6 avr 2012

Magyd Cherfi de Zebda relativise l'antisémitisme de Merah derrière la question identitaire des « quartiers »

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le groupe de musique Zebda a connu d'importants succès dans les années 1990/2000, pour avoir notamment réussi à exprimer des sentiments populaires progressistes assez forts (antiracistes, festifs, anticapitalistes, etc.)

Mais les membres de Zebda on toujours été fortement imprégnés d'une idéologie sociale-démocrate particulièrement légitimiste vis-à-vis des institutions bourgeoises. Leur engagement politique s'est d'abord manifesté par la constitution de listes électorales aux municipales de Toulouse, les listes des « motivés », qui n'avaient pas d'autre rôle en fait que celui de rabatteuses pour le Parti Socialiste local (« contre la droite »)

L'autre particularité du mouvement des motivés, c'est d'avoir été à l'origine, avec d'autre, d'une dynamique identitaire autour des « quartiers populaires ». Cela a formé un magma apolitique, voir anti-politique, d'organisations ou associations qui s'est soldé par le triomphe dans ce milieu du mouvement des indigènes de la République, une organisation petite-bourgeoise farouchement anti-communiste et totalement communautariste.

Le principe de la démarche est de subordonner les contradictions de classe, qui sont principales dans la société bourgeoisie, à une vision identitaire de ce que seraient « les quartiers ».

Ainsi sont considérés indifféremment des gens qui vivent dans ces « quartier », peu importe leur réalité sociale : un jeune « geek » en BTS informatique, une caissière de supermarché qui élève seule ses quatre enfants ou un ouvrier qui se lève à cinq heure tous les matins n'ont pas les même intérêts qu'un dealer ayant sombré dans le banditisme ou bien un entrepreneur ultra individualiste, un islamiste propriétaire d'un kebab ou encore un intellectuel petit-bourgeois de « quartier », etc.

Inévitablement, cette vision identitaire a sombré dans une vision de plus en plus raciste de la société – les indigènes de la République étant la forme la plus exacerbée de ce racisme. Ce qui s'est passé, c'est que la question très importante de l'immigration et de l’intégration des familles d'immigrés (enfants, petit-enfants, etc.) a été interprétée selon un point de vue de plus en plus racialiste et de moins en moins social.

Plutôt que de comprendre le racisme comme un produit de l'oppression impérialiste française dans le monde et de lutter pour le droit des minorités nationales de France à vivre leur culture selon un point de vue démocratique nécessaire à l’unité des masses populaires, les identitaires des « quartiers » se sont mis à tout interpréter selon le prisme des cités HLM de banlieue, puis de l'immigration et enfin de plus en plus de... l'Islam.

Lors d'une interview au Parisien mardi, Magyd Cherfi du groupe Zebda répondait donc ainsi :

« Mohamed Merah était originaire du même quartier que vous. Comment avez-vous vécu les événements de Toulouse?

Ils nous ont déchirés. Dans mon entourage, certains avaient de la compassion pour cet homme sans aucune chance de s’en sortir. D’autres avaient la haine parce qu’il cassait notre projet d’avancer dans la société française. Il a créé de la confusion entre une origine et une religion. »

Cela est très fort, ce point de vue est plein de sens car il exprime beaucoup de choses : aujourd'hui en France, une personne progressiste comme Magyd Cherfi vit dans une crispation tellement forte vis-à-vis de l'Islam qu'il n'arrive même pas à voir que Mohamed Merah était avant tous un islamiste antisémite , un activiste nazi, avant d’être une personne issue de l'immigration arabe.

Cela est terrible, car en disant cela, il relativise la porter des événements et il ne trace pas une ligne de démarcation nette entre celle et ceux qui le condamnent, au nom de la civilisation, de l'humanisme et du progrès de ceux qui le soutiennent. Son point de vue n'est même plus sociale-démocrate.

Cela n'a pas de sens que de parler ici de « projet d'avancer dans la société française » qui serait « cassé » par les actes de Merah – à moins de considérer d'abord Merah comme l'un des siens avant de le condamner comme ennemis mortel du Peuple.

Se sont d'abord les personnes juives qui sont attaqué par les actes génocidaire de Mohamed Merah, pas la religion musulmane. Ne pas voir cela est absolument terrifiant, et cela marque en fait l'importance de la pénétration de l'antisémitisme en France.

La preuve est que cet antisémitisme est totalement relativisé, voir carrément nié. Il n'est même plus dénoncé dans ce cas précis comme le fruit d'une manipulation impérialiste de division des masses arabes et juives directement issue des politiques coloniales du XXème siecle.

Cela apparaît clairement quand Magyd Cherfi du groupe Zebda déclare ensuite :

« Et vous?

Pour moi, il fait partie des mômes de 20 ans dont je parlais juste avant. C’est un Français dans un itinéraire de destruction intégrale, de la cellule familiale à l’école, au boulot, doublé d’un truc de psychopathe. Mais Mohamed Merah est une exception. Une grande partie des jeunes de l’immigration est paumée, Comment peut-on juger qu’il y a des dizaines d’assassins en puissance dans les quartiers? Ce n’est pas vrai. »

S'il n'existe pas encore des dizaines de personnes forcément prêtes à passer à l'acte, il existe en France des centaines (au moins) de personnes qui ont ouvertement soutenue les actes de Merah selon un point de vue « anti-juifs ».

Passage à l'acte ou pas, cela relève dans les deux cas de la barbarie fasciste. Dans cette situation, il est donc criminel aujourd'hui en France de dire que « ce passage à l’acte avec une telle cruauté n’est révélateur de rien. »

Magyd Cherfi refuse de voir l'antisémitisme et pense, de fait, que l'aspect principal de cette affaire serait une pseudo contradiction français/musulman.

Car, dans ce contexte, et dans la suite logique de la pensée des « motivés », Magyd Cherfi ramène « les quartier » à l'immigration, et en fait à l'islam. Et il entretient cette confusion banlieue/islam finalement de manière simplement inversée par rapport aux fascistes à la Marine Le Pen. Ce qui compte dans les deux cas, c'est de nier la lutte de classe, de noyer l'oppression et l'exploitation imposée par la bourgeoisie derrière une vision du monde religieuse et nationaliste.

Mais justement nationaliste, le point de vue Magyd Cherfi l'est particulièrement en fait.

Cette vision est le produit d'une foi naïve dans la république bourgeoise de France.

Dans le même interview il répond :

« Qu’est-ce qui vous choque le plus aujourd’hui?

De voir les nouvelles générations, qui ont 20 ans aujourd’hui, se revendiquer de l’islam d’un pays d’origine. Ce sont des mômes qui disent : « Je suis sénégalais, algérien, malien », plutôt que français. Jamais je n’aurais imaginé ça. J’aurais aimé que ce pays fasse en sorte qu’ils soient fiers d’être français. Au contraire, on leur a dit : « Tu es français, je te donne une carte d’identité, mais tu n’es pas ici chez toi. » Il y a une perte de confiance en l’Etat, la francité. Cette notion aujourd’hui, c’est finalement soyez blanc, avec des prénoms chrétiens et, chantez « la Marseillaise ». »

Ce qui le gène en fait, c'est que l'intégration dans la république bourgeoise française n'ai pas fonctionné, alors il tente d'expliquer cela par des questions nationales, voire raciales (« soyez blanc »).

Mais cette intégration dans la République bourgeoise n'a pas fonctionné car elle relève du fantasme, elle n'est pas possible : pas plus pour Mohamed Merah que pour une jeune femme prolétaire ayant vécue toute sa vie en Picardie et qui est française depuis de nombreuses générations.

Le point de vue légitimiste vis-à-vis de l’État bourgeois entretenue par les personnes de Zebda est en fait le pendant précis de l'anticapitalisme romantique des pèlerins du néant comme Mohamed Merah.

Si les premiers ont fantasmé sur une République qui devait intégrer les « quartier », les autres combattent – de manière tout aussi délirante – une République qu'ils conçoivent comme ennemis de leur identité islamiste. Mais ces deux point de vue fonctionnent ensemble, comme les deux face d'une même pièce rouillé qui vise à subordonner la lutte des classe et affaiblir l'unité des masses populaires au profit de la bourgeoisie.

Après les massacres nazi de Toulouse, l'antisémitisme doit être plus que jamais et dénoncé : l'antisémitisme n'est pas un « simple racisme comme les autres », il est une théorie politique anticapitaliste romantique à visée génocidaire, c'est un poison bourgeois qui sape l'unité des masses populaires et veux faire plonger l'humanité dans la barbarie. C'est un poison qui condamne l'ensemble des masses.

Ne pas comprendre cela aujourd'hui en France, c'est capituler face à la barbarie, c'est se coucher face aux divisions bourgeoises.

Ce dont ont besoin les masses populaires, ce qui doit prévaloir aujourd'hui c'est une dynamique antifasciste forte, un esprit universaliste, unitaire et progressiste tel qu'il était affirmé par Zebda dans la chanson Le pont du carrousel. Cette chanson était un hommage à Brahim Bouarram, assassiné le 1er mai 1995 par des skinhead nazis.

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