20 mar 2016

PCE -Le rôle de la femme dans la lutte pour l’indépendance et la liberté de l’Espagne

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Article d'Emilia Elias datant de 1938, publié dans le numéro spécial intitulé « Espana » de l’hebdomadaire « La Correspondance Internationale » N° 27, du 12 mai 1938

Au nombre de tous les éléments incorporés à la lutte que mène actuellement le peuple espagnol contre le fascisme, figurent les masses féminines d’Espagne qui, dès le premier moment de cette guerre pour notre liberté et notre indépendance, se sont mises sans restriction au service de la cause du peuple, Elles vouèrent à la lutte tous leurs efforts matériels, qui allèrent bien des fois jusqu’au sacrifice de leur vie.

Mais elles surent aussi exalter par leurs paroles, par leur sentiment élevé des nécessités de la guerre, l’ardeur de leurs fils, de leurs compagnons, les poussant à s’incorporer à la masse immense des hommes qui, saisissant les armes, se sont dressés pour défendre le sol de l’Espagne contre l’invasion fasciste.

Il ne faudrait pas croire cependant qu’avant le 18 juillet 1936 les femmes ne fussent pas intervenues activement dans la lutte révolutionnaire. Au contraire, en organisant des grèves de caractère économique et des manifestations féminines de masse, les femmes n’ont cessé de proclamée publiquement leur haine de la tyrannie et leur opposition à la tyrannie et à tous les ennemis du véritable peuple espagnol.

Lorsque en 1931, avec la proclamation de la République, on vit se déployer un mouvement de masse qui tendait à abattre complètement et définitivement un régime d’opprobre et de tyrannie, les femmes participèrent elles aussi à cet éveil des masses populaires et contribuèrent, dans une mesure importante, à secouer l’indifférence de certaines couches de la population.

Et lorsque la République, dans un élan de justice, accorda aux femmes une partie des revendications défendues par le mouvement pour l’émancipation féminine (droit d’élire et d’être élues, égalité de droits pour les enfants légitimes et naturels, reconnaissance de la personnalité civile, etc.), les femmes se sentirent renforcée et aidées par les pouvoirs publics, et cela suffit pour que, conscientes de leurs responsabilités et sûres de travailler à leur complète émancipation, elles se lancent dans la lutte politique.

C’est ainsi qu’en 1934, avec son tragique cortège d’iniquités, les femmes lutèrent vaillamment contre ta réaction, qu’elles constituèrent un élément puissant lors des héroïques journées de la révolution d’Octobre. Dans la rue, dans les syndicats, dans les partis, les femmes travaillèrent avec une ardeur pleine de foi pour écraser la réaction barbare qui, dans les rues d’Oviedo, mitraillait les femmes qui défendaient leur droit et celui de leurs enfants à une vie de liberté et de Justice. Aida Lafuente, l’héroïque jeune fille asturienne qui mourut à son poste de combat en octobre 1934, est le symbole de cette lutte magnifique, et son souvenir vivra éternellement dans le cœur de toutes les femmes.

Au mois d’août de la même année eut lieu à Madrid La Ire Conférence nationale des femmes antifascistes, où celles-ci déclarèrent publiquement leur opposition ouverte à la tyrannie. Quelques jours plus tard, les femmes organisèrent la grande manifestation présidée par la Pasionaria et dont le but était de protester contre le décret du gouvernement Samper relatif à la mobilisation des réservistes.

A l’aube de 1936, l’approche des élections qui devaient voir le triomphe du Front populaire donna aux femmes de nouvelles occasions de lutter. Elles surent les mettre à profit et la lutte électorale leur permit d’apporter de nouvelles preuves de leur sentiment des responsabilités et de leur maturité politique.

Des centaines de meetings, d’assemblées, de réunions furent organisés avec la collaboration des femmes et eurent pour effet de mobiliser et d’enthousiasmer les masses de la ville et des champs. Et, le 16 février, Le triomphe dru Front populaire fut dû pour une bonne part à la vigilance des femmes qui, tant comme électrices que comme gardiennes spontanées de la régularité des opérations du e, surent rendre sans effet les innombrables illégalités auxquelles la réaction eut recours pour empêcher la victoire du Front populaire.

La date tragique du 18 juillet 1936 vint compléter la préparation politique des femmes et donner son plein essor à leur participation aux luttes révolutionnaires.

A cette heure, comme toujours, le souffle ardent de la Pasionaria vint nous animer, nous les femmes d’Espagne. Elle qui sait si bien trouver le mot d’ordre et le geste qu’exige chaque situation, face à l’insurrection fasciste et a l’assaut des troupes d’invasion, elle lança le défi à l’ennemi ce « No pasaran ! » que le monde entier, moins de vingt-quatre heures après qu’ait éclaté la rébellion, entendit sur les ondes de l’Union Radio, se cri qui est devenu depuis lors le cri de guerre des antifascistes espagnols et que les femmes, avec le peuple tout entier, ont fait leur, dont elles ont fait un mot d’ordre inébranlable, travaillant inlassablement à en faire une réalité. Il l’a été.

La foi de la Pasionaria pénétra, les âmes de toutes les femmes, qui s’incorporèrent à la lutte avec une ardeur combative. Aussi, la guerre que vit l‘Espagne a-t-elle été pour les masses féminines une gigantesque école, une immense source d’expériences, Et le résultat a été qu’à la guerre et à ses problèmes se sont intégrées non seulement les femmes placées à l’avant-garde du mouvement féminin, mais une grande quantité de femmes indifférentes aux problèmes politiques et sociaux.

Car toutes ont clairement vu qu’aujourd’hui, au prix du sang des masses populaires espagnoles, au prix du sacrifice quotidien des hommes venus de tous les pays se joindre au peuple espagnol dans sa lutte, se décide sur notre sol l’avenir de tous les opprimés, comme se décide aussi l’avenir des femmes, asservies et humiliées par la misère, l’inculture et l’injustice.

Et dès les premiers moments, elles luttèrent ; dès les premiers moments, leurs voix s’élevèrent pour réclamer leur part des tâches de la guerre et participer ainsi à la victoire.

L’effort déployé par les femmes a revêtu toutes les formes de l’activité. D’une façon générale, l’on peut dire que les femmes ont tout fait pour collaborer à la victoire. Elles ont créé des ateliers, elles y ont travaillé ; elles ont fondé des homes pour arracher les enfants aux tourments des villes sauvagement bombardées par l’aviation fasciste ; elles apportent leur aide sur les fronts ; elles travaillent dans les hôpitaux comme infirmières et comme visiteuses sociales ; durant les tragiques journées de siège de Madrid, elles ont collaboré à l’approvisionnement de la ville ; elles ont été miliciennes ; elles collaborent aux services culture sur les fronts ; enfin, elles mènent un travail qui prouve leur maturité politique et leur compréhension des questions syndicales en prenant une part directe à la direction des partis et des syndicats.

De plus, les femmes ont réalisé un intense travail de propagande et d’agitation et elles sont parvenues ainsi, jusque dans les régions de l’arrière moins éprouvées par la guerre, à élever magnifiquement le moral et à inculquer à tous la conscience de la nécessité de vivre en accord avec les exigences de la lutte.

Il convient de souligner également l’esprit de sacrifice et la haute conscience politique manifestés par les femmes dans l’accomplissement d’une tâche dont elles s’acquittent avec la plus grande simplicité et la plus émouvante modestie, nous voulons parler des services de transfusion de sang aux blessés. Dans ce domaine, ce sont les femmes qui ont apporté la collaboration la plus active et la plus dévouée. Et elles le font non seulement dans un généreux sentiment d’humanité bien conforme à la nature spécifique de la femme, mais aussi pour des raisons plus complexes, qui donnent plus de prix encore à leur sacrifice.

