Quelles sont les réactions syndicales aux meurtres d'enfants juifs ?

Il faut les voir, elles sont révélatrices. La CNT s'en fout et la CGT nie les Juifs, conformément à leur propre tradition. La CFDT s'affirme légaliste et pour l'union nationale, tandis que Force Ouvrière se la joue républicain dur. C'est conforme à leur culture, c'est très parlant.

Ainsi, les anarcho-syndicalistes et syndicalistes-révolutionnaires de la CNT, dans leur tradition économiste anti-politique, ne traitent même pas la question. On a droit à un communiqué le 21 mars sur un suicide d'un cadre de la Poste le 11 mars, mais rien sur le massacre antisémite.

Il faut croire qu'un cadre – donc quelqu'un qui fait carrière, qui a des responsabilités – qui échoue dans son projet individualiste et en arrive à l'autodestruction, touche davantage la CNT que des enfants juifs assassinés.

Toute l'histoire de l'anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire est à cette image, comme en témoigne notamment l'affaire Dreyfus. Les syndicalistes révolutionnaires ont toujours rejeté et la théorie et les causes non économistes. Pas étonnant que leurs rares théoriciens aient souvent basculé dans le fascisme.

La CGT, elle, a pris position. Mais comme Lutte Ouvrière, elle considère apparemment le mot « juif » comme un insulte. C'est là aussi typique.

Il n'est pas difficile que cette position reflète la conception antisémite comme quoi le « monde du travail » ne connaîtrait pas de personnes juives, que celles-ci seraient forcément bourgeoises ou petites-bourgeoises, parasitaires intellectuels refusant le travail manuel, etc.

Le pire étant, bien entendu, que cela provient aussi de la ligne révisionniste du Parti « Communiste » français, où les personnes juives ont fini par nier leur culture pour se fondre dans un nationalisme pro-soviétique et social-démocrate (la grande figure historique est bien sûr l'incontournable Henri Krasucki, mais on doit penser également à Marie-Georges Buffet).

Voici le communiqué de la CGT, qui gomme d'ailleurs la question de la présence impérialiste en Afghanistan, les soldats d'élite devenant de simples « êtres humains. » Le 21 mars avait lieu un meeting contre le racisme au siège de la CGT en banlieue parisienne, et la minute du silence concernait autant les enfants juifs que les soldats.

C'est très révélateur de la posture social-chauvine qui défend l'ordre intérieur.

Tuerie de Toulouse

La Cgt est indignée

lundi 19 mars 2012

Dans un climat de haine et d’exclusion, les actes de violences extrêmes qui se sont déroulés à Montauban puis à Toulouse sont inqualifiables. Nous sommes horrifiés par l’agression envers les êtres humains, l’assassinat d’enfants.

Tout doit être mis en œuvre pour appréhender le ou les auteurs de ces crimes dont le caractère raciste et antisémite se confirme.

La Cgt s’associe à la douleur des familles, leur exprime son entière solidarité et appelle à la vigilance contre l’exclusion et à la réaction contre les actes intolérables qui viennent de se produire en participant aux hommages qui seront organisés sur l’ensemble du territoire national.

La Cgt appelle les salariés à s’opposer à tout acte de racisme et d’exclusion en toutes circonstances.

Cet engagement sera réaffirmé lors du meeting co-organisé avec SOS Racisme le 21 mars 2012 journée internationale contre le racisme.

Montreuil, le 19 mars 2012

La CFDT appelle tout autant à l'union nationale, et appelle à la victoire de la police, mais au moins prend en compte la dimension antisémite.

Quand on lit le communiqué, on a même l'impression que la CFDT est bien plus « progressiste » que la CGT qui évite soigneusement le thème, sans parler de la CNT bien sûr. C'est en raison du ton « la République n'oublie personne de ses enfants » sous-jacent dans le communiqué.

[20/03/2012] Tuerie de Toulouse, un acte inqualifiable !

Déclaration de Jean-Louis Malys, secrétaire national - Tuerie de Toulouse, un acte inqualifiable !

La CFDT exprime sa vive émotion face au drame qui frappe la communauté juive de Toulouse et l’assure de sa solidarité. Ses premières pensées vont aux familles des victimes. Elle s’associe avec tristesse à leur immense peine.

La CFDT s’indigne de la sauvagerie des actes commis, notamment sur des enfants, et souhaite que l’enquête policière débouche rapidement sur l’interpellation du tueur. Le caractère antisémite de ces assassinats laisse peu de doute. La CFDT condamne fermement un tel acte.

En cette période de débat électoral, la CFDT demande à chacun de favoriser l’apaisement et le vivre ensemble.

La CFDT appelle à participer aux différentes marches silencieuses organisées dans cet esprit.

Et finalement, même Force Ouvrière fait progressiste par rapport à la CGT et la CNT, c'est dire quand même. D'ailleurs, on a même une allusion au fascisme, fort honorable donc, même si c'est pour mettre en avant la « république. »

COMMUNIQUÉ DATÉ DU MARDI 20 MARS 2012

> TUERIE DE TOULOUSE: ABJECT ET INTOLÉRABLE

Les crimes commis à Toulouse constituent un acte antisémite, par définition abject et intolérable.

Les assassinats, ces derniers jours, de militaires s’apparentent également à des actes racistes odieux.
Le bureau confédéral de Force Ouvrière adresse ses condoléances aux familles concernées.

Pour le bureau confédéral de Force Ouvrière le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme, qui tendent à resurgir en période de crise, sont contraires aux valeurs républicaines et à leur vocation universaliste.

On a ici une excellente illustration de la vision de ces syndicats. Leurs positions révèlent beaucoup de choses. Et montrent bien que la CGT et la CNT, présentés parfois à l'extrême-gauche comme davantage progressistes, combatifs, etc., sont totalement arriérés culturellement. D'ailleurs, Solidaires (SUD) n'a rien à dire non plus sur la question, faisant comme la CNT.

Corporatiste, économiste : même quand ils ne sont pas chauvins, les syndicats sont des composantes réactionnaires ! C'est pour cela qu'on a besoin d'une avant-garde qui assume la science et la culture.

La civilisation peut-elle se contenter d'esprits économistes, luttant dans un cadre réactionnaire décidé par la bourgeoisie elle-même, dans une société façonnée par la bourgeoisie?

Non, la révolution a besoin de gens organisant la rupture idéologique et culturelle, puis politique et militaire. Cela, le syndicat ne peut pas et surtout ne veut pas le faire.

Comprendre cela, c'est refuser le spontanéisme et le scepticisme, le relativisme et l'économisme, pour faire le travail de fond, celui qui sert la classe, celui qui trace les grandes lignes et établit à l'horizon les perspectives concrètes. Tout le reste est mêlé à la société bourgeoise en perdition.

L'exemple dramatique d'enfants assassinés pour des motifs antisémites montre bien cela. Pour un économiste, c'est un simple fait divers, affreux, mais pas plus qu'un fait divers.

Cela est une double insulte: aux enfants assassinés, et au sens de l'histoire!