Molière - Pastorale comique (1667)
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Pastorale comique, ballets
1re entrée de ballet
Deux magiciens commencent, en dansant, un enchantement pour embellir Lycas ; ils frappent la terre avec leurs baguettes, et en font sortir six Démons, qui se joignent à eux. Trois Magiciens sortent aussi de dessous terre.
2ème entrée de ballet
Les six Démons dansants habillent Lycas d'une manière ridicule et bizarre.
3ème entrée de ballet
Les Magiciens et les Démons continuent leurs danses, tandis que les trois Magiciens chantants continuent à se moquer de Lycas. Ils s'enfoncent dans la terre et disparaissent.
4ème entrée de ballet
Les paysans prennent querelle, en voulant séparer le deux Pasteurs (Lycas et Philène), et dansent en se battant.
5ème entrée de ballet
Les Paysans réconciliés dansent ensemble.
6ème entrée de ballet
Douze Égyptiens, dont quatre jouent de la guitare, quatre des castagnettes, quatre, des gnacares, dansent avec l'Égyptienne, aux chansons qu'elle chante.
Pastorale comique
PERSONNAGES
Iris, jeune bergère.
Lycas, riche pasteur.
Filène, riche pasteur.
Coridon, jeune berger.
Berger enjoué.
Un pâtre.
Scènes 1 et 2
La première scène est entre Lycas, riche pasteur, et Coridon, son confident.
La seconde scène est une cérémonie magique de chantres et danseurs.
Les deux magiciens dansants sont: les sieurs La Pierre et Favier.
Les trois magiciens assistants et chantants sont : MM. le Gros, Don et Gaye.
Ils chantent.
Déesse des appas,
Ne nous refuse pas
La grâce qu'implorent nos bouches :
Nous t'en prions par tes rubans,
Par tes boucles de diamants,
Ton rouge, ta poudre, tes mouches,
Ton masque, ta coiffe et tes gants.
Ô toi ! qui peux rendre agréables
Les visages les plus mal faits,
Répands, Vénus, de tes attraits
Deux ou trois doses charitables
Sur ce museau tondu tout frais.
Déesse des appas,
Ne nous refuse pas
La grâce qu'implorent nos bouches :
Nous t'en prions par tes rubans,
Par tes boucles de diamants,
Ton rouge, ta poudre, tes mouches,
Ton masque, ta coiffe et tes gants.
Ah ! qu'il est beau,
Le jouvenceau !
Ah ! qu'il est beau ! ah ! qu'il est beau !
Qu'il va faire mourir de belles !
Auprès de lui, les plus cruelles
Ne pourront tenir dans leur peau.
Ah ! qu'il est beau,
Le jouvenceau !
Ah ! qu'il est beau ! ah ! qu'il est beau !
Ho, ho, ho, ho, ho, ho.
Qu'il est joli,
Gentil, poli !
Qu'il est joli ! qu'il est joli !
Est-il des yeux qu'il ne ravisse
Il passe en beauté feu Narcisse,
Qui fut un blondin accompli.
Qu'il est joli,
Gentil, poli !
Qu'il est joli ! qu'il est joli !
Hi, hi, hi, hi, hi, hi.
Les six magiciens assistants et dansants sont : les sieurs Chicaneau, Bonard, Noblet le cadet, Arnald, Mayeu et Foignard.
Scène 3
La troisième scène est entre Lycas et Filène, riches pasteurs.
Filène, chante
Paissez, chères brebis, les herbettes naissantes,
Ces prés et ces ruisseaux ont de quoi vous charmer ;
Mais si vous désirez vivre toujours contentes,
Petites innocentes,
Gardez-vous bien d'aimer.
Lycas, voulant faire des vers, nomme le nom d'Iris, sa maîtresse, en présence de Filène, son rival ; dont Filène en colère chante.
Filène
Est-ce toi que j'entends, téméraire, est-ce toi
Qui nommes la beauté qui me tient sous sa loi ?
Lycas, répond
Oui, c'est moi ; oui, c'est moi.
Filène
Oses-tu bien en aucune façon
Proférer ce beau nom ?
Lycas
Hé ! pourquoi non ? hé ! pourquoi non ?
Filène
Iris charme mon âme ;
Et qui pour elle aura
Le moindre brin de flamme,
Il s'en repentira.
Lycas
Je me moque de cela,
Je me moque de cela.
Filène
Je t'étranglerai, mangerai,
Si tu nommes jamais ma belle.
Ce que je dis, je le ferai,
Je t'étranglerai, mangerai :
Il suffit que j'en ai juré.
Quand les dieux prendroient ta querelle
Je t'étranglerai, mangerai,
Si tu nommes jamais ma belle.
Lycas
Bagatelle, bagatelle.
Scènes 4 à 7
La quatrième scène est entre Lycas et Iris, jeune bergère dont Lycas est amoureux.
La cinquième scène est entre Lycas et un pâtre, qui apporte un cartel à Lycas de la part de Filène, son rival.
La sixième scène est entre Lycas et Coridon.
La septième scène est entre Lycas et Filène.
Filène, venant pour se battre, chante
Arrête, malheureux,
Tourne, tourne visage,
Et voyons qui des deux
Obtiendra l'avantage.
Lycas parle.
Filène, reprend
C'est par trop discourir ;
Allons, il faut mourir.
Scènes 8 à 12
La huitième scène est de huit paysans, qui, venant pour séparer Filène et Lycas, prennent querelle et dansent en se battant.
Les huit paysans sont: les sieurs Dolivet, Paysan, Desonets, du Pron, la Pierre, Mercier, Pesan et le Roi.
La neuvième scène est entre Coridon, jeune berger et les huit paysans, qui, par les persuasions de Coridon, se réconcilient, et après s'être réconciliés, dansent.
La dixième scène est entre Filène, Lycas et Coridon.
La onzième scène est entre Iris, bergère, et Coridon, berger.
La douzième scène est entre Iris, bergère, Filène, Lycas et Coridon.
Filène, chante
N'attendez pas qu'ici je me vante moi-même,
Pour le choix que vous balancez :
Vous avez des yeux, je vous aime,
C'est vous en dire assez.
Scène 13
La treizième scène est entre Filène et Lycas, qui, rebutés par la belle Iris, chantent ensemble leur désespoir.
Filène
Hélas ! peut-on sentir de plus vive douleur ?
Nous préférer un servile pasteur !
Ô ciel !
Lycas
Ô sort !
Filène
Quelle rigueur !
Lycas
Quel coup !
Filène
Quoi ? tant de pleurs,
Lycas
Tant de persévérance,
Filène
Tant de langueur,
Lycas
Tant de souffrance,
Filène
Tant de vœux,
Lycas
Tant de soins,
Filène
Tant d'ardeur,
Lycas
Tant d'amour
Filène
Avec tant de mépris sont traités en ce jour !
Ha ! cruelle,
Lycas
Cœur dur,
Filène
Tigresse,
Lycas
Inexorable,
Filène
Inhumaine,
Lycas
Inflexible,
Filène
Ingrate,
Lycas
Impitoyable,
Filène
Tu veux donc nous faire mourir ?
Il te faut contenter.
Lycas
Il te faut obéir.
Filène
Mourons, Lycas.
Lycas
Mourons, Filène.
Filène
Avec ce fer finissons notre peine.
Lycas
Pousse !
Filène
Ferme !
Lycas
Courage !
Filène
Allons, va le premier.
Lycas
Non, je veux marcher le dernier.
Filène
Puisqu'un même malheur aujourd'hui nous assemble,
Allons, partons ensemble.
Scène 14
La quatorzième scène est d'un jeune berger enjoué, qui, venant consoler Filène et Lycas, chante.
Ha ! quelle folie
De quitter la vie
Pour une beauté
Dont on est rebuté !
On peut, pour un objet aimable,
Dont le cœur nous est favorable,
Vouloir perdre la clarté ;
Mais quitter la vie
Pour une beauté
Dont on est rebuté,
Ha ! quelle folie !
Scène 15
La quinzième et dernière scène est d'une Égyptienne, suivie d'une douzaine de gens, qui, ne cherchant que la joie, dansent avec elle aux chansons qu'elle chante agréablement. En voici les paroles :
PREMIER AIR
D'un pauvre cœur
Soulagez le martyre,
D'un pauvre cœur
Soulagez la douleur.
J'ai beau vous dire
Ma vive ardeur,
Je vous vois rire
De ma langueur.
Ah! cruelle, j'expire
Sous tant de rigueur.
D'un pauvre cœur
Soulagez le martyre,
D'un pauvre cœur
Soulagez la douleur.
SECOND AIR
Croyez-moi, hâtons-nous, ma Sylvie :
Usons bien des moments précieux ;
Contentons ici notre envie,
De nos ans le feu nous y convie.
Nous ne saurions, vous et moi, faire mieux.
Quand l'hiver a glacé nos guérets
Le printemps vient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits ;
Mais, hélas ! quand l'âge nous glace,
Nos beaux jours ne reviennent jamais.
Ne cherchons tous les jours qu'à nous plaire,
Soyons-y l'un et l'autre empressés ;
Du plaisir faisons notre affaire,
Des chagrins songeons à nous défaire :
Il vient un temps où l'on en prend assez.
Quand l'hiver a glacé nos guérets,
Le printemps vient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits ;
Mais, hélas ! quand l'âge nous glace,
Nos beaux jours ne reviennent jamais.
L'Égyptienne qui danse et chante est : Noblet l'aîné.
Les douze dansants sont :
Quatre jouant de la guitare, M. de Lully, MM. Beauchamp, Chicaneau et Vagnart ;
Quatre jouant des castagnettes, Les sieurs Favier, Bonard, Saint-André et Arnald ;
Quatre jouant des gnacares, MM. La Marre, Des-Airs second, Du Feu et Pesan.