Hardcore : quand la techno fait danser les prolétaires
Submitted by Anonyme (non vérifié)La techno hardcore connaît actuellement un regain d’intérêt, c'est une musique très écoutée dans la jeunesse prolétaire européenne, essentiellement en Hollande, en Belgique, en Allemagne, dans les pays de l'Est et de plus en plus en France. La scène hardcore est connue, et parfois stigmatisée, pour être perméable au nationalisme et à une certaine forme de violence, liés à sa proximité avec la culture hooligan. Mais les contradictions qui s'expriment dans la scène hardcore sont surtout représentatives des contradictions, parfois explosives, qui sont en mouvement au sein des masses prolétaires.
1/ une techno brute et imposante
C'est au début des années 1990, comme une évolution de la musique industrielle allemande ainsi que de la scène hard-house de Rotterdam qu'il faut chercher pour comprendre l'origine du hardcore. C'est en quelque sorte une évolution issue de la diffusion européenne de la techno de Détroit (née aux Etat-Unis dans les années 1980).
Le hardcore a très rapidement pris de l'ampleur chez les jeunes prolétaires, surtout en Hollande donc mais aussi en Belgique, en Suisse, en Allemagne ainsi que dans le Nord et l'Est de la France.
Il s'est d'abord diffusé massivement grâce à l'énorme succès des gigantesques rave-parties Thunderdome en Hollande ainsi que des compilations éponymes (la version de 1995 s'étant écoulée à plus de 1 500 000 exemplaires à travers le monde). Le hardcore s'est aussi énormément répandu grâce au succès des nombreuses rave-parties plus ou moins légales en France, les free parties (même si c'est finalement surtout la Hardtek qui l'emportera culturellement ici).
Caractérisé principalement par un tempo très élevé, le hardcore est une version plus rapide et plus brute de la musique techno. Le nombre de battements par minute (beats per minute en anglais, soit BPM) qui oscillent entre 160 et 210 BPM est marqué par un imposant kick (son de grosse caisse écrasé). La rythmique est très simplifiée : à part des éventuels sons de cymbales en contre-temps, il y a rarement d'autres éléments en dehors des kicks. Le reste d'un morceau hardcore est surtout constitué par l'utilisation massive d'instruments de distorsion des sons ainsi que l'incorporation de mélodies redondantes.
Il y a un jeu avec le son, et logiquement, comme musique vivante, ce jeu se décline en plusieurs genres. Le plus connu et le plus influent est et reste le hardcore hollandais, qui est très dansant. Mais les autres genres ont, ou ont eu de par le passé, un fort impact localement : la makina en Espagne, le frenchcore (moins dansant et cependant très populaire dans les free-parties) en France, le speedcore et le terrorcore dans le nord de l'Allemagne (très rapide et agressif, fortement lié à l'extrême-gauche autonome), le UK hardcore (très industriel) et le happy hardcore (très mélodieux et festif) au Royaume-Uni. La scène hardcore italienne, très proche du hardcore hollandais, est aujourd'hui de plus en plus influente.
2/ Une renaissance récente
Depuis le déclin des free-parties et la raréfaction des teknivals (gigantesques free ou rave-parties organisées sur plusieurs jours, souvent dans des champs) que connaissait la France jusqu’au milieu des années 2000, le hardcore se diffuse principalement dans des lieux légaux : boîte de nuits, salles de concerts, énormes espaces dans des zones industrielles... En Hollande et en Belgique sont organisés de gigantesques événements, les "events", soit en extérieur, soit dans des grandes salles, stades, etc.
Les plus gros, comme la Dominator l'été ou bien la Masters of Hardcore en hiver, peuvent rassembler plusieurs dizaines de milliers de personnes. Dans une ville comme Eindhoven aux Pays-Bas, il est souvent estimé que la moitié des jeunes écoutent du hardcore.
Depuis le milieu des années 2000, le genre connaît en fait un regain d'intérêt, avec notamment l'apparition d'un nouveau style de musique électronique étroitement lié au hardcore : le hardstyle. Les deux sont très liés musicalement : le hardstyle synthétise le côté extrêmement rythmé et agressif du hardcore (en moins rapide toutefois, 150 BPM en général) avec le côté mélodieux, euphorique d'autres style de musiques électroniques (comme la trance).
Cette évolution est très intéressante, car il est tout à fait logique que la découverte de nouveaux sons aille vers un saut qualitatif, caractérisé forcément par un meilleur sens de la mélodie. La musique est plus mélodique, plus complexe, et élargit par conséquent son impact culturel.
En France, le hardstyle a pénétré surtout le Nord, mais a ensuite été introduit dans le reste du pays, de manière légèrement dérivée avec la Tecktonik. Cependant, la Tecktonik était une forme extrêmement commerciale finalement, le nom étant même une propriété privée, importée par en haut vers les masses. Le mouvement s'est alors vite effondré, victime de ses propres contradictions, bien qu'il ai laissé de nombreuses traces dans la culture populaire, notamment avec un style vestimentaire coloré et décalé tout à fait urbain et des coupes de cheveux particulières. Depuis, les restes de la scène tecktonik qui n'ont pas abandonnés la techno se sont fondus dans une scène hardcore/hardstyle.
Dans le même temps, la Hollande et l'Italie ont connu un renouveau de la scène Hardcore, avec une forme à mi-chemin entre le hardcore et le hardstyle : le "mainstream hardcore" (le terme peut parfois avoir une connotation péjorative de la part de certains « historiques » du millieu, mainstream signifiant courant principal en anglais, et désignant ce qui est majoritaire, accepté, voire institutionnel).
Internet a joué un rôle prépondérant dans ce renouveau du hardcore : les productions des différents DJs sont largement diffusées, soit en téléchargement soit directement sur des plate-formes comme Youtube ou Soundcloud. Bien souvent, ce sont les labels et les artistes eux-mêmes qui mettent leurs productions à libre disposition.
3/ une tentative d'échapper à la réalité sordide du capitalisme
Même s'il y a une scène, un style, une attitude qui s'est développée autour du hardcore, c'est avant tout une musique qui est faite pour danser. Pour danser longtemps et intensément, pour faire le plein de sensations.
La scène hardcore - en fait la scène techno de manière générale - est donc particulièrement atteinte par la culture décadente de la drogue. Sa consommation, essentiellement des drogues chimiques (de type ecstasy, speed, cocaïne, LSD), fait partie intégrante des soirées hardcore. En général, ce n'est pas tant dans le but de transcender la réalité que de la vivre intensément, de ne rien rater, d'aller jusqu'au bout en dansant toute la nuit. C'est une expression exacerbée des rapports aliénés qu'instaure le capitalisme, notamment par la contradiction explosive entre ville et campagne, expression de la déconnexion de l'Humanité avec la Nature.
La consommation de drogue est d'autant plus appréciée qu'elle bénéficie d'une identité « anti-systeme », alternative : la drogue donne l'impression d'échapper à la vie rangée, à l'usine, à l'ennui et au vide culturel et social des banlieues prolétaires.
Par contre, du fait du besoin de danser longtemps et intensément, la consommation d'alcool est largement moins répandue dans les soirées hardcore que dans la plupart des autres mouvements de jeunesse. Le type de drogue consommée oriente en fait l'attitude de la soirée : les différents « produits » absorbés rendant les gens d'une certaine manière plus festifs, voire plus collectifs dans l'initiative et surtout moins agressifs que lorsqu'il y a beaucoup d'alcool (comme dans la culture Dance Hall par exemple).
La danse a donc une place très importante dans les soirées hardcore. Il existe un grand nombre de style de danse spécifiques au hardcore et au hardstyle (hakken, jumpstyles, shuffles...). Le plus pratiquée est sans conteste le hakken [voir la vidéo]. Contrairement à d'autres danses "classiques", il n'y a pas de règles pré-établies, ni de cours, etc. Elles s'apprennent en regardant les autres, en les imitant, en synthétisant. Le hakken est en fait assez codifié, des mouvements de base sont inévitables, mais laisse en même temps une grande part à l'interprétation individuelle, chacun pouvant développer son style.
Là aussi, on reconnaît une nature populaire.
Le hakken se danse en rythme, avec une forte interaction entre les danseurs qui réagissent collectivement aux variation de la musique : cela donne lieu à des sortes de fusions collectives euphoriques, un peu comme dans un stade de football - l'aspect patriarcal/chauvin en moins.
Comme toute chose, le hakken ne tombe pas du ciel, son aspect répétitif est l'expression d'une pratique : le quotidien de jeunes prolétaires des zones industrielles et de ses usines. Danser de manière cadencée sur une musique comme le hardcore témoigne du besoin de trouver une issue face au capitalisme - et de la tentative d'en trouver une. Mais cela ne signifie par nécessairement d'en trouver une, ni d'y mettre forcément un contenu progressiste qui aille de l'avant.
Le hakken est une expression positive d'une envie de sortir de la vie dans le capitalisme, une tentative de s'échapper et de détourner l'oppression capitaliste en transposant des pratiques de l'usine dans la musique de manière à les transformer en pratiques culturelles. Même si de manière aliénée, le besoin de communisme qui s'exprime pleinement ainsi est l'incarnation d'une volonté de dépassement de individualisme imposé par le vieux monde bourgeois.
4/ La place de l’extrême droite dans le hardcore
Le fascisme, ou plus exactement le nationalisme en fait, est présent dans la scène hardcore. Il n'y est pas "importé" depuis l'extérieur, mais il est directement vécu par une (petite) partie de la scène.
Autant résumer la scène hardcore à un mouvement fasciste serait complètement caricatural et absurde, autant il est par contre clair que les éléments fascistes ne souffrent que de très peu de remise en cause dans le milieu. Ce qui prévaut c'est le statut-quo pacifique : sur un même événement, une personne noire pourra certes s'amuser sans aucun souci, mais en même temps quelqu'un arborant un tatouage en forme de croix celtique ne sera pas embêtée pour autant.
Il est vrai également que les jeunes nationalistes ne s'affichent que très rarement en tant que tel, ou du moins très discrètement (sauf dans certaines boîtes de nuits), et ne sont pas particulièrement appréciés en tant que tel pour autant. Le statu quo n'est pas une situation anecdotique, mais la situation dominante dans les scènes hardcore et hardstyle où le manque de contenu et le libéralisme permettent au fascisme de s'accaparer une partie de la scène.
Le phénomène du racisme dans le hardcore est assez contradictoire : par exemple, l'un des premiers et des plus importants groupe de Hardcore, Rotterdam Terror Corps (RTC), était composé de trois personnes dont un blanc, un noir, et un d'origine turc, Paul Estak, figure centale du milieu hardcore des années 90 à la fin des années 2000. Mais en même temps, Paul Estak est souvent dénoncé comme étant un antisémite...
Cela est bien sûr lié à l'identité tribale des clubs de footballs : les supporters de Feyenoord (principal club de Rotterdam), dont fait ouvertement partie Paul Estak, assument une identité antisémite outrancière, jusqu'à siffler pour imiter le bruit des chambres à gaz lorsqu'ils rencontrent leurs "ennemis", tout aussi tribaux, du club de l'Ajax d'Amsterdam qui eux mettent en avant une identité juive abstraite (ces supporters, non juifs, arborent des drapeaux israéliens dans le stade par exemple ou se tatouent des Magen David, etc.) .
La scène hardcore est très imprégnée de la culture hooligan, et donc de ce genre de contradictions aberrantes. Mais de manière générale, la plupart des organisateurs de soirées essaient de s'écarter de l'image raciste, comme par exemple le très important label Masters of Hardcore qui précise toujours son antiracisme sur les flyers pour les soirées, ou la campagne United Hardcore & Gabbers against racism and fascism en 2005.
En France, il est clair qu'un partie de prolétaires racistes se retrouvent dans la culture hardcore, en opposition parfois à la culture rap surtout dans le Nord et l'Est. Mais cela n'est pas une généralité et il règne aussi maintenant une sorte de "statu quo", de tabou malsain autour de cette question qu'il convient de ne pas aborder, chacun étant tenu de garder ce qu'il pense pour lui.
Cela n'a pas toujours été le cas. Par exemple au gros du moment des free-parties en France, le public de celle-ci était très clairement plus influencé par l'extrême-gauche autonome (antifascisme radical, squatts, écologie radicale, TAZ, etc.). Les fascistes n'étaient pas les bienvenus dans les free-parties et de même les teuffeurs étaient souvent mal reçus dans les boîtes de nuit clairement étiquetées "fafs". Au sein même du mouvement gabber/skinhead en Belgique, il y avait une ligne de fracture assez nette avec des boîtes de nuit tenues par les fascistes et d'autres par les tenants du "Gabber United against Racism and Fascism". des affrontements ont même eu lieu sporadiquement. On voit le même phénomène en Allemagne où, pour le coup, c'est plutôt la mouvance antifasciste qui tient la scène.
Mais ce n'est pas le hardcore en lui même qui est pénétré du nationalisme et du fascisme, c'est le prolétariat. Et cette partie du prolétariat se retrouve - entre autres - dans ce mouvement. Le fascisme est pour ces prolétaires, des sortes de pèlerins du néant pris au piège nationaliste de la bourgeoisie, la manifestation d'un anticapitalisme de type romantique. Cette illusion est d'autant plus forte que les préjugés anti-prolétaires contre ce mouvement sont massivement diffusé par la bourgeoisie.
La bourgeoisie et la petite-bourgeoisie ne comprennent rien à ces contradictions et véhiculent la confusion hardcore/fascisme : ils ne peuvent voir dans le hardcore autre chose qu'une musique abrutissante, voire de dégénérés, viriliste et raciste, etc. Il faut penser ici notamment au lamentable article publié par la revue antiraciste No Pasaran en 2006 intitulé "Gabber : quand la techno fait danser les fafs".
Ce texte, somme de bêtises et d'ignorance, qui s'appuie essentiellement sur des documents des services de renseignement hollandais (!), est typique de l'attitude de l'extrême-gauche petite-bourgeoise vis-à-vis des masses. No Pasaran ignorant certainement au passage qu'il y a eu des gabbers antifascistes dans des sections SCALP du Nord de le France...
En somme, la présence d'éléments fascistes est un problème majeur que la scène hardcore est incapable de résoudre, et ce depuis le début du mouvement.
5/ Les gabbers, des jeunes prolétaires des grandes banlieues
Les jeunes de culture hardcore sont généralement appelés les gabbers (se prononce "Rrabbeur" en hollande ou "gaybeur", à l'anglaise en fait, dans les autres pays), qui signifie potes, amis, dans certains quartiers populaires de Hollande et qui vient du mot yiddish chaver.
Les cultures rap et gabber sont en fait très proches. Une grande partie des personnes qui découvraient le hardcore en France dans les années 1990 écoutaient également du rap. La radio rap Skyrock a parfois joué du hardcore la nuit. Et il est clair que ceux qui ont le micro dans les soirées hardcore sont en fait des MC's qui rappent pour animer. Mais comme à l'origine du Hip Hop à New York, le DJ a plus d’importance que le MC et c'est lui qui est connu. Au contraire, dans le rap (surtout en France) les DJ se sont de plus en plus effacés pour laisser place aux MC's, sorte de poètes ou de troubadours modernes.
Les codes vestimentaires des deux cultures sont très proches, c'est le look "sportwear" classique des jeunes prolétaires des banlieues européennes (jogging, pull à capuche, casquette, jean straight, basket américaine, etc.)
Mais le style de la scène hardcore est toutefois assez codifié, une sorte de prolongement moderne de la culture skinhead, avec des marques particulièrement appréciées : les baskets Nike air max, les polos Lonsdale ou Fred Perry, les joggings Cavelo ou bien les vestes en nylon aux couleurs psychédéliques de la marque italienne Australian, des treillis militaires.