Elles savent et elles le disent, que la vie d’un blessé est sacrée ; elles savant qu’arracher ses victimes à l’ennemi équivaut à gagner une bataille. Nous voudrions pouvoir citer toutes ces femmes, dire avec quelle abnégation elles s’acquittent de ce devoir sacré, mais trop nombreuses sont celles dont nous ne connaîtrons jamais le nom, tellement grande est la modestie dont elles font preuve en restant dans l’anonymat.

Mais nous connaissons le cas d’Eloïsa Cano, qui a donné son sang trente-deux fois ; nous connaissons celui de Catalina Mayoral, cette infirmière qui, elle aussi, a donné son sang à de nombreuses reprises, et celui d’une jeune femme, presque une adolescente, fille de service avant l’insurrection, qui a fourni neuf fois déjà son sang et est prête à continuer lorsque ce sera nécessaire. Elle est très fière de sa qualité de « donneuse universelle », qui lui permettra de prêter son concours dans un très grand nombre de cas.

Les femmes ont également joué un rôle actif dans l’aide aux évacués et aux réfugiés. Qu’elles collaborent à l’évacuation des enfants et des femmes de Madrid, de Malaga, d’Almeria et autres villes victimes de l’agression fasciste, pour les installer dans d’autres localités plus éloignées du front, ou qu’elles offrent leur maison, leurs services, leur aide pour améliorer la vie des réfugiés, les femmes ont tout fait pour mener à bien cette tâche. Nombreux sont les cas où des femmes ont cédé jusqu’à leur lit et leurs vêtements, jusqu’à leur maison tout entière, pour accueillir des femmes et des enfants maltraités par la guerre.

Nous connaissons une femme qui, bien qu’elle n’occupât qu’un petit logement, exigu même pour les besoins des siens, installa chez elle une famille composée de deux femmes et de trois enfants. Elle rayonnait en parlant de sa joie lorsque, la nuit, elle pouvait contempler le bien-être des petits couchés dans son lit, bien qu’elle même dormît sur le sol.

Cette aide aux enfants, les femmes l’apportent également dans des garderies et des homes où elles vivent auprès des enfants, les soignant et en prennent soin avec un zèle et une abnégation véritablement maternelle. On trouve dans ces services des éducatrices remarquables, et d’autres qui, avant le 18 juillet, étant à la retraite, ont repris leur professeur pour diriger des homes d’enfants évacués, travail d’ordinaire épuisant, mais qui apporte la satisfaction d’accomplir un devoir imposé par la guerre.

En octobre 1937 eut lieu, à Valence la IIème Conférence nationale des femmes antifascistes. Ouvrières, paysannes, intellectuelles vinrent rendre compte de leur activité et nous comprimes alors qu’il n’y en a pas, si spéciale soit-elle, à laquelle les femmes n’aient pas participé. Des paysannes des provinces de Cordoue, Guadalajara, Cuenca et Valence montèrent à la tribune. Presque toutes venaient de villages fout proches de la ligne de feu et nous apprîmes d’elles comment la récolte d’olives, et toutes les récoltes en général, avaient pu être sauvées en maints endroits, malgré l’absence des hommes, tous partis pour le front, grâce au travail intense des femmes. Nous nous souvenons d’une paysanne de la province de Cordoue qui nous disait, enthousiaste :

« A quelques kilomètres du front, nous avons sauvé la récolte d’olives, parce que nous savions qu’à chaque olive que nous cueillions, nous gagnions une bataille sur d’ennemi. »

Nous entendons aussi la voix des ouvrières de choc de plusieurs ateliers de Madrid, qui réalisent des prouesses semblables à celles des ouvrières Soler, qui a réussi à intensifier sa production dans une mesure telle qu’au lieu des cinq pantalons qu’elle confectionnait par jour, elle a atteint le chiffre de dix-huit. Et les ouvrières de l’atelier d’intendance « Pasionaria » (créé et organisé par le Comité national des femmes antifascistes) ont établi des journées de choc et certaines ouvrières, comme la camarade Maria Martinez Carton, arrivent à faire vingt-cinq uniformes par semaine. Les ouvrières de ces ateliers rivalisent d’ardeur au travail, ce qui a pour effet d’augmenter considérablement la production.

