Au cœur du massacre de Toulouse : une attaque contre l'averroïsme
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le PCMLM est le seul Parti à avoir remis en avant la thèse communiste « classique » et authentique concernant le monde arabo-persan.
Cette thèse est simple et connue de toute personne faisant un travail de recherche concernant l'histoire de l'Islam, même si bien entendu seul le matérialisme dialectique l'assume et si c'est la tradition bourgeoise de la rejeter.
Elle n'en est pas moins incontournable.
Et il est significatif que n'en parlent jamais des gens prétendant connaître l'histoire du monde arabo-persan, voire même y faire la révolution. Sans nul doute, la faiblesse historique des marxistes arabes est de n'avoir pas saisi cela, étant alors incapables d'affronter le courant fondamentaliste.
Rappelons cette thèse essentielle et voyons comme elle dit de très nombreuses choses sur Merah et ses actions.
Selon le matérialisme dialectique, Averroès (1126-1198) est l'expression la plus développée de la science arabo-persane, qui elle-même s'appuie sur les apports d'Aristote. En revendiquant l'indépendance de la science par rapport à la religion, Averroès a levé le drapeau de la connaissance humaniste.
Si son échec a été complet pour le monde arabo-persan qui l'a par la suite même oublié, sa pensée a été déterminante et le point de départ pour la Renaissance européenne.
Cette thèse est absolument classique ; toute personne progressiste ayant étudié la question la connaît ; elle a été le drapeau des progressistes dans le monde arabo-persan.
En Europe, la bourgeoisie a fait en sorte que le rôle historique d'Averroès soit « oublié » ; cela fait partie de la tendance historique à nier l'origine islamique de la pensée de la Renaissance.
Néanmoins, il est bien connu que la pensée d'Averroès a été le moteur de l'humanisme, sous la forme de l'averroïsme dit « latin » dans le Quartier Latin du 13ème au 16ème siècle, et à Padoue et Gênes du 14 au 16ème siècle.
Les documents du monde arabo-persan arrivaient en effet en Europe, notamment grâce à Frédéric II du Saint-Empire (1194-1250) qui était également roi de Sicile et se procurait des documents et les faisait traduire en latin. En 1240, la plupart des commentaires d'Averroès étaient disponibles en latin.
Cette diffusion menaçait les fondements même de la religion, qui se mit à réagir sur tous les fronts. Sur le plan théorique, c'est Thomas d'Aquin qui joua le rôle le plus éminent, avec comme objectif de phagocyter Aristote afin de contrecarrer l'averroïsme. C'est ainsi dès 1269 que Thomas d'Aquin publie « De unitate intellectus contra Averroistas », attaque contre les « averroïstes » (le terme est employé ici pour la première fois) qui critique chez Averroès ce que lui reprochait pareillement les théologues religieux musulmans.
A l'offensive théorique succéda la répression ; l'évêque de Paris promulgua une première condamnation en 1270, condamnation visant 13 propositions averroïstes, traditionnellement regroupés en quatre grandes catégories (qui remettraient Dieu en cause de par leur nature même) : l'éternité du monde, la négation de la providence, l'unité chez les individus de l'intelligence, l'intuition et l'émotion, et enfin le déterminisme absolu du cours du monde.
Cette condamnation fut réitérée en 1277, dans un décret de 219 articles. Elle obligea Siger de Brabant, principal représentant « averroïste », à abandonner Paris et la faculté des arts, bastion « averroïste. »
Mais elle n'empêche pas le développement de l'averroïsme, qui connut son apogée à Padoue aux 15ème et 16ème siècles, alors que les éditions des œuvres d'Averroès se multipliaient donc à Padoue mais également à Venise, Naples, Rome, Bologne, Lyon, Strasbourg, Genève.
Inversement, dans le monde arabo-persan, Averroès a été liquidé sur le plan théorique et historique. On a son commentaire de la Physique d'Aristote en 64 manuscrits latins différents (dont 53 complets), mais aucun en arabe. Du commentaire de la Métaphysique d'Aristote, on a pareillement 69 manuscrits latins différents, mais un seul en arabe, incomplet et écrit à différentes époques !
Cela est révélateur des deux chemins pris : en Europe, la philosophie devient indépendante de la religion et permet la science, alors que le monde arabo-persan sombre dans l'obscurantisme avec la main-mise religieuse sur tous les domaines de la vie.
Or, l'Europe a modernisé ses forces productives et est arrivée à un stade impérialiste, avec une démarche colonialiste. L'Islam comme idéologie dominante ne pouvait plus rejeter la science.
La religion islamique pensait avoir liquidé le problème avec Averroès, et voilà que la position défensive d'Averroès, prônant deux domaines partagés et la primauté finalement à la religion, apparaîtrait presque comme un moindre mal !
Au moment de la Renaissance, l’Église a tenté d'assimiler par tous les moyens l'averroïsme à une hérésie complète, pour finalement l'intégrer à contre-coeur par l'intermédiaire de Thomas d'Aquin afin d'accompagner les inévitables progrès de la science. C'est aujourd'hui la thèse religieuse classique sur la valeur du chercheur s'imaginant « matérialiste » alors qu'il est en même temps « croyant » à la sortie de son laboratoire.
Cependant, aujourd'hui, pour l'Islam, c'est bien plus compliqué, en raison du retard pris. D'où l'impossibilité même d'assumer Averroès (sauf dans le sens éventuel d'une combinaison idéologique « nationaliste » et religieuse, comme en « république islamique d'Iran »).
Ce qu'a tenté de faire Mohamed Merah, c'est aussi de liquider la science par l'intermédiaire de la primauté politique du Djihad. Pour comprendre cela, il faut revenir à Averroès justement.
Car celui-ci a tenté de lire dans le Coran la possibilité de la science (afin de maintenir la position des philosophes face aux religieux). C'est le verset 7 de la sourate numéro 3 qui est ici d'une grande importance, car elle a été l'objet d'une bataille idéologique.
Voici cette sourate :
« 3.7. C'est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre : il s'y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d'autres versets qui peuvent prêter à d'interprétations diverses. Les gens, donc, qui ont au cur une inclinaison vers l'égarement, mettent l'accent sur les versets à équivoque, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n'en connaît l'interprétation, à part Allah. Mais ceux qui sont bien enracinés dans la science disent : "Nous y croyons : tout est de la part de notre Seigneur ! " Mais, seuls les doués d'intelligence s'en rappellent. »
Averroès a tenté de maintenir l'existence de la philosophie et n'a pas lu le texte de la même manière. En ce qui le concerne, il lit tout à la fin :
« alors que nul n'en connaît l'interprétation, à part Allah et ceux qui sont bien enracinés dans la science. »
Cela change tout ; Averroès entendait prouver qu'il y avait deux voies pour accéder à Dieu : la religion et la science, les deux étant strictement parallèles et ne rentrant pas en contradiction.
Est-ce que cela a été un double jeu de la part d'Averroès afin d'éviter la répression religieuse ? Sans doute pas directement, car Averroès était un disciple arabo-persan de l'école d'Aristote, et il considérait Dieu comme un « moteur premier » ; Aristote était un géant au même titre que le prophète de l'Islam, mais sur deux plans différents.
Mais en pratique cela revenait à ouvrir la porte au matérialisme, par l'indépendance de la science. C'était intolérable hier pour la religion, ça l'est encore aujourd'hui. La religion catholique a dû accompagner le mouvement et faire semblant, et ce jusqu'à aujourd'hui : l'observatoire du Vatican a même un religieux préposé à une éventuelle évangélisation des extra-terrestres !
C'est bien plus difficile pour l'Islam comme expression féodale anti-impérialiste, d'où le caractère offensif et virulent du salafisme djihadiste. Là est le paradoxe : la ligne défensive du salafisme djihadiste est avant tout une offensive contre la science - et le second paradoxe est que la cible, « l'occident », a elle-même abandonné la science pour passer dans l'irrationalisme impérialiste.
Irrationalisme féodal contre irrationalisme impérialiste : telle est la « logique » actuelle, que la révolution socialiste va briser en tant que seule véritable actualité. Merah n'était pas un révolutionnaire, mais un fasciste, un représentant de l'irrationalisme féodal provoqué par l'irrationalisme impérialiste.