2 mar 2011

Les idées fascistes ne se combattent pas nécessairement de la même manière qu’on combat les fascistes

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Hier s’est passé exactement ce qu’il ne fallait pas : à Metz, la CGT organisait une réunion interne intitulée « pourquoi la CGT combat les idées du Front National » et a jeté manu militari trois membres du Front National tentant de s’incruster.

C’est une erreur grossière, tant sur les plans politique que culturel : l’extrême-droite passe pour « posée » et « ouverte » au monde du travail, alors que la CGT passe pour arc-bouté sur de « vieilles » positions. Voici le communiqué justement de l’une des personnes qui a tenté de s’incruster (un ancien de l’organisation d’extrême-droite « Parti des Forces Nouvelles » qui a ensuite passer 20 ans dans « l’Arme Blindée Cavalerie », bref un vrai « facho ») :

« La CGT Moselle n’a pas rompu avec les méthodes staliniennes ! Le 28 février 2011 à 14h30, l’union départementale CGT Moselle a organisé une réunion avec ses adhérents dans l’hémicycle du Conseil Régional de Lorraine afin d’évoquer le cas de Fabien ENGELMANN secrétaire du syndicat CGT des agents territoriaux de Nilvange exclu ainsi que les membres de sa section au motif qu’il est candidat Front National et ne défendrait pas les « valeurs républicaines » car il appartiendrait à un parti raciste, xénophobe et antisémite. Jean-Luc MANOURY, vice-président du groupe Front National, accompagné de deux collègues Dominique BILDE et Yves GELSZINNIS se sont rendus dans l’hémicycle afin d’apporter un démenti à ses allégations mensongères et à cette discrimination politique avérée. Les trois élus du Front National, dénoncé par le camarade TIRLICIEN, président du groupe communiste, présent, ont été contraints par la force de quitter manu-militari la salle car c’était une réunion privée à huis clos interdite aux « fascistes » mais pas à la presse qui a filmé la scène. Ayant rompu officiellement avec le parti communiste depuis 1989, ce syndicat de gauche n’a pas rompu avec ses méthodes staliniennes.

Il est bien loin le temps ou dans les années 1980 Georges MARCHAIS dénonçait l’immigration alors qu’aujourd’hui le PCF et la CGT prônent la régularisation automatique des sans-papiers en ne condamnant pas l’immigration massive pour le plus grand profit du patronat qui revoit ainsi les salaires à la baisse. »

Pour le groupe Front National, Jean-Luc Manoury

Comme on le voit, le communiqué se revendique de Georges Marchais – un appel au passé, une preