fait que cette orientation se posait contre une autre orientation, nationale-allemande, qui rassemblait en grande majorité des couches petites-bourgeoises et bourgeoises, en particulier des grandes parties de l'intelligentsia.
Celle-ci était socialement insatisfaite dans les rapports particuliers de la monarchie et s'orientait de là nationalement à l'Allemagne. Elle ressentait la séparation de l'Allemagne comme temporaire et considérait comme son objectif national la fusion avec le reste de l'Allemagne.
La lutte entre ces deux tendances nationales, qui vont jusqu'au milieu du peuple autrichien, a rempli l'histoire autrichienne. Par conséquent, le développement national des Autrichiens allemands jusqu'à une nation particulière autrichienne n'est pas terminé.
La révolution de 1918/19 et la destruction de la monarchie des Habsbourg a ramené - après 1848 - une occasion historique de résoudre la question nationale des Autrichiens allemands au sens de l'unité allemande.
La fondation de la République allemande a cependant eu lieu contre la révolution socialiste. Ce n'était pas démocratique, les masses allemandes autrichiennes ne pouvaient pas suivre. De là, il était possible que l'Autriche ait sa propre culture:
Si nous faisons abstraction des éléments internationaux des différentes cultures modernes, qui sont devenues une partie intégrante de la vie culturelle du peuple autrichien ainsi que de toutes les nations modernes, alors nous trouvons, en portant un regard général, deux vagues de la culture autrichienne: en premier lieu, le patrimoine allemand général de l'époque où les souches allemandes n'étaient pas encore unies en nation (la littérature du 18ème siècle et au début du 19ème siècle, en particulier les classiques allemands, etc.)
De là et en plus, il existe une relation particulièrement étroite avec la culture allemande - plus proche que d'autres cultures - celle de la communauté linguistique et surtout celle qui amène avec elle qu'une partie du peuple autrichien cherchait à maintenir consciente cette liaison.
C'est la partie de la population orientée national-allemande, en particulier une grande partie de l'intelligentsia. Bien sûr, il y a des éléments de culture allemande et une fertilisation mutuelle de la vie spirituelle également dans la plupart des autres cultures modernes, ainsi dans la culture française, la culture anglaise, etc.
Mais dans le cas de l'Autriche, il s'agit à partir des raisons susmentionnées d'une connexion particulièrement étroite.
Deuxièmement, nous avons notre propre culture spécifique autrichienne, qui est le fruit des conditions particulières de vie autrichiennes et de par leur enracinement dans le peuple, ont un grand poids.
Il existe dans tous les domaines de l'art, un certain nombre d'hommes qui ne sont possibles dans aucun autre sol que l'autrichien, qui, dans leur production incarnent des particularités spécifiques autrichiennes du caractère national et aucune autre.
Qu'on pense par exemple à des écrivains et des poètes tels que Grillparzer, Anastasius Grün, Raimund, Nestroy, Kürnberger, Anzengruber, Rosegger, Schnitzler, Ferdinand Saar, Schönherr, Wildgans, Karl Kraus, Petzold, Stefan Zweig, à des musiciens tels que Mozart, Haydn, Schubert, Strauss, Bruckner;. aux maîtres des beaux-arts tels Makart, Defregger, Egger-Lienz, Waldmüller, Anton Hannak et d'autres encore.
Une analyse de leurs œuvres trouveront refléter les traits spécifiques du caractère national des Autrichiens, qu'Engels a également pointé pour certains, lorsqu'il a souligné le « tempérament drôle, nerveux, de l'heureux mélange de races celto-germano-slave, avec une prédominance due à l'élément allemand » des Autrichiens allemands (Engels lettre à Victor Adler du 2. 11. 1893).
On pourrait même ajouter un certain nombre de grands hommes autrichiens dans le domaine de la science, afin de voir qu'il y a une culture autrichienne particulière qui – séparée de la culture allemande - a apporté sa propre contribution au développement de la culture de l'humanité.
Cette double nature des sources de la vie culturelle autrichienne reflète le caractère unique, le caractère ambivalent du développement national du peuple autrichien, qui se retrouve dans la lutte de ces deux tendances nationales.
En raison de cela, Klahr en vient à la constatation que:
On dit souvent: nous les Autrichiens sommes des allemands. [Le chancelier austro-fasciste] Schuschnigg dit: Nous sommes le deuxième Etat allemand.
Est-ce vrai?
Bien sûr, nous sommes également des Allemands, mais on doit demander dans quel sens.
Par exemple, se nomment Tatars à la fois les Tatars de Crimée et la République autonome tatare. Pourtant, les deux représentent deux nations différentes. De fait, la divergence historique de ces deux souches tatars a déjà tant progressé jusqu'à présent, elles se sont développées sous des influences culturelles tellement différentes, que les deux parlent déjà une langue différente.
