Interview d'un invisible de Tarnac dans Libération
Submitted by Anonyme (non vérifié)Avec ce qui se passe en Grèce, on était en droit d'attendre quelque chose d'autre qu'une interview dans... Libération.
Déjà, l'absence de déclaration suite aux arrestations était incorrecte. Alors, si en plus il faut être obligé d'acheter Libération pour une interview «exclusive» et connaître le point de vue des personnes arrêtées...
Sans compter, en plus, que cette interview «exclusive» était annoncée la veille sur internet, sur le site de Libération, dans une sorte de buzz, avec 2 mn d'interview audio se terminant par «la suite demain dans Libération»!
Enfin bref, on se dit: bon passons, cette interview va avoir la patate, avec appel à l'insurrection, référence inévitable à ce qui passe en Grèce, mise en avant (au moins) du sabotage, appel à la destruction de l'Etat, etc.
Le minimum (NON) syndical du révolutionnaire, en quelque sorte, avec en option (plus ou moins élaborée) la référence au communisme, l'anarchie ou le communisme libertaire.
Eh bien non, rien de tout cela.
On a un simple compte-rendu de l'arrestation, de son déroulement. Avec une sorte de candeur de la part de Benjamin Rozoux:
«Ils avaient toujours leurs cagoules. On roule à 160km/h. Dans la voiture, on discute peu. C'est assez sec. Je demande à boire, l'un me donne du coca. On repart.»
«J'ai perdu au moins trois kilos. Je me sentais affaibli.»
«Ils me disent qu'ils ont trouvé dans une pièce deux gilets pare-balles par terre dans un sac en plastique. Je ne les avais jamais vus auparavant. J'ai été surpris de trouver ça. Après, chez nous, il y a toutes sortes de trucs qui traînent.»
«Je leur en dis le moins possible, ils commencent à s'énerver un petit peu.»
«Ils me disent voilà, c'est fini. De toute façon, je leur dis: "J'en ai marre, je ne dirai plus rien". J'avais failli tomber dans les pommes une heure avant. Et là ils me ramènent en cellule.»
«Je suis l'avant-dernier à passer devant le juge. Je lui dis que je ne comprends pas du tout l'intitulé de la garde à vue.
Que je ne comprends toujours pas pourquoi je suis là. Que personne n'était capable de me dire de quoi on était accusé.
Que ça me paraissait complétement disproportionné et quasiment ubuesque comme mise en scène.»
«Des questions politiques: "Est-ce que vous vous déclarez comme anarchiste?" Je leur réponds "pas spécialement", mais que cela m'intéresse.»
Et Benjamin Rozoux d'expliquer alors aux flics... que le mot «anarcho-autonome» est une «pure construction de magistrat, que cela ne correspond à rien, que c'est une catégorie fourre-tout des services de renseignement».
Toute l'interview est comme cela, sur le mode candide de la personne arrêtée finalement par hasard et en tout cas, croyant fermement en le caractère démocratique et humain de l'Etat.
Après tout, en se servant de l'intelligence, cette qualité si française, ne peut-on pas s'entendre sur tout, de manière calme et posée?
On sent donc un vécu à 1.000 lieux de l'expérience des masses populaires, qui savent très bien que l'Etat bourgeois est une machinerie froide, brutale, avec des rouages énormes appelés police nationale, CRS, BAC, etc. etc., rouages allant jusqu'aux sapeurs pompiers, médecins, assistantes sociales, psychologues, etc.
Mais Benjamin Rozoux n'a-t-il, à défaut, jamais allumé la télévision? Car même les pseudos enquêtes journalistiques montrent (dire si c'est banal) les flics en action lors de perquisitions matinales et musclées.
Pourtant, non, quand il sort de prison, Benjamin Rozoux pense simplement s'échapper d'un mauvais réve:
«Quand je suis sorti, j'étais un peu... Un peu l'impression de débarquer de Mars, comme si je sortais d'un vaisseau spatial.»
Pour les masses, c'est véritablement lui le martien!
Cette mentalité petite-bourgeoise est même tellement forte que, vers la fin de l'interview, Benjamin Rozoux se plaint que les ordinateurs aient été embarqués et qu'ils vont avoir du mal à faire la comptabilité de l'épicerie de Tarnac.
Epicerie dont on voit une photo dans Libération, avec une tête d'un animal tué au mur (un sanglier), sans doute pour faire «enraciné», dans la tradition beauf des chasseurs.
Le petit commerce et le chasse, dans la France profonde. Les romantiques d'extrême-droite seront aux anges. Mais bien de quoi faire gerber les communistes!
Enfin, et finalement (parce que quand même on est aussi là pour cela), Benjamin Rozoux critique l'anti-terrorisme, qui permettrait à l'Etat d'ouvrir des «portes relativement folles».
Et là on comprend tout. On voit que ce type est un libéral-démocrate épris de vie tranquille en communauté, qui ne comprend rien aux luttes de classe.
Benjamin Rozoux ne connaît pas l'histoire des révolutionnaires, marquée par le fascisme, l'extermination des révolutionnaires dans les camps, les arrestations massives sous des prétextes bidons et les emprisonnements, les meurtres, les brutalités, les viols, etc.
Non rien de tout cela au bon pays de France, où même mai 68 n'a pas eu de morts! Les Français ne sont ni des Italiens, ni des Allemands, certainement pas des Russes et encore moins des Chinois...
Au pays de Voltaire, on n'a pas Baader et Meinhof, non ma bonne dame, on n'a certainement pas cela au pays de Jules Verne et Jules Ferry, au pays de Rousseau et Voltaire!
Nous, les Français, on a le bon petit Candide, qui ne veut... rien d'autre que pouvoir cultiver son jardin, tout en critiquant tout comme il l'entend, et surtout l'administration, les fonctionnaires, l'Etat!
Le petit français qui veut tout critiquer mais ne rien assumer, qui veut être au premier rang, mais pas qu'on le voit.
Benjamin Rozoux prétend ainsi ne pas accepter de parler de sa vie privée parce qu'il refuserait... la «personnalisation»!!!
Alors qu'il est en couverture de Libération (plus en page 2, plus un gros plan en page 3), l'un des principaux quotidiens français, tirant à 140.000 exemplaires !
Voilà bien la France, pays de la forme sans contenu, pays de l'esthétique révolutionnaire sans révolution, pays où même l'anarchisme est syndical, pays où le trotskysme est comme chez lui.
Pays où, il y a trente ans, même le marxisme-léninisme-maoïsme, idéologie révolutionnaire de notre époque, avait été transformée en affaire d'intellectuels!
Il faut en finir avec tout cela. A tous les candides, rappelons le slogan autonome: «citoyen = flic» !
Pas de compromis avec la forme «républicaine» qui n'est que le masque de la bourgeoisie.
Médias alternatifs ou Libération, il faut choisir.
Peuple ou intellectuels de la rive gauche parisienne, il faut choisir.
Le communisme, ou l'épicerie, il faut choisir!