Dans l’industrie de guerre, les femmes réalisent également un magnifique effort, qui démontre combien les masses féminines ont raison de demander leur rapide et totale incorporation à la production. Car ces femmes, aujourd’hui ouvrières consommées, n’ont pas toujours travaillé à la fabrique. Nombre d’entre elles étaient des domestiques misérablement exploitées dans des milieux bourgeois et toutes souffraient de l’oppression et de l’obscurantisme auxquels la réaction a soumis la femme espagnole durant des siècles.

Leur activité présente est d’autant plus remarquable. Elles ont vu dans la guerre l’occasion de satisfaire leurs aspirations et celles de toutes les victimes de l‘oppression. Elles comprennent que prendre une part active à l‘élaboration de notre victoire est pour elles un devoir dont l’accomplissement leur permettra de conquérir leur liberté et celle de leurs enfants, en même temps que l’indépendance de leur patrie.

Citons à l’appui de cette affirmation le cas de Maria Acon, tourneuse à la fabrique Ferrobellum responsable de sa section de travail, qui fut bonne d’enfants jusqu’au 18 juillet ; l’exemple magnifique de Margarita Sanchez, de la fabrique Moreno, à Madrid, qui, au bout de deux semaines à peine de travail, était parvenue à dépasser de 100 % la norme de production. Il ne s’agit naturellement pas là de cas fortuits, d’une simple question d’habileté professionnelle, mais bien du résultat de toute une conception du problème politique que pose la guerre et que les femmes ont su comprendre : les héros de la production participent aussi activement que les héros du front à la victoire finale.

Dans leur ascension à cette maturité de conscience civique, les femmes n’ont pas lutté seules. Elles se sont senties aidées, soutenues par le parti communiste et ses dirigeants qui les ont constamment stimulées, qui les ont accompagnées dans la voie de leur développement, Aucune femme n’a oublié et n’a manqué de faire son profit des paroles de José Diaz dans son rapport à l’assemblée plénière élargie du Comité central du parti communiste :

« Il faut que les communistes intensifient et amplifient le travail parmi les femmes. Il faut consolider l’organisation des Femmes antifascistes, déjà existante, mais cela ne suffit pas. Il faut mobiliser toutes les femmes d’Espagne pour la défense de la patrie et de l’indépendance nationale ; il faut créer un mouvement des femmes de l’Espagne nouvelle, auquel s’incorporent toutes celles qui veulent contribuer à l‘écrasement du fascisme et se sacrifier, s’il le faut, pour que leurs enfants puissent vivre dans une Espagne cultivée, prospère et heureuse.

Il faut renforcer notre travail en ce qui concerne les femmes, car, si nous considérons la combativité et l’abnégation admirables dont font preuve les héroïques femmes de notre peuple, nous devons reconnaître que la proportion des femmes affiliées à notre parti n’est pas ce qu’elle devrait être et ce qu’elle pourrait être. »

Et non seulement dans ce document, guide et stimulant puissant pour notre travail, mais dans tous ses articles, dans tous ses rapports le secrétaire général du parti communiste trouve toujours l’expression exacte pour rendre compte de la situation des femmes.

Avec cet ardent appui, avec l’exemple merveilleux de la Pasionaria, les femmes d’Espagne sauront continuer à marcher de l’avant, à contribuer de toute leur énergie, au prix même de leur vie, s’il le fallait, à l’écrasement du fascisme barbare et au triomphe de la démocratie et de l’indépendance de l’Espagne.