22 fév 2019

Introduction à Jean-Sébastien Bach – 5e partie : le chant dans la cérémonie religieuse luthérienne

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Martin Luther avait lui-même eu dans sa jeunesse une éducation dans les domaines du chant et de la danse ; il s'intéressera toujours à la musique, ayant comme amis les musiciens Johann Walter, qui officiait alors à la cour de Saxe, et Ludwig Senfl, qui lui était présent à la cour de Bavière.

A Rome, il rencontra également le compositeur Josquin des Prez, une importante figure du contrepoint. Martin Luther dira à son sujet que :

« Les autres maîtres des chansons sont forcés de faire comme les notes l'exigent, mais Josquin est le maître des notes et elles doivent faire comme lui l'exige ».

En 1523, Martin Luther produisit un texte aux conséquences très importantes : De l'ordre du service divin dans la communauté. Il y accordait une importance essentielle à la voix et à la musique.

L'office luthérien s'appuie de manière très importante sur la prédication d'un côté, le chant choral de l'autre. Ce chant est relié de manière souple aux textes bibliques (contrairement aux calvinistes qui se limitent au texte tel quel) et peut être appuyé par un orgue ou un groupe de quelques instruments.

Ce que Martin Luther écrit à Spalatin, secrétaire de l'électeur Frédéric le Sage, reflète bien son projet d'une meilleure socialisation, d'un niveau de conscience culturelle plus élevé, par le peuple et à travers le peuple, à travers le chant :

« J'ai l'intention, à l'exemple des prophètes et des anciens pères de l’Église, de créer des psaumes en allemand pour le peuple, c'est-à-dire des cantiques spirituels, afin que la parole de Dieu demeure parmi eux grâce au chant. »

Martin Luther divisait les œuvres relevant de la vraie musique – celle tournée vers Dieu, à l'opposé de celle qui s'est dénaturée, est tournée vers le diable, avec des sonorités dissonantes – en trois types. Il s'appuyait pour cela sur ce qu'exprime l’apôtre Paul, dans l’Épître aux Colossiens (3, 13) :

« Que la parole du Christ habite parmi vous dans toutes sa richesse : instruisez vous les uns les autres avec pleine sagesse : chantez à Dieu dans vos cœurs votre reconnaissance par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés par l’Esprit. »

Martin Luther en déduira que les chants mentionnés ici par Paul sont des œuvres que l'on peut composer soi-même, en s'appuyant sur le Saint Esprit. Jean-Sébastien Bach en composera 230.

Quant aux deux autres formes, il pense qu'il s'agit des choses suivante :

« Je pense que la différence entre les trois termes psaumes, hymnes et chants est celle-ci : par psaumes, il (l’apôtre) entend en fait les psaumes de David et les autres œuvres du psautier ; par hymnes, il entend les autres chants que l’on trouve ça et là dans l’Écriture, composés par des prophètes tels Moïse, Déborah, Salomon, Isaïe, Daniel, Habacuc, ainsi que le Magnificat, le Benedictus (chant de Zacharie en Luc 1,68-79) etc … qu’on appelle des cantiques. »

On devine que l'existence d'un tel appareil musical dans la cérémonie luthérienne implique une professionnalisation. La tendance aboutit pour le chant choral à environ 16 chanteurs et 18 musiciens intervenant pendant une trentaine de minutes, juste après la lecture de l’Évangile ; à certains moments, l'ensemble des personnes présentes doivent chanter.

Les paroisses devaient donc assumer des cours de chant, tout comme les écoles ; le chantre, le « cantor », se vit reconnaître une place très importante, de par son rôle dans l'office. Et bien entendu, pour cela il devait avoir des œuvres à sa disposition.

C'est pour répondre à cette nécessité que Martin Luther publia en 1524 le recueil de chants appelé Geistliches Gesangbuchlein (Petit livre de chant spirituel), réalisé par Johann Walter et Conrad Rupff supervisés par Martin Luther lui-même, auteur par ailleurs de 35 chants (soit ce qu'on considère aujourd'hui comme 5 chants chorals et 30 cantiques).

Il est intéressant ici de voir qu'une revue musicale australienne parle de « tubes » de l'époque de Martin Luther au sujet de Eine feste Burg ist unser Gott, de Nun komm, der Heiden Heiland et de Aus Tiefer not schrei ich zu dir.

Voici un exemple de leur approche quant à leur substance.

 

Aus tiefer Not schrei ich zu dir,

Du fond de ma détresse je crie vers toi,

 

Herr Gott, erhör mein Rufen ;

Seigneur Dieu, écoute mon appel,

 

Dein gnädig Ohr neig her zu mir

tends vers moi ton oreille bienveillante

 

Und meiner Bitt sie öffne !

et ouvre-la à ma prière !

 

Denn so du willt das sehen an,

Alors, si le veux daigne voir,

 

Was Sünd und Unrecht ist getan,

quel péché et quel torts est commis,

 

Wer kann, Herr, vor dir bleiben ?

qui peut, Seigneur, faire face à toi ?

 

Les voici, dans les versions de Jean-Sébastien Bach.