13 nov 2014

Rosetta, construction d'un mythe « français »

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La comète 67P prise en photo par RosettaLa sonde Rosetta a été lancée en 2004 afin de se poser sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (du nom des deux chercheurs russes qui l'ont découvert en 1969). La sonde a été conçue par l'ESA (Agence Spatiale Européenne) – mais tout est en fait piloté par le CNES (Centre National d'Etudes Spatiales) et le CNRS français – et, depuis quelques jours, un battage médiatique assez intense a été mis en place.

Hier, le 12 novembre 2014, jour d'atterrissage, le CNES a diffusé, en direct, une émission sur Youtube pour relater l'atterrissage de la sonde et pour interviewer de nombreux chercheurs français et se flatter de la réussite de la mission. La présence de François Hollande, de Najat Vallaud-Belkacem ou encore de Claudie Haigneré (première femme française dans l'espace et ancienne ministre) à la Cité des Sciences de Paris donne la mesure de l'événement.

Cet atterrissage est qualifié de « grande première astronomique » et d'« événement à ne pas manquer » et, en effet, le fait de réussir à poser une sonde à proximité d'un site précis, Agilkia, sur une météorite – c'est-à-dire sur un corps céleste en rotation (qui fait tout de même un tour sur lui-même en 12,4 h) est une prouesse technique. D'autant plus que sa forme précise n'a été découverte que le 6 août 2014 . Il est également à noter que Rosetta est la première sonde à voyager aussi loin en se basant, en plus des carburants classiques, sur l'énergie solaire (au moment de l'atterrissage, la comète est située à 650 millions de kilomètres de la Terre).

C'est donc la première fois qu'une sonde se pose sur une météorite. Mais malgré l'importance de cette actualité scientifique, l'émission sur YouTube n'a rassemblé qu'un maximum de 30.000 personnes et la nouvelle ne semble pas passionner le public, contrairement aux chercheurs et représentants politiques qui se confondent en éloges sur le projet.

Suite à l'atterrissage de la sonde sur la météorite vers 16h30, de nombreuses personnes ont été interviewées. François Hollande donne ainsi le ton. Il répète plusieurs fois aux chercheurs un très offensif, très conquérant « Vous avez gagné ! » traduisant le désir de conquête de l'impérialisme français.

À sa suite, un chercheur souligne sa satisfaction d'enfin entendre parler de l'ESA et plus seulement de la NASA. D'autres soulignent également leur fierté de savoir que le monde entier, dont les États-Unis, est braqué vers eux. Ces réactions montrent à quel point la concurrence entre les pays impérialistes se reflète jusqu'aux organismes scientifiques.

Anny-Chantal Levasseur-Regourd, astrophysicienne spécialisée dans les comètes, souligne d'ailleurs que le nom de Rosetta fait référence à la Pierre de Rosette, cette fameuse stèle mis à jour par un soldat français et qui, grâce au travail de Jean-François Champollion, a permis de déchiffrer les hiéroglyphes. Il est à noter que ce soldat faisait partie de l'armée mobilisée pour une campagne militaire expansionniste de Napoléon Bonaparte afin de conquérir entre autres l'Égypte. Cette sonde européenne porte donc le nom d'une « réussite française » et symbolise parfaitement le désir d'installation de la supériorité française, de reprise de la conquête impérialiste française. On est là dans l'exaltation nationaliste.

En fait de « conquête spatiale », on est dans la « conquête française ». Le CNES et le CNRS, qui pilotent réellement l'ESA, sont ici des organismes de l’État français lui servant à acquérir du prestige et à asseoir sa domination technologique et scientifique sur les autres pays européens (en réalité grâce aux financements des trusts de l'industrie militaire). Cette expédition a été conçue non pas pour faire progresser l'humanité mais comme une gigantesque opération de communication de l'impérialisme.

Mais quelle est donc exactement la mission de Rosetta pour qu'on en parle autant dans les médias justement ?

Outre l'étude de la comète elle-même, Anny-Chantal Levasseur-Regourd explique que le nom de Rosetta présente le projet comme « Pierre de Rosette de l'univers et de nos origines ». En effet, la particularité des comètes est qu'elles se sont formées en même temps que le système solaire et qu'elles se sont trouvées loin du Soleil et donc, qu'elles ont donc été soumises à des températures très basses, ce qui leur aurait permis de ne changer que très peu depuis les débuts du système solaire.

Selon ce postulat, la sonde Rosetta pourrait donc apporter des informations sur la création du système solaire.

Mais le point frappant de l'émission du CNES était l'insistance avec laquelle les chercheurs parlaient de la possibilité de découvrir l'origine de la vie. Tous se basent en effet sur l'hypothèse que la vie sur Terre a émergé de poussières apportées par des météorites. L'objectif avancé est donc d'étudier le noyau de la météorite 67P afin de découvrir des traces d'acides aminés essentiels pour le développement de la vie.

André Brack, un exobiologiste, explique que la vie n'a pas pu naître sur la Terre puisque l'atmosphère contenait trop de CO2 et que les océans n'étaient pas assez productifs. Il en conclut que la vie est certainement arrivée sur Terre grâce à une manne spatiale : des grains des météorites. Or, ce même André Brack expliquait dans un dossier sur l'exobiologie, datant de 2008, que les sources hydrothermales sont des lieux riches en gaz et notamment en hydrogène, des lieux « exceptionnels » « favorables aux synthèses prébiotiques ».

