La Corée du Nord ethnocentrique à l'heure du tournant, sur le modèle albanais
Submitted by Anonyme (non vérifié)En Corée du Nord a eu lieu il y a quelques jours une conférence extraordinaire où Kim Jong Il, fils de Kim Il Sung, a été confirmé à la direction du « Parti du Travail de Corée. »
Son fils Kim Jong-un est désormais son « sucesseur » officieux, ayant été nommé général quatre étoiles et vice-président de la commission militaire.
Rappelons que son grand-père, qui a dirigé le régime à sa naissance, a comme titre honorifique celui de « président éternel » et que toute personne doit porter un badge à son effigie.
Une question se pose ici souvent : pourquoi un tel régime tient ? Mais également : pourquoi un tel régime fascine-t-il certains en France ?
La raison est en fait simple : le formalisme, le « marxisme » anti-dialectique... et le nationalisme de type « intégral. »
La Corée du Nord, tout comme l'Albanie justement, met en avant une idéologie « socialiste » fonctionnant en boucle et selon le modèle de la « citadelle assiégée. » Intellectuellement, quand on veut un système fermé et anti-intellectuel, on peut être fasciné.
Car en Corée du Nord, comme en Albanie par le passé, l'idéologie tient ainsi à peu de lignes : le peuple ethniquement pur depuis des siècles et des siècles est héroïque, le monde entier est contre lui, il doit se mobiliser de manière ininterrompue et pour cela célébrer son dirigeant.
La Corée du Nord met en avant une tradition raciale remontant à plus de deux mille ans avant JC, avec l'empereur mythique Dangun. Les habitants de la Corée d'aujourd'hui seraient ethniquement « purs » depuis 4.000 ans...
L'Albanie d'Enver Hoxha a elle aussi toujours mis en avant une continuité « nationale » remontant aux Illyriens et aux Pélasges. Voici par exemple ce que dit Hoxha en 1980, à un représentant du courant pro-albanais du Brésil.
Il y met en avant une continuité ethnique entre Illyriens et Albanais (ce qui voudrait dire... 3.000 années de continuité ethnique!) et la généralisation... de musées ethnographiques!
« Après la libération du pays, les fouilles archéologiques ont été développées dans le dessein de découvrir des objets non seulement de la culture antique romaine et hellénique mais aussi et surtout de la culture des Illyriens, dont nous sommes les descendants (...).
A part les musées archéologiques nous possédons aussi des musées ethnographiques qui ont été construits surtout dans les grandes villes. Aujourd'hui chaque ville s'efforce de se créer un musée ethnographique.
Chez nous, en Albanie, dans les villes et les villages, ont été mis sur pied aussi des musées historiques.
Tout notre pays s'est battu à travers les siècles pour défendre sa liberté nationale, et c'est pour cela que même le plus petit village a sa propre histoire. Le Parti a émis la directive d'écrire l'historique de chaque village depuis les temps les plus anciens quand des données existent pour le faire.
Certains de ces historiques ont déjà été écrits et s'enrichissent de documents et de matériaux qui vont jusqu'aux pincettes, aux verres et aux cuillères en bois. Des données ont également été recueillies sur les figures historiques des villages, leurs biographies ont été déjà écrites et s'enrichissent maintenant de documents ou objets complémentaires, comme, par exemple, vêtements, photos, etc. »
En d'autres mots : le contenu idéologique, politique et culturel des documents nord-coréens ou albanais est extrêmement faible, totalement répétitif et absolument centré sur la construction économique du pays, ainsi que l'identité nationale.
Les documents de Corée du Nord, ou d'Albanie par le passé, traitent de la construction nationale, des progrès sur le plan économique, de manière purement économiste et toujours sur un ton « national. »
Les positions nord-coréennes, comme albanaises de par le passé, tournent donc toujours autour de la question nationale.
La Corée du Nord a ainsi comme idéologie officielle le « Juche », dont les trois principes sont l'indépendance politique, l'auto-suffisance économique et l'autodéfense nationale sur le plan militaire.
