Nelson Mandela : un révolutionnaire démocratique devenu dirigeant fasciste
Submitted by Anonyme (non vérifié)« L'Afrique du Sud veille un héros national, le monde entier se recueille autour d'une icône » - voilà ce que disait ce matin le journal La Vie (membre du groupe Le Monde) dans un article intitulé « Le monde en prière autour de Nelson Mandela. » On comprend facilement la mise en scène qui se joue autour de Mandela, mise en scène abusant d'un home très âgé et malade.
Nelson Mandela, qui a 94 ans, est utilisé plutôt que de voir ses souffrances abrégées. La raison de cette opération politique tient à sa nature politique.
Il a en effet été une figure marquante portant deux aspects contraires. Car le matérialisme dialectique nous apprend que chaque chose peut se transformer en son contraire. Nelson Mandela est l'exemple très frappant de cela.
Au départ grand dirigeant progressiste contre le pouvoir raciste colonial d'Afrique du Sud, il a fini comme étant un grand dirigeant fasciste permettant de réimpulser la domination impérialiste en Afrique du Sud et même de relancer le capitalisme bureaucratique sud-africain comme puissance expansionniste.
Pour comprendre cela, revenons sur son histoire. L'Afrique du Sud a été colonisée à partir du 17e siècle par les Pays-Bas, première nation capitaliste, qui en font une colonie de peuplement sur le mode des colonies anglaises et françaises d'Amérique, mais dans une perspective numériquement beaucoup moins importante.
Ainsi, les colons sont principalement des paysans protestants d'origine hollandaise ou française (une minorité des huguenots fuyant la France suite aux guerres de religion partent coloniser l'Afrique du Sud), qui se dénomment « Boers » et parlent une langue dérivée du néerlandais, l'afrikaner.
La colonie est cédée au Royaume Uni à partir de 1806, entamant un cycle incessant de lutte entre l'administration anglaise et les « Boers » allant jusqu'à la création de républiques indépendantes par les Boers, ainsi qu'un grand nombre de guerres d'asservissement des peuples indigènes (Zoulous, Xhosas, etc.) que ce soit par les Britanniques ou par les Boers.
Par la suite, l'Afrique du Sud ayant un sous-sol très riche, connaît un grand développement industriel et donc le développement d'une classe ouvrière de plus en plus puissante.
L'administration coloniale britannique organise alors pour régner une séparation raciale avec d'un côté les « Blancs » (dans lesquels sont rangés les colons britanniques et les Boers) et de l'autre les « Noirs » (c'est-à-dire tous les peuples indigènes) et entre les deux les « Indiens » (principalement des ouvriers issus de l'Inde colonisée par le Royaume-Uni) et les « Coloured » c'est-à-dire les personnes métissées à quelques degrés que ce soit.
L'Union d'Afrique du Sud est fondée définitivement en 1910, et c'est dans ce cadre d'oppression coloniale conflictuel de la part du Royaume-Uni et des colons Boers que naît Rolihlahla Mandela / Madiba (son nom tribal) en 1918. Il est issu de la petite noblesse féodale Xhosa de la campagne.
Il est envoyé à l'école où il reçoit le prénom de Nelson, recevant une éducation et une culture reposant sur la culture traditionnelle xhosa d'une part et le protestantisme méthodiste d'autre part.
Il fait partie de la toute petite élite intellectuelle noire d'Afrique du Sud, et se politise à l'université contre le colonialisme et pour les droits des africains, des indiens et des coloured.
Il rejette alors le marxisme représenté par le Parti Communiste d'Afrique du Sud, fondé au départ dans la classe ouvrière boer et ayant mené une grande campagne d'africanisation sous l'impulsion du Komintern. Le PCAS organisait la lutte révolutionnaire prolétarienne et de libération nationale.
Mandela est en fait séduit par la stratégie anticolonialiste « non violente » de Gandhi qui avait fondé le Natal Indian Congress en 1894 afin de lutter contre les discriminations des populations indiennes en Afrique du Sud.
Il rejoint donc logiquement l'African National Congress en 1944, fondé au départ par les représentants des Eglises et la petite-bourgeoisie africaine, puis devenu un parti social-démocrate du fait de l'influence de plus en plus importante du Parti Communiste. Il y fonde la ligue de la jeunesse de l'ANC, dont il devient l'un des dirigeants.
Nelson Mandela était donc un intellectuel bourgeois démocrate et progressiste d'Afrique du Sud. Sa conscience politique n'était pas que nationale, mais aussi sociale. Ainsi il refusait (ainsi que son frère) les lois et coutumes féodales et s'enfuit plutôt que d'accepter un mariage forcé.
A partir de 1948 fut mise en place la politique d'apartheid qui retira progressivement leurs droits politiques aux populations non-blanches d'Afrique du Sud – jusque là, les Blancs étaient les seuls à avoir le suffrage universel, les autres catégories ayant un droit de vote censitaire afin de limiter leur participation et de maintenir au pouvoir la très petite minorité coloniale blanche.
Cette politique s'intensifia en mettant en place une ségrégation raciale de plus en plus poussée, en même temps que les colons blancs – principalement afrikaners – s'autonomisaient de la tutelle coloniale britannique. C'est un mouvement qui finira par la fondation de la « République d'Afrique du Sud » en 1961.
Les luttes contre la politique d'apartheid s'intensifièrent quant à elle durant toutes les années 1950. Le Parti Communiste fut interdit à partir de 1950 et ses membres militèrent de plus en plus avec la ligue de la jeunesse de l'ANC bien que celle-ci prônait encore la non-violence.
A la suite du massacre de Shapeville en 1960, réprimant les manifestations contre le port du « pass » par les africains pour pouvoir sortir des ghettos, l'ANC et tous les partis démocratiques africains furent interdits.
A la suite de cette interdiction, l'ANC accepta les thèses du PCAS et se lança dans la lutte armée. Fut donc fondée en collaboration avec le PCAS l'organisation armée Umkhonto we Sizwe (Fer de lance de la nation) dirigée par Nelson Mandela pour l'ANC et Joe Slovo pour le Parti Communiste.
L'organisation sera de fait placée dans l'orbite du social-impérialisme soviétique qui l'arme et la finance ; elle mena plusieurs actions armées visant à bloquer l'économie sud-africaine.
Nelson Mandela fut arrêté en 1962 grâce à des informations fournies par la CIA et fut condamné à perpétuité aux camp de travaux forcés, échappant à la peine de mort grâce à la pression internationale organisée par les forces démocratiques mondiales et les organisations liées au révisionnisme soviétique.
Le syndicat international des dockers avait, par exemple, menacé de ne plus débarquer les marchandises venant d'Afrique du Sud – ce qui aurait eu un impact énorme sur l'économie sud-africaine, dépendant essentiellement de l'exportation de matières premières et de produits manufacturés vers les métropoles impérialistes.
A partir de 1964, la direction de l'ANC fut décapitée, ses membres étant ou en prison ou en exil ou ayant été assassinés. Le pouvoir raciste colonial d'Afrique du Sud accentua alors la politique de ségrégation raciale, procédant à l'expulsion massive des paysans noirs de leur terres, afin de les redistribuer aux grands exploitants agricoles afrikaners, et les déportant dans les townships.
En 1976, le mouvement de masse démocratique contre le pouvoir raciste colonial fut relancé à la suite de la répression sanglante des émeutes du township de Soweto. Suite à ces émeutes, l'ONU imposera un embargo sur les ventes d'armes en direction de l'Afrique du Sud.
Nelson Mandela fut alors mis en avant comme figure démocratique principale et la lutte pour sa libération devint un point de fixation symbolique international dans la lutte contre l'appartheid. Le social-impérialisme russe et toutes les forces révisionnistes lancèrent alors une grande campagne de boycott mondial de l'Afrique du Sud et de manifestations pour la libération de Nelson Mandela.
En France, il fut mis en avant de manière massive durant les années 1980 par les Jeunesses Communistes comme figure démocratique « sans contenu. » Cela devient d'ailleurs leur principale « cause », avec l'abolition de la peine de mort aux USA.
Toutes les mairies communistes de France organisèrent des manifestations pour la libération de Nelson Mandela, les Jeunesses Communistes menant une campagne gigantesque de boycott de tous les produits venant d'Afrique du Sud. C'est ce genre de campagne ultra-démocratique qu'essaient aujourd'hui de lancer les trotskystes du NPA et les confettis révisionnistes avec la campagne « Boycott Désinvestissement Sanctions » contre Israel.
En Afrique du Sud, la lutte de masse s'intensifia avec des campagnes de manifestations régulières dans les townships, des grèves ouvrières et la reprise de la lutte armée par l'ANC sur le territoire sud-africain (une action emblématique fût l'attaque contre la centrale nucléaire de Koeber en 1982).
