La défaite électorale de la Casa Pound italienne (Sauver Venise !)
Submitted by Anonyme (non vérifié)Casapound, le mouvement d'extrême-droite italien devenu la grande référence de l'extrême-droite française « radicale », s'est pris une terrible claque aux élections des 24-25 février 2013. Les résultats tombés hier lui donnent 0,12 %, derrière même des formations d'extrême-droite plus « classiques » et traditionnelles.
C'est un coup terrible pour cette organisation qui, comme on le voit, est confrontée au fait que son style fondé sur le futurisme des années 1910-20 et l'esprit Bohème nihiliste est totalement décalé par rapport à la société italienne (voir La Belle époque de l'élan capitaliste : Les fausses avant-gardes du futurisme et du Cercle Proudhon).
La démarche de la Casapound est indubitablement cosmopolite, avec des actions symboliques (dont une à Paris avec le sang dans le bassin du Trocadéro, voir Une bien étrange provocation « anti-française » des nationalistes français et des « identitaires ») se voulant des happenings quasi artistiques et une esthétique « raffinée » (logos, tatouages, etc.) qui entend se placer au cœur d'un esprit d'avant-garde, mais d'esprit libre, au-delà des réalités nationales.
Le site artistipercasapound.org le montre bien : les projets sont esthétisants, nietzschéens, individualistes ; ils ne sont pas liés à la culture italienne, à part avec un regard modernisateur futuriste d'esprit cosmopolite.
Pour preuve, le scandale le plus important d'Italie est que les monuments historiques tombent en ruine ou bien sont vendus à des grandes entreprises. Nous avions parlé de comment Venise est en train d'être assassinée.
De tout cela, l'extrême-droite italienne, et elle ne peut pas en parler car elle ne connaît pas cela, ne s'y intéresse pas, refusant d'assumer le passé italien, car cela voudrait dire assumer l'humanisme contre le baroque et le Vatican.
Là est la grande contradiction de la Casapound, et également des « identitaires » en France, qui ces derniers mois saluaient la Casapound pratiquement comme un modèle – hier, la seule chose que Novopress, le site d'infos des « identitaires », a su dire, était un laconique « Quant au mouvement CasaPound, il n’a pas réussi à décoller. »
La vérité, c'est que tant les « identitaires » que la Casapound s'imaginent être des romantiques, ce sont en réalité des futuristes, des expressionnistes, une expression bohème nihiliste s'imaginant prôner un retour aux valeurs en renouvelant le code du classicisme.
Cette démarche « avant-gardiste » se veut ainsi rupturiste, mais en même temps cette révolte se veut au sein de la société, partant de son ventre mou. Ainsi, il y a un écho, car le populisme tape là où il faut, dans les préjugés.
Pour autant, cela ne suffit pas, évidemment, à provoquer une rupture telle qu'il y ait une autonomie politique par rapport aux partis conservateurs traditionnels, dont la Casapound n'est qu'une sorte de frange artistico-esthétique.
Cette contradiction entre « rupturisme » et expression du ventre mou du conservatisme est la même pour l'extrême-droite allemande, qui dispose d'une scène d'une dizaine de milliers de personnes, sans jamais percer aux élections.
Dans une autre genre, la CNT des années 1990-2000 en France a eu un grand succès en jouant sur la culture syndicaliste dure et l'imagerie libertaire violemment anti-communiste ; elle a été cependant incapable de devenir autonome par rapport à la gauche syndicale qu'elle a parasité. Résultat, en février 2013, il n'y a pas moins de cinq mouvances CNT, une syndicaliste révolutionnaire, l'autre contre-culturel proche des « indigènes de la république », une anarcho-syndicaliste, etc. d'autres ayant enfin rejoint SUD ou la CGT.
Car entre la massification immédiate et l'avant-gardisme, il faut choisir, et qui choisit la massification immédiate dans une société stable se fait nécessairement happer par les institutions. L'avant-gardisme est bien plus difficile, car exigeant idéologiquement et il faut tenir sur le long terme, mais quand la crise vient, seules subsistent les idéologies qui disposent d'un véritable corpus, d'une synthèse, d'une œuvre.
La Casapound n'est pas dupe de cela et essaie de créer une contre-culture pour attendre des jours meilleurs ; pourquoi alors se tourner vers les élections ? C'est une question de classe sociale : la Casapound est d'esprit petit-bourgeois, avec sa vision fausse d'une oligarchie qui dominerait, et non d'une bourgeoisie, avec son discours contre « l'usure » digne de l'Eglise catholique médiévale.
L'imagerie de la Casapound est d'ailleurs entièrement tournée vers l'abstraction ; il n'y a jamais d'appel au réalisme. Soit c'est l'abstraction géométrique qui prime, dans l'esprit du futurisme italien, soit c'est l'idéalisme avec des « scènes » relevant de l'abstraction (films d'horreur, images d’Épinal d'extrême-droite se voulant « romantique »).
Et l'Italie dans tout cela ? Où est Dante ? Où est Michel-Ange, où est Raphaël ? Où est Campanella ? C'est à croire que la Casapound n'est qu'un modernisme tentant d'unifier l'Italie sur la base d'un projet de conquête, comme a pu le faire Mussolini.
Voilà ce qu'est la Casapound : un idéalisme très « motivé » et affirmant importer dans la société des valeurs fortes, à coup de symboles.
Évidemment, un tel délire expressionniste existe à l'extrême-gauche également. Nombreux sont les blogs dans ce même esprit consistant en des appels idéalistes, des petites citations « radicales », des imageries « contestataires », en rupture, etc. C'est une manière d'accompagner la social-démocratie ou la droite conservatrice, sans prétendre assumer de manière autonome un projet révolutionnaire.
Par contre, un véritable mouvement révolutionnaire affirme sa transcendance, affirme être porté par le réel, sans avoir besoin de coller aux institutions, à ce qui relève déjà du passé dans la théorie révolutionnaire, et bientôt également du passé dans la pratique révolutionnaire.
Un véritable mouvement révolutionnaire affirme le romantisme révolutionnaire, et la Casapound prétendait le faire à coups de Mishima, de Nietzsche, de Sorel, de « refus de la vie commode », selon le mot de Mussolini pour tenter définir le fascisme le plus simplement possible.
Mais avoir comme programme économique celui de l'Eglise catholique, se présenter aux élections bien proprement, utiliser facebook, twitter, etc., cela n'a rien d'une rupture romantique, c'est de l'utilitarisme cosmopolite, valable dans n'importe quel pays.
Ce dont l'Italie a besoin, en réalité, c'est du socialisme qui éjecte la bourgeoisie qui abandonne l'histoire culturelle au capitalisme et son marketing, c'est du socialisme qui renverse la contradiction entre villes et campagnes, c'est du socialisme qui met les masses populaires aux commandes de l'appareil productif, pour développer des richesses authentiques et partagées ! C'est le socialisme qui sauvera Venise !