Le Colonel Chabert (1844)
On accuse faussement Honoré de Balzac d'accumuler des descriptions au kilomètre, le tout avec une explication ridicule selon laquelle il était payé à la ligne. Il faut lire Le Colonel Chabert, qui fait partie des Scènes de la vie privée de la Comédie humaine, pour voir à quel point on trouve dans les œuvres d'Honoré de Balzac une chaleur humaine ouvertement assumée, une présentation de la misère à la fois critique et plein de compassion pour les personnes en souffrance.
La description de l'emprisonnement est d'une précision à la fois glaciale et chaleureuse pour les malheureux, et Honoré de Balzac dit ouvertement que « toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité ». Et il précise même que « L’antichambre du Greffe offrait alors un de ces spectacles que malheureusement ni les législateurs, ni les philanthropes, ni les peintres, ni les écrivains ne viennent étudier ». Lui, pourtant, l'a fait, et de manière terriblement formidable.
Il y a jusqu'à son parti-pris qui est flagrant, ici pour Hyacinthe Chabert, ancien officiel napoléonien, porteur de valeurs, confronté aux immondes égoïsme et opportunisme de la Restauration, que Balzac est censé apprécier pourtant en raison de son conservatisme politique. On a ici un exemple monumental de comment le réalisme l'emporte, et ce court roman qu'est Le Colonel Chabert a frappé les esprits de par le portrait non seulement d'êtres réels, mais de l'esprit d'une époque.