15 mar 2014

«La Liberté guidant le peuple» : graffiti fasciste, peine inexistante et arrière-plan réactionnaire

Submitted by Anonyme (non vérifié)

« La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix est un tableau très important de l'histoire de notre peuple. Le fait que la justice bourgeoise soit pratiquement incapable de la défendre face à une agression est significatif – mais de fait, le ver était dans le fruit en raison de la nature très particulière de cette œuvre.

En effet, en février 2013, une activiste conspirationniste a utilisé un marqueur indélébile pour inscrire « AE911 » sur la peinture, alors exposé à l'occasion de l'ouverture du musée Louvre-Lens.

Une démarche relevant de l'activisme conspirationniste

Elle-même vient du Nord-Pas-de-Calais, de Hersin-Coupigny. « AE911 » signifie « Architects and Engineers for 9/11 Truth » (Architectes et ingénieurs pour la vérité sur le 11 septembre) ; il s'agit d'une démarche remettant en cause la version officielle concernant les attaques du 11 septembre aux Etats-Unis.

Sans préjuger naturellement du nécessaire regard critique sur les rapports entre l'impérialisme américain et les forces historiquement liées à Oussama Ben Laden, il va de soi que l'expression délirante d'un tel activisme relève du conspirationnisme, du populisme plébéien, du fascisme.

La personne a d'ailleurs expliqué son acte en mélangeant le soutien aux manifestations en Grèce, un appel à la France à revenir au gaullisme, l'occupation de Wall Street par des alter-mondialistes, critique du « système » comme « tyrannie », etc. Son objectif affiché était pas moins que d' « élever le niveau de conscience du peuple ».

L'Etat bourgeois n'a pas su quoi faire d'elle ; devant son discours en apparence incohérent, en réalité fasciste, elle avait été hospitalisée sous contrainte durant près de deux mois. Mais les faits sont là : c'est une activiste politique, et il a bien fallu le reconnaître...

Un blanc-seing pour les fascistes

La peine annoncée hier reconnaît le caractère politique de cette personne, et la libère pratiquement de toute charge. Sur le papier, elle risquait sept ans de prison et 100.000 euros d'amende.

Or, elle a été ainsi condamnée :

- à payer les réparations, avec une amende de 1 255,80 euros « pour le préjudice matériel » ;

- à payer les frais provoqués par la fermeture de l'exposition : 5 000 euros pour « le préjudice moral » ;

- enfin, pour la forme, à huit mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve durant deux ans avec une obligation de soins et l’interdiction de fréquenter les musées.

Cela signifie que l'Etat a reculé, qu'il a, en pratique, nié cet acte, ne reconnaissant qu'une dégradation, alors qu'il s'agit d'une initiative fasciste.

Il est incapable de défendre le patrimoine démocratique, il cède devant les avancées des fascistes. Il s'efface devant l'offensive de la réaction, et pour cause, cela correspond à sa nature de classe. De la même manière que Versailles est livré aux mains de l'art contemporain, que Venise tombe aux mains des entreprises, les peintures elle-mêmes ne sont plus protégées.

Le caractère particulier de « La Liberté guidant le peuple »

Il est intéressant de connaître le caractère particulier de « La Liberté guidant le peuple ». Eugène Delacroix est en effet un romantique ; il ne porte pas du tout le réalisme, le portrait bourgeois.

Eugène Delacroix est même un activiste artistique au service de la restauration, exactement comme Victor Hugo. Et comme ce dernier, il accompagne l'évolution de celle-ci, la monarchie cédant toujours plus le pas à la bourgeoisie.

Les œuvres d'Eugène Delacroix ne sont donc portés à l'époque que par l’État, qui lui achète des œuvres. C'est le cas de « La Liberté guidant le peuple », qui n'est pas du tout une œuvre « républicaine ». On y voit en effet une représentation romantique de la révolution de 1830, qui met à bas la monarchie issue de la Restauration, pour instaurer une monarchie parlementaire, la grande bourgeoisie s'appropriant une part significative du pouvoir.

Le tableau est ainsi acheté par... le nouveau roi : Louis-Philippe. Eugène Delacroix d'ailleurs avait peint ce tableau afin de se faire favoriser du nouveau pouvoir et d'obtenir des commandes publiques...

Il est ensuite exposé au musée Royal pour quelques mois, puis ici et là de temps en temps, étant le plus souvent en réalité chez le peintre ou dans les réserves ! Il n'est exposé au Louvre, de manière permanente, qu'à partir de novembre 1874...

« La Liberté guidant le peuple » : un symbole erroné

Le fameux tableau d'Eugène Delacroix n'a ni un caractère authentiquement bourgeois, ni un caractère réellement populaire. C'est un tableau romantique, d'esprit irrationnel, célébrant un mouvement sans en préciser la nature politique, qui alors était de fait au service de la monarchie parlementaire, de forces bourgeoises particulières utilisant une partie de l'aristocratie.

Il est significatif qu'une activiste conspirationniste, sans rien connaître de l'histoire réelle de notre pays, utilise un « symbole » construit par la bourgeoisie. On est là dans le symbole et dans le cosmopolitisme, on est en-dehors de la réalité, de la construction d'un mouvement populaire se fondant sur le peuple lui-même.

C'est, de fait, une question de classe. La perspective petite-bourgeoise, inévitablement, va se coller à la vision bourgeoise du monde, même si elle prétend être « révolutionnaire ». Les Dieudonné, les Soral, etc. ne connaissent pas la réalité de notre pays, ils le voient avec des yeux bourgeois, tout en s'imaginant « révolutionnaire » en raison de leur fondement de classe.

C'est, bien entendu, la même chose avec les anarchistes et les trotskystes, qui transportent de manière ininterrompue des valeurs, des attitudes, des comportements, des positions qui sont typiques de la petite-bourgeoise. D'où, bien sûr, l'éclectisme, allant du « national-bolchevisme » à l'anarcho-maoïsme en passant par le plus sobre « anticapitalisme ».

Etudier les faits sur la base du matérialisme historique permet, inversement, de réellement comprendre l'histoire de notre pays et donc le peuple, et d'ainsi trouver les clefs pour l'objectif révolutionnaire. C'est un processus long et douloureux, c'est un processus qui passe par l'existence d'un Parti Communiste maîtrisant le matérialisme dialectique ; c'est l'exigence de notre époque.