25 oct 2011

Marine Le Pen noue discrètement des contacts avec l'extrême-droite italienne

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La semaine dernière, Marine Le Pen s'est rendue en Italie à l'occasion de la sortie de la version italienne de son nouveau livre, "A contre-flots". Cette séance de dédicaces a été le prétexte à diverses rencontres avec des personnalités de l'extrême-droite italienne et de la droite dure "normalisée" (mais en réalité issue en ligne directe de la période fasciste).

La presse bourgeoise française a très peu parlé de ce voyage, alors que la visite éclair de Marine Le Pen sur l'île de Lampedusa en mars dernier avait bénéficié d'une grande couverture médiatique.

A Vérone, Marine Le Pen a été accueillie par Massimo Mariotti, leader régional de la "Droite Sociale", formation proche de Silvio Berlusconi, et dont fait aussi partie Gianni Alemanno, le maire néo-fasciste de Rome. La soirée s'est poursuivie par un diner en compagnie de 40 chefs d'entreprises de la région.

Puis à Milan, elle s'est entretenue avec Daniela Santanchè, sous-secrétaire du gouvernement de Silvio Berlusconi connue pour ses prises de position racistes, et leader d'un groupe qui a récemment intégré le parti du « Cavaliere ».

Pendant une partie de son séjour Marine Le Pen a été accompagnée de Mario Borghezio, un personnnage clé de la Ligue du Nord entretenant de nombreux contacts avec des formations françaises d'extrême-droite.

A Rome, c'est nulle autre qu'Assunta Almirante qui a rendu hommage à Marine Le Pen : cette entrevue est tout un symbole, car Assunta Almirante est la veuve de Giorgio Almirante, le fondateur du Movimento Sociale Italiano (Mouvement Social Italien).

Le Movimento Sociale Italiano (MSI) a été la principale formation fasciste d'après-guerre, recomposée dès 1946 sur les cendres de l'état fasciste par les lieutenants de Benito Mussolini. En 1984 le MSI a changé de nom pour devenir "Allianza Nazionale", sous l'égide de Gianfranco Fini. En 2007, Allianza Nazionale a fusionné avec le "Popolo della Libertà", le parti de Silvio Berlusconi. Ce dernier sera élu chef du gouvernement en 2008 grâce à une coalition entre le Popolo della Libertà et la Ligue du Nord de Umberto Bossi.

Quelle est donc la signification de ces rencontres entre Marine Le Pen et l'extrême-droite italienne?

En Italie, des fascistes gouvernent d'ores et déjà avec la fraction de la bourgeoisie italienne représentée par Berlusconi. Mais cela ne veut pas dire que la transition de la démocratie bourgeoise vers le fascisme est déjà effectuée, car il n'y a pas encore eu de saut qualitatif, ni de véritable changement de personnel politique.

Le gouvernement Berlusconi n'est qu'une étape vers la prise du pouvoir de la bourgeoisie italienne la plus agressive : Berlusconi représente des intérêts partiels (avant tout, les intérêts de sa holding Fininvest) et doit surtout son accès au pouvoir aux contradictions internes au système politique italien.

En effet l'Italie est un maillon relativement faible de la chaine impérialiste. La démocratie bourgeoise italienne n'est jamais parvenue à établir un cadre institutionnel aussi achevé que le cadre de la Vème République initiée par De Gaulle, et qui permet à l'Etat français d'articuler avec plus de stabilité les contradictions internes à sa bourgeoisie nationale. Pour cette raison, le fascisme va continuer à se développer de façon différente en Italie et en France.

Forte de sa position dans les sondages sur les élections présidentielles de 2012, Marine Le Pen veut montrer qu'elle peut, elle aussi, entrer au gouvernement à la faveur d'une coalition avec la majorité présidentielle. Et si elle semble avoir du retard sur ses homologues italiens dans ce domaine, ce retard sera bien vite comblé, la cadre français étant de facto plus adapté à une transition vers le social-fascisme que le cadre italien.

Marine Le Pen s'est permise de critiquer le manque d'audace politique de Berlusconi, qui devrait, selon elle, aborder franchement la question de la sortie de l'Europe et de l'abandon de l'euro.

Évidemment tout ceci est de la pure rhétorique : aucune composante de la bourgeoisie italienne n'est assez stupide ni assez suicidaire pour souhaiter le retour à la lire... Et Marine Le Pen sait pertinemment qu'avec la faillite annoncée de l'État italien, cette option serait catastrophique pour les banques françaises, déjà sévèrement exposées aux dettes souveraines.

Si Marine Le Pen se paie le luxe d'égratigner Silvio Berlusconi de la sorte, c'est surtout pour pointer du doigt l'absence de contenu idéologique du projet politique du Cavaliere, alors que les projets sociaux-fascistes français et italiens mettent le paquet sur l'idéologie depuis des années.

Silvio Berlusconi a été jusqu'à présent le partenaire incontournable de l'extrême-droite italienne, mais c'est par défaut qu'il a la charge du gouvernement : s'il a pu transformer ses intérêts économiques en parti politique et accéder au pouvoir, c'est parce que le centre-gauche institutionnel a échoué dans sa tentative de concilier les intérêts divergents des différentes fractions de la bourgeoisie italienne. Et la bourgeoisie financière italienne est actuellement trop faible pour laisser le champ libre aux fascistes. D'où la coalition actuelle entre le Berlusconisme et les formations fascistes.

Il peut paraître étrange que la présidente du Front National cherche à entretenir des contacts avec les leaders de l'extrême-droite italienne, étant donné que ces formations sont par nature les championnes de leurs nationalismes respectifs (même si dans le cas de la Ligue du Nord et de la Droite Sociale, c'est un sous la forme d'un « séparatisme » de façade que ce nationalisme s'exprime).

Mais Marine Le Pen, tout comme ses homologues italiens, sait bien que malgré la rhétorique nationaliste et les tensions inter-impérialistes, les ententes entre puissances impérialistes sont absolument vitales. En cultivant les contacts avec l'extrême-droite italienne mais aussi avec les milieux d'affaires, elle prépare donc le futur.

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