Prenons, par exemple, les Allemands de la Volga. Est-ce que ce sont des Allemands? Bien sûr. Le mot « allemand » dit seulement que ce ne sont pas des Russes et pas des Ukrainiens, mais un peuple de langue allemande.
Le mot « allemand » se réfère à la langue, l'ascendance ou l'origine, mais ne dit rien sur le caractère national, ne donne pas de réponse à la question de savoir si les Allemands de la Volga font partie de la nation allemande.
Cela ne veut rien dire d'autre quand nous disons que nous Autrichiens sommes Allemands.
3. Alfred Klahr - l'Autriche, une nouvelle nation
Ce qu'Alfred Klahr explique était alors très important ; cela n'a cependant pas été compris par les communistes à l'époque. Mais nous savons maintenant qu'Alfred Klahr a constitué la pensée révolutionnaire pour l'Autriche ; encore pour aujourd'hui, en Autriche, cette pensée joue le rôle principal.
Alfred Klahr avait ainsi correctement compris la contradiction de la société autrichienne ; il avait bien vu que la nation autrichienne était encore un processus et qu'une solution était correcte, tandis que l'autre était réactionnaire:
Les grands dirigeants du prolétariat nous ont appris que notre position sur la question nationale doit être subordonnée aux intérêts généraux de la lutte du prolétariat pour son émancipation.
Nous ne pouvons pas défendre tout développement national d'une nation, mais seulement le développement qui est dans la direction générale du progrès historique, c'est-à-dire qui correspond aux intérêts du mouvement mondial démocratique en général et de la lutte de classe prolétarienne internationale.
L'Autriche en tant que nation était une direction qui a été prise parce qu'elle était démocratique, tandis que de l'autre côté, la fusion avec l'Allemagne était réactionnaire, même si le contraire aurait été possible si l'Allemagne avait pris la direction de la démocratie et de la révolution socialiste.
De tels exemples sont très importants pour comprendre les rapports entre les nations, surtout à une époque où le socialisme unifiera les peuples, jusqu'à la république socialiste mondiale.
Il est également intéressant de noter qu'Alfred Klahr a bien compris comment les réactionnaires présentent une « nation » qui est une abstraction.
Klahr note :
D'abord, Staline montre qu'on doit clairement distinguer entre le concept de souche et le concept de nation. La souche – c'est un concept ethnographique, un terme d'ethnologie, une notion anhistorique.
On peut par exemple parler de souches allemandes aussi bien dans le temps du communisme clanique qu'à l'âge de la féodalité, comme à l'âge du capitalisme. La nation, cependant, est un concept historique.
La formation des nations n'a été possible que dans une période historique spécifique, elle n'était pas possible avant l'époque du capitalisme montant et de la lutte contre le féodalisme.
Deux nations qui sont ethnographiquement pareilles et parlent la même langue peuvent très bien devenir des nations différentes (par exemple, les Britanniques et les Américains, les Croates et les Serbes), alors qu'à l'inverse dans la règle différentes souches fusionnent en une nation (par exemple la nation italienne d'aujourd'hui s'est formée à partir de Romains, de Germains, d'Étrusques, de Grecs, etc.).
Staline donne la définition suivante de la nation: « La nation est une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d’une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit dans une communauté de culture. »
Staline indique donc quatre caractéristiques: communauté de la langue, communauté du territoire, communauté de la vie économique et communauté de type d''esprit ou, comme cela est appelé différemment, du « caractère national », qui s'exprime dans les particularités de la culture nationale, plus précisément dans la communauté culturelle de la nation concernée.
Comment cette définition de Staline se distingue-t-elle d'autres définitions, y compris de la définition d'Otto Bauer?
La définition de Staline est la seule marxiste, elle est une définition matérialiste historique. Il attire notre attention sur l'importance qu'ont la vie économique commune et le territoire commun pour l'émergence d'une nation!
Cela s'oppose aux conceptions bourgeoises et aussi sociales-démocrates (Otto Bauer) de nation, qui soulignent d'une manière idéaliste la spécificité du « caractère national » ou de la communauté culturelle et linguistique comme seule caractéristique déterminante d'une nation.
Ces points de vue ne peuvent pas expliquer la réalité de riche diversité de l'émergence des nations, elles sont non marxistes, elles sont erronées et donc à combattre.
Tout cela est très vrai, et Alfred Klahr a magistralement prouvé qu'il a compris la situation en Autriche. Lorsque les nazis ont défini l'Autriche comme « Ostmark », comme région, Klahr a compris l'aspect progressiste historique de la naissance de l'Autriche: c'était un pôle démocratique.