15 aoû 2013

La nature de la sanglante crise égyptienne

Submitted by Anonyme (non vérifié)

La situation en Égypte est dramatique, mais ne représente nullement une surprise pour qui a étudié, ne serait-ce qu'un peu, le matérialisme historique. En effet, qui dit révolution dit destruction de l'Etat et formation d'un autre Etat, d'un type différent ; l’État bourgeois n'est pas l’État féodal, l’État socialiste n'est pas l’État bourgeois.

Or, en Egypte, il n'y a donc eu pas de « révolution » ; la police et l'armée n'ont pas changé. Le renversement de Hosni Moubarak n'a pas été celui de l'appareil d’État, resté intact. L'élection de l'islamiste Mohamed Morsi en juin 2012 n'a rien changé à la nature de l’État, qui reste typique d'un pays semi-colonial semi-capitaliste bureaucratique.

C'est cette découverte de la nature de l'Etat que viennent de faire les Frères Musulmans, au prix de l'assaut par les forces étatiques de forces de sécurité contre leurs deux « sit-in », au prix sans doute de milliers de morts.

Mais c'est une « découverte » hypocrite, car la stratégie de la tension des Frères Musulmans, avec les sit-ins, s'inscrit dans les contradictions du Moyen et Proche-Orient. Il n'est en effet nullement un secret que les Frères Musulmans sont soutenus par le Qatar, au grand dam de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. En Syrie et au Mali, les islamistes djihadistes sont pareillement soutenus par le Qatar.

Or, en Égypte, le président Mohamed Morsi a été destitué par l'armée en juillet 2013 justement au service de forces qui, dans la foulée, ont annoncé une aide de 12 milliards de dollars : l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Koweït, c'est-à-dire des pays directement liés à l'impérialisme US.

Par ailleurs, le chef d'état-major égyptien, le général Abdelfatah al-Sisi, a occupé un poste d'attaché militaire à Ryad, en Arabie Saoudite, de par le passé... Et il y a peu la chaîne qatarie Al-Jazeera voyait ses signaux coupés en Égypte : l'armée l'a simplement interdite !

Dans la foulée, l'Arabie Saoudite a également tissé des liens plus qu'étroits avec les salafistes égyptiens, organisés dans al-Nour, qui a eu 29 % des suffrages recueillis aux législatives de décembre 2011-janvier 2012. Naturellement, al-Nour a soutenu la destitution du président Morsi, à l'opposé de tous les autres islamistes... Et entend bien « remplacer » les Frères Musulmans.

L'échec des Frères Musulmans en Egypte est donc un rude coup pour le Qatar, qui avait soutenu le régime à coups de milliards de dollars, et intervient alors qu'en Syrie le régime, soutenu par la Russie, a réussi à stabiliser la situation et à réaliser une vaste offensive.

Et c'est aussi un rude coup pour le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, de l’AKP (Parti de la justice et du développement).

Il faut également noter qu'en juin 2013, le vieil émir du Qatar a laissé la place à son fils Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, 33 ans (celui-là même qui possède le Paris Saint-Germain) : c'est une phase de transition pour le Qatar, c'est un tournant.

Et cela était inévitable. La situation correspond au fait que la Turquie et le Qatar, deux pays semi-capitaliste bureaucratique semi-coloniaux expansionnistes, voient leur stratégie d'avancée littéralement bloquée.

La conséquence, c'est l'approfondissement de la crise du régime semi-colonial semi-capitaliste bureaucratique, avec d'un côté le renforcement du camp de la guerre populaire comme seule stratégie valable, de l'autre le renforcement de la tendance à la guerre impérialiste, par la soumission renforcée aux puissances impérialistes et leurs contradictions.

Le régime en Syrie n'a dû son maintien que par davantage de soumission à l'impérialisme russe ; pareillement l'Arabie Saoudite « achète » la stabilité égyptienne que par davantage de participation dans le jeu de l'impérialisme US.

Quant à la France, elle a joué sur trop de tableaux différents, et on peut être certain que va sortir renforcer le camp de Marine Le Pen, celui de la bourgeoisie impérialiste, qui rejetait le Qatar au profit d'un axe Paris – Berlin – Moscou, voire d'une marche en cavalier seul, de manière liée à la Russie.

Et c'est précisément cette ligne néo-gaulliste inévitable qui va faire de l'impérialisme français un géant aux pieds d'argile, prêt à s'effondrer devant la guerre populaire qui devra être générée !

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