Et contrairement à ce qui se passe en générale dans les boîtes de nuit en France, les gens viennent d'abord en soirée hardcore et hardstyle pour danser plutôt que pour la drague.
Au contraire d'une ambiance individualiste, ces soirées sont en quelque sorte des communions où chacun fait partie d'un tout. C'est pour cela qu'il est rare pour une jeune femme de s'y faire reluquer, draguer et juger constamment par des hommes. Qu'il soit 23h ou 5h du matin, la seule différence d'ambiance est que les gens ont l'air globalement un peu plus fatigué. On est là loin des "beuveries" et de la culture beauf qui règnent dans de nombreuses scènes musicales en France (particulièrement dans les scènes qui se veulent alternatives et politisées d'ailleurs).
Les jeunes femmes jouissent donc d'une assez grande liberté et tranquillité pour faire la fête avec leurs amis dans ces soirées. C'est cela qui explique qu'il y ait quasiment autant de femmes que d'hommes en free party.
Même si la culture patriarcale ne disparaît pas - elle s'exprime d'ailleurs beaucoup dans les films promotionnels pour les soirées où des jeunes femmes sont mises en avant - elle est toutefois bien moins présente dans les soirées hardcore que dans les autres grands rassemblements festifs de jeunes.
Le style, l'attitude gabber est un mélange particulier entre une esthétique et une culture hooligan (le côté épique, collectif, dur) avec une attitude "cool", décalée, voir décadente. Toute une contradiction des jeunes prolétaires! Que l'on retrouve dans le Hip Hop avec l'esthétique et la culture mafieuse - gangster et l'attitude "cool", décalée, voir décadente de l'autre...
6/ Une musique pour la jeunesse prolétaire
La musique techno elle-même est née dans la classe ouvrière métissée de Detroit, au sein d'une jeunesse qui a connu le déclin de l'industrie, mais également la robotisation qui l'a accompagné. De la même manière, le hardcore est ensuite apparu et s'est principalement développé dans des régions urbanisées et fortement industrialisées : depuis le bastion industriel qu'est Rotterdam, vers Hambourg, le Nord et l'Est de la France, la Wallonie, etc. puis dans toute l'Europe de l'Est.
Cela est valable également pour la musique gothique et industrielle, largement influencée par l'EBM (Electronic Body Music, terme forgé par les Belges de Front 242).
Dans la forme, le hardcore est bien plus agressif et violent que la techno de Detroit, qui subsiste elle encore largement dans sa forme expérimentale - ambient dans la culture musicale de Berlin et de Vienne. Lais les deux ont un commun cet aspect industriel qui les distingue des autres genres de musique qui ont existé auparavant.
Cependant là où une partie de la scène de Detroit a voulu apporter un message révolutionnaire (lié entre autre à la culture afro-américaine des années 1970, à la culture gay...), bien qu'idéaliste, le hardcore est plus dépouillé, plus brut. S'il a pu véhiculer des messages progressistes, c'est au travers des free parties et de leur nature antagonique (répression, stigmatisation, rapport à la Nature, etc.). Mais cela s'est fait indirectement.
Ou plutôt, l'aspect anticapitaliste du hardcore - et de la techno en générale - est contenue dans la musique elle-même : plutôt que de grandes discussions abstraites, la musique et la drogue donnent l'impression de dépasser la vie quotidienne dans le capitalisme concrètement, instantanément.
Il est tout à fait logique qu'une telle musique se soit fortement développée en Hollande. La Hollande est historiquement un des berceaux du capitalisme, et est aujourd'hui un pays extrêmement urbanisé et industriel. Les contradictions ville/campagne et travail intellectuel/travail manuel, les contradiction du mode de production capitaliste, y sont très fortes et visibles. De la même manière, le hardcore est particulièrement apprécié dans le bassin minier du Pas-de-Calais, dans le bassin sidérurgique de l'Est de le France ou bien en Picardie par exemple.
