4 mai 2012

Los Angeles 1992 : il y a vingt ans se terminaient les émeutes

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Il y a vingt ans de cela se terminaient des émeutes qui ont profondément marqué l'opinion publique mondiale : les émeutes de Los Angeles de 1992.

Le déclencheur de ces émeutes fût le verdict d'acquittement donné par un tribunal populaire à quatre policiers ayant tabassé pratiquement à mort un automobiliste noir, Rodney King.

Le 3 Mars 1991, Rodney King, éméché, roulait en excès de vitesse. Suite à une course-poursuite de quelques minutes, il s'arrête mais résiste à son arrestation. Allongé au sol, il ne veut pas que les policiers lui passent les menottes. Il se relève et devant sa résistance, les quatre policiers lui tirent dessus au Taser, puis lui assène 56 coup de tonfas et plusieurs coup de pied, puis l'attache avec une corde avant de le traîner sur le bas-côté de la route en attendant l'ambulance.

Ce quasi-lynchage de presque deux minutes avait été filmé de loin par un passant qui a rendu public ce film. Cette vidéo a été diffusée par toutes les chaînes de télévision américaines, puis dans de nombreux pays, créant une vague d'indignation particulièrement dans les masses de Los Angeles. Au point que même les deux plus grands gangs africains-américains de Los Angeles (les Bloods et les Crips) décidèrent d'une trêve jusqu'au verdict du procès.

Los Angeles est une énorme mégapole ouvrière très touchée par la crise à la fin des années 80. La Californie est un des Etats des USA connaissant la plus forte tradition révolutionnaire. Particulièrement, dans les masses africaines-américaines, la Californie est l'Etat où est né le Black Panthers Party.

Afin de diviser les masses ouvrières, l'impérialisme américain a toujours joué sur les divisions des masses en entretenant le racisme et en opprimant violemment les minorités nationales. Les USA sont un Etat démocratique pour certaines parties de la population, mais un véritable Etat fasciste pour d'autres, particulièrement la Nation Africaine-Américaine et la Nation Latino.

La ville de Los Angeles n'échappe pas à cette règle. Ainsi les quartiers de Los Angeles sont divisés en fonction des minorités nationales. Mais la ville est aussi divisée économiquement en fonction des minorités nationales. Ainsi, les ouvriers étaient principalement africains-américains et latinos, les petits commerçants coréens, etc.

Afin de briser les résistances de la classe ouvrière face aux restructurations, les capitalistes de Los Angeles ont utilisé l'immigration massive d'ouvriers clandestins venus d'Amérique Latine. Comme cela, ils les mettaient en concurrence avec les ouvriers africains-américains en les remplaçant dans les usines par des ouvriers latinos clandestins sous-payés.

Cela permettait aussi d'augmenter la pression sur la majorité latino de la ville en forçant une recomposition très rapide des structures communautaires (le nombre de personnes latinos ayant plus que doublé en 10 ans) et en brisant son histoire. En effet, la Californie était au départ mexicaine et est donc à l'origine un territoire occupé par les colons américains ; les masses latinos qui à l'origine était une Nation occupée devenant ainsi une population d'immigrés clandestins.

La police de Los Angeles était, elle, une véritable armée d'occupation composée principalement d'hommes blancs issus eux aussi de minorités nationales (principalement irlandaise et d'Europe de l'est). Elle agit ultra-violemment, est équipée militairement, pratiquant les ratonnades en situation de totale impunité afin de faire régner la terreur dans les masses populaires de Los Angeles et est largement corrompue.

Face à la pauvreté, les vols à l'étalage et les rackets de commerçants ne cessèrent d'augmenter, amenant ainsi les petits commerçant coréens à s'auto-défendre dans la culture typique des colons américains. Plusieurs meurtres furent couverts par la "justice" américaine avant le quasi-lynchage de Rodney King.

C'est ce climat d'exaspération face au harcèlement raciste de la police qui explique l'émoi des masses populaires de Los Angeles.

Le 29 Avril après-midi, un jury poplaire -composé d'une très large majorité de jurés blancs- du tribunal de Los Angeles décide d'acquitter les quatre policiers lyncheurs malgré les preuves évidentes et la mobilisation des masses.

Dès le jugement connu, la rage des masses se répand comme une trainée de poudre en explosant dans toute la mégapole. Les premières manifestations, pacifiques, sont réprimées violement. Mais surtout, les jeunes des quartiers sud (South Central, Watts) commencent à attaquer les forces de police.

Dès le lendemain, les émeutes se généralisent à toutes les masses sans distinction raciale. La rage des masses ressemblant de plus en plus à un soulèvement armé. Mais du fait de la faible organisation politique, l'expression de cette rage s'exprima aussi par de nombreux pillages. Face à quoi les petits commerçants coréens se montèrent très rapidement en milice armée, défendant les armes à la main leurs commerces.

Devant l'ampleur du soulèvement, dès le 30 Avril, l'état d'urgence et le couvre-feu furent décrétés. L'Etat fédéral américain mobilisa l'armée pour mater la rébellion : 2000 militaires de la garde nationale occupaient la ville le 30 Avril, puis 4000 le lendemain et enfin plus de 10 000 - dont 4000 soldats de l'Armée Américaine et du corps d'élite des Marines. Les émeutes finissant par s'arrêter à partir du 4 Mai.

Entre 50 et 60 personnes furent tuées lors des ces émeutes, dont une dizaine officiellement abattues par la Police et l'Armée. Les dégâts furent estimés entre 800 millions et 1 milliard de dollars. Plus de 3600 incendies furent allumés et plus de 13 200 personnes furent arrêtées (52% de personnes latinos, 36% africaines-américaines, 9% blanches).

D'autres émeutes eurent lieu à Las Vegas, Atlanta, San Francisco, Oakland, New York, Chicago, Seattle...

Bien qu'ayant fait trembler l'impérialisme américain en sa tête, ses émeutes n'ont pu se transformer en réel soulèvement du fait de la très faible organisation et maturité politique des masses américaines. La division raciste a joué à plein et été instrumentalisée par l'impérialisme pour empêcher la contagion.

Ainsi, les magasins coréens furent pris pour cible principale par les émeutiers, ces derniers étant vu comme l'incarnation de la bourgeoisie commerçante. Des actes de violences racistes aveugles eurent lieu dont une figure connue est Reginald Denny qui fut violemment agressé par des membres de gangs alors qu'il conduisait un poids lourd. Tabassé à mort et parfois pris en photographie, il n'échappa que de peu à la mort, mais a encore des séquelles très importantes. 

La scène était filmée par un hélicoptère et diffusée en direct à la télévision, et différents éléments du peuple du quartier vinrent alors à sa rescousse. Quelques minutes après pratiquement au même endroit, un immigré guatémaltèque, Fidel Lopez, était agressé pareillement et sauvé in extremis par un pasteur africain-américain.

Les contradictions internes des masses et la répression brutale de l'Etat impérialiste eurent raison de la rébellion en moins d'une semaine. Elles furent comme un coup de soupape qui fit redescendre la pression et permit à l'impérialisme de reprendre la main sur les masses américaines en train d'exploser à cause de la misère se répandant à grande vitesse.

La répression s'abattit ensuite sur les militants de la gauche américaine afin de verrouiller la situation.

Cela prouve la grande force de l'Etat américain qui arrive à dominer puissamment ses masses. Et ce malgré la gigantesque pression qu'il leur impose que ce soit économiquement ou militairement.

Ces émeutes prouvent que Mao avait raison lorsqu'il disait qu'"une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine". Mais sans Parti qui synthétise la culture nationale, qui répand la culture socialiste brisant ainsi les préjugés racistes, le feu ne peut être qu'un feu de paille. 

Mais malgré tout, la révolution continue à se frayer son chemin même si celui-ci est tortueux. Los Angeles reste une ville fortement contestataire, influençant la culture populaire - on pensera au groupe de Hip Hop Cypress Hill qui vient des quartiers sud de Los Angeles et est composés d'anciens membres des Bloods. 

En 1995, d'anciens Crips et Bloods ont crée le Black Riders Liberation Party et ont relevé le drapeau rouge du communisme et le drapeau rouge, noir, vert de New Africa. Bien que ne faisant que de la propagande, ils ont subi depuis une impitoyable répression de la part de l'Etat américain ; plusieurs dizaines de ses membres sont en prison sans motifs aucuns dont un grand nombre de leurs dirigeants (vous trouverez ici un des leur texte à propos de cette répression et là une explication lors d'un festival organisé par le mouvement Food Not Bombs - les deux documents ayant été traduits et publiés sur notre ancien média, Contre-Informations). Le même type de répression se déchaîne sur les militants de la libération animale et écologistes qui sont très nombreux à Los Angeles.

Publié sur notre ancien média: 
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