On retrouvait les mêmes centres d'intérêts dans les documents albanais, à la différence toutefois que Hoxha se revendiquait encore du « marxisme-léninisme. »
Ce qui n'est pas le cas de la Corée du Nord: depuis 1972, l'idéologie officielle est seulement le « Juche. » Le calendrier lui-même a changé, l'année 0 commençant le 15 avril 1912, date de la naissance de Kim Il Sung.
Toutefois, le « marxisme-léninisme » albanais était centré sur la question nationale. D'ailleurs le drapeau albanais n'a jamais changé, à part la petite étoile au-dessus de l'aigle à deux têtes au moment de la période « socialiste » (un motif en fait très proche de la version originelle du 15ème siècle).
Et voici ce que donnait par exemple Hoxha comme conseil à son visiteur brésilien, en 1980:
« On peut considérer aussi comme un moment; national la période d'oppression de notre peuple par le roi Ahmet Zogu, tout comme nous le faisons pour l'occupation de l'Albanie par l'Italie fasciste.
C'est justement à ce moment que le Parti sut mettre à profit les sentiments patriotiques révolutionnaires de la jeunesse.
Nous estimons que ce moment national existe dans chaque pays capitaliste. Dans les divers pays capitalistes existe l'exploitation exercée par la bourgeoisie nationale, existe aussi l'exploitation impérialiste qui est le fait des sociétés multinationales, etc.
Tout cela crée le moment national qui doit être mis à profit sous tous ses aspects. »
Il faut bien noter que Hoxha ne parle pas des pays capitalistes de type impérialistes (comme les USA, la France, etc.) car pour Hoxha tous les pays du monde étaient capitalistes. Il rejette la révolution agraire comme étant principale pour certains pays.
Malgré cela, il ne considère pas la lutte socialiste comme principale, mais la question nationale. Dans son « rapport au 7ème congrès » du Parti du Travail d'Albanie en 1976, il mentionne d'ailleurs très clairement l'existence d' « États et des gouvernements véritablement anti-impérialistes et progressistes. »
Car ici le mouvement historique est le mouvement « national. » En France, la pensée bourgeoise donne naissance à des gens fascinés par cela.
Si d'habitude ils sont à l'extrême-droite et plus couramment dans le courant « national - révolutionnaire », il y a des variantes à l'extrême-gauche, variantes bien entendu très chauvines, ou au mieux absolument pas critiques de la « culture » française : les « pro-albanais » ne critiquent ainsi absolument jamais la « culture » française, tout en étant fascinés par les 750.000 mini bunkers (sur 3 millions d'habitants) de l'époque « socialiste » de l'Albanie.
Et dans toutes ces variantes, un pays particulier est mis en avant comme modèle « national » : Cuba, la Corée du Nord, l'Albanie, ou encore le Vénézuela, la Bolivie, etc.
Ainsi, dans le cas nord-coréen comme dans le cas albanais, le passé est mis en valeur comme « modèle. » Dans les deux cas, les peuples sont présentés comme assiégés, victimes d'invasions, devant lutter pour sa survie nationale à travers les siècles, etc.
Mais c'est une constante des « socialismes » nationaux. Dans toutes ces variantes, les qualités morales des « nations » albanaise et coréenne sont mises en avant pour expliquer il y a les agressions des autres pays.
Et dans les deux cas, le « Parti » fait office de « protecteur » du peuple, en quelque sorte de mère bienveillante de mère « nationale. »
Il est facile de voir les changements qui ont lieu dans certains Partis à ce sujet : tant le PC du Pérou que le PC du Népal ont à un moment abandonné leur ligne « agraire » pour basculer dans un discours « national. »
La Corée du Nord a fait ce choix dès sa fondation. En Corée du Nord, les collaborateurs pro-japonais n'ont ainsi pas été menacés, bien au contraire : leurs membres les plus actifs ont rejoints les rangs des dirigeants nord-coréens, afin de « monter » l'idéologie « nationale. »
C'est ce qui explique que la Corée du Nord met en avant la bombe atomique comme arme de défense nationale.
C'est ce qui explique que l'armée a un rôle central, que la « succession » à la tête du pouvoir passe par des grades militaires. C'est la fuite en avant dans l'idéologie du bunker.... avant l'effondrement comme un château de cartes.