La production culturelle de l'Humanité n'est pas le fruit du "génie", d'artistes au-dessus des rapports sociaux. Au contraire, elle est justement l'expression des rapports de classe. La musique techno ne pouvait naître autour des usines, en tant que musique produite par et pour la classe ouvrière, et plus exactement sa jeunesse qui cherche une issue face aux crises, aux délocalisations, aux licenciements, à sa vie quotidienne aliénée.
La techno, et notamment le hardcore, s'est massivement diffusée dans les immenses espaces laissés vides : des usines, hangars, centrales abandonnées autour des grandes villes. Puis au fur et à mesure de la répression bourgeoise, de nombreuses personnes ont fui la ville pour installer des raves ou des free parties, plus ou moins légales, dans les campagnes (cela est surtout vrai en France). Aujourd’hui le hardcore renaît surtout dans des grandes salles des zones industrielles autour des métropoles.
Le hardcore est une musique de jeunes prolétaires qui se réunissent pour danser massivement dans des raves, des free-parties, ou en boîte de nuit pendant 6, 7, 8, 9, ou même plus de 12h.
Avec le hardcore, la techno a perdu son aspect avant-gardiste qu'elle avait à Detroit, son aspect raffiné. Elle est devenue une musique plus directe, moins travaillée : elle est devenue l'expression la plus brute de l'exploitation capitaliste, de ses usines et ses cadences. Mais dialectiquement, elle exprime encore plus clairement le besoin de communisme.
7/ Le hardcore disparaîtra avec le Communisme
L'extrême-gauche petite-bourgeoise française ignore ou méprise le hardcore et la techno en général. En fait, cela n'est pas étonnant, elle n'a plus rien de révolutionnaire, elle est complètement déconnectée des préoccupations des masses en raison de sa nature de classe : quoi de plus insupportable pour un petit-bourgeois qu'une musique cadencée, planifiée, industrielle ? Quoi de plus insupportable pour un petit-bourgeois que d'être noyé dans une foule sans pouvoir s'affirmer de manière individualiste, se mettre au-dessus des autres ?
Pourtant, malgré ses limites et ses contradictions, le hardcore est un élément important de la culture populaire moderne : qu'il s'agisse des free-parties, qualifiées de TAZ (tempory autonomy zone, zone d'autonomie temporaire), du métissage musical et technologique important qu'il représente, ou bien de la culture informatique du partage et de l'échange gratuit qui règne dans le milieu.
Le hardcore est une manifestation musicale de l'impossibilité pour le capitalisme d'offrir une vie paisible pour l'Humanité en général, et la classe ouvrière en particulier. Il est une expression aliénée des contradictions de la vie quotidienne dans le capitalisme et témoigne inconsciemment du besoin de communisme qui se fait chaque jour de plus en plus ressentir, en particulier chez les jeunes prolétaires.
Le hardcore a un caractère universel, car il est porté par le prolétariat et est présent presque partout dans le monde, tout en y étant à chaque fois ancré dans la culture nationale de manière particulière.
Le hardcore est né et disparaîtra inévitablement avec le capitalisme : seule une génération qui a grandi dans les grandes banlieues mortelles d'un monde capitaliste en décadence peut ressentir le besoin de telles musiques. Mais plus l'Humanité avancera vers le communisme et fusionnera avec la Nature, et moins ce type de musique brutale et dure n'aura de raison d'être. Le changement est perpétuel, rien n'est éternel, et surtout pas les productions relatives de l'humanité à une époque particulière.
La bande son du Communisme saura dépasser les musiques prolétaires d'aujourd'hui, souvent agressives et dénaturées (techno hardcore, rap, ragga, punk hardcore). On voit déjà cela avec des formes qui inversement mettent en avant la mélodie, mais perdent en radicalité et en dignité du réel (Soul, House, Garage...). Comment tout cela se combinera-t-il dans le monde de demain? En tout cas le musique sera l'expression des rapports harmonieux des humains, entre eux et envers la Biosphère et le reste de la Galaxie, ce sera une musique pour des corps libres et des esprits libérés.