Lynn Margulis explique d'ailleurs que :

« Jack Calvin [un océanographe] estime que la vie aurait commencé à la frontière des anciennes plaques continentales, dans les eaux chaudes et peu profondes de la Terre archéenne, où les gaz riches en hydrogène, venus de l'intérieur de la Terre, réagissaient avec les gaz riches en carbone de l'atmosphère. »

Lynn Margulis et Dorion Sagan (1986) L'Univers bactériel

Ainsi, lorsqu'André Brack dit que l'atmosphère seule ou les océans seuls ne peuvent engendrer la vie, il oublie de parler de l'interaction entre les deux. Et lorsqu'il explique que l'atmosphère terrestre primitive était plutôt riche en CO2, il fait référence à une critique de l'expérience de Miller-Urey.

Cette expérience a été mise en place dans des conditions particulières, entre autres un faible taux de CO2. Ainsi le fait que l'abondance de CO2, qui serait une caractéristique de l'atmosphère terrestre primitive, rende la fabrication des acides aminés plus compliquées serait une raison d'invalider l'expérience de Miller-Urey.

À cela s'ajoute le fait qu'une météorite, qui s'est écrasée en Australie en 1969 (la météorite de Murchison), montrait de nombreuses traces d'acides aminés, ces composants de base du vivant. C'est pour cela que la majorité des scientifiques présents présentaient ce projet comme une voie possible à la découverte de nos origines.

Pour répondre à cela, voici ce que Lynn Margulis explique, en commençant par l'expérience historique de Miller-Miller :

« Ces expériences ont répandu la croyance, aussi bien chez des scientifiques que dans le grand public, que quelques éclairs frappant la « soupe primitive » des océans archéens ont réussi à provoquer une réaction entre des atomes de carbone, d'hydrogène et d'autres éléments dans des conditions propices à la création de la vie.

Dans le même esprit, un concept communément répandu voudrait que la vie soit apparue de manière soudaine et presque instantanée à partir de la soupe prébiotique. D'autres scientifiques répondent au contraire que la probabilité d'une telle naissance instantanée de la vie est astronomiquement faible, bien plus faible que la construction spontanée d'un Boeing 747 par la passage d'un ouragan sur un tas de ferrailles.

Aucune méthode crédible ne permet d'évaluer la probabilité de la génération spontanée de la vie à partir de la non-vie. […] Tout ce que nous savons, c'est que la vie est apparue. Certains théoriciens se croient obligés de poser comme postulat que que la Terre aurait été ensemencée par des météorites qui transportaient des molécules de vie achevées. […]

Cependant les conclusions des partisans de la « vie instantanée », comme de ceux de « la vie vient de l'espace » détournent l'attention du fait fondamental, que le milieu qui a convenu au lent mûrissement de la vie à partir de la non-vie a été la Terre primitive. Le temps et l'énergie y existaient en quantité suffisante pour que des combinaisons moléculaires particulières à la vie naissent à partir de réactions chimiques que favorisait l'environnement primitifs, avec ces changements cycliques et sa charge énergétique. De plus, les substances chimiques ne se combinent pas au hasard, mais selon des modèles ordonnés.

Nul besoin de postuler l'invraisemblable lorsque les signes du vraisemblable abondent. La présence de composés organiques dans des météorites semble seulement confirmer qu'un environnement riche en hydrogène, lorsqu’il est exposé à des sources d'énergie et mis en présence de carbone […] va produire par les règles de la chimie les éléments constitutifs de la vie. »

Les scientifiques présents pour le projet Rosetta affirment donc que l'origine de la vie se trouvent les météorites, comme s'ils étaient vraiment sûrs qu'elle venait de là. Cette affirmation est complètement idéaliste puisqu'elle cherche des causes externes au développement de la vie sur Terre. C'est anti-dialectique et aucune preuve sérieuse ne vient étayer cela.

Finalement, dans leur soumission à l'impérialisme français, ils s'emportent dans des thèses fictives. Alors qu'ils prétendaient dépasser la science-fiction grâce à la science, ils ne font qu'avilir la science au rang de chimère.

Cette opération, tant par son contenu que par sa forme, relève purement de l'irrationalisme. Ce qui est visé en fait c'est la construction d'un nouveau « mythe français » présentant la France impérialiste comme à l'avant-garde de l'Humanité.

Mais la bourgeoisie française n'est plus cette force arrivant au pouvoir avec la Révolution française pour balayer les scories du féodalisme et faire progresser l'Humanité. Aujourd'hui elle est une force du passé, gagnée en conséquence par l'irrationalisme. L'impérialisme français n'a pas de vrai plan de conquête spatiale, il ne cherche pas à faire progresser l'Humanité, mais juste à se faire rayonner lui-même.

Seul le socialisme permettra à l'Humanité de se donner les moyens de reprendre sa marche au nom non plus d'elle-même mais de la vie toute entière et d'aller enfin vers les étoiles à la découverte du reste de l'Univers.

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