La fusion entre le SACP révisionniste et l'ANC fut de plus en plus marquée, malgré la ligne social-démocrate claire et officielle de l'ANC, au point qu'en 1985 la moitié de la direction de l'ANC était aussi membre du Parti « communiste ».
En prison, Nelson Mandela était petit à petit revenu sur une position conciliatrice, abandonnant la perspective anticolonialiste. Or, en 1990, la situation économique de l'Afrique du Sud s'était fortement dégradée à cause du boycott international qui s'était généralisé.
Le nouveau président d'Afrique du Sud, Frederik de Klerk fit donc libérer Nelson Mandela qui avait donc passé 27 années en prison. Une période de négociation qui dura jusque 1994 s'engagea pour une « sortie pacifique » de l'apartheid. Mandela devint président de l'ANC en 1991 puis président de la République en 1994 à la suite des premières élections multiraciales.
Le rôle de Nelson Mandela consista à partir de ce moment-là à réimpulser le pouvoir des monopoles mis à mal par le boycott.
Pour mobiliser les masses, Nelson Mandela utilisera le nationalisme avec la mise en avant de la « Rainbow Nation », concept racialiste de la nation Sud Africaine vue comme une juxtaposition de couleurs qui auraient chacune leur rôle dans le corps national.
Les deux exemples les plus typiques de cela sont la mise en avant de l'équipe nationale de Rugby lors de la coupe du Monde de 1995 - et ce alors même que l'équipe de rugby d'Afrique du Sud fut le symbole durant l'apartheid de la domination raciste des Afrikaners – et sa visite dans le village afrikaner ultra conservateur d'Orania où les Noirs n'étaient pas admis, pour visiter la veuve du créateur des lois les plus injustes de l'apartheid.
Pour réimpulser le fascisme sud-africain et la mainmise des monopoles impérialistes, Nelson Mandela s'assura de l'émergence d'une bourgeoise non-européenne.
Renonçant donc aux nationalisations, et laissant les entreprises dans les mains de la minorité blanche, il mit en place le Black Employment Empowerment (BEE) qui consista à imposer aux entreprises des quotas de personnes noires dans leur postes de direction et parmi leurs actionnaires. En échange, les entreprises eurent plus de chance de gagner les contrats d'Etat.
Il s'agissait en fait de la légalisation pure et simple de la corruption et de la création d'une bourgeoisie compradore noire, puisque les personnes engagées ou actionnaires le furent souvent à titre purement symbolique, sans vrai pouvoir de décision, ceci afin d'atteindre les quotas. On eut donc l'émergence d'une toute petite bourgeoisie noire parasitaire collaborant pleinement avec les monopoles.
La campagne de procès contre les anciens tortionnaires racistes fut logiquement une vaste fumisterie. On eut ainsi la création de la « commission vérité et réconciliation » - dirigée par l'évêque catholique Desmond Tutu, promoteur du terme rainbow nation - qui amnistiera purement et simplement les criminels racistes de l'apartheid en échange de leur confession et en gardera même un certain nombre à la tête de l'Etat.
A côté de cela furent lancées avec l'appui de la centrale syndicale COSATU, membre de l'« Alliance Tripartite » avec l'ANC et le SACP, de grandes réformes sociales de type corporatistes avec des redistributions partielles de terres (lrd grands propriétaires restant toujours des colons) ou la constructions de logement.
Nelson Mandela était ainsi devenu un dirigeant fasciste au service de l'impérialisme, alors que l'Afrique du Sud voyait son économie relancée, sans que les masses populaires ne voient fondamentalement leur réalité sociale modifiée.
Il a permis de réimpulser le pouvoir capitaliste colonial en Afrique du Sud et l'a relancé sur la voie de l'expansionnisme (elle qui avait été privée de sa colonie de Namibie en 1968 par le vote de l'ONU), politique qui sera clairement continuée par Thabo Mbeki qui lui succéda à la présidence à partir de 1999 – ce dernier représentant déjà l'aile droite de l'ANC.
Un des symboles de cela fut la transformation de l'Organisation de l'Unité Africaine en Union Africaine en 2002 sous l'impulsion de Thabo Mbeki qui était déjà président de l'OUA avant d'être le premier président de l'UA. La prétention à la révolution nationale - déjà une erreur en lieu et place de la révolution démocratique - avait cédé la place à la soumission, typiquement révisionniste, à l'impérialisme.
Lorsque Mandela sera mort, l'idéologie de l'Afrique du Sud semi-bureaucratique vacillera ainsi forcément - d'où la nécessité de le garder vivant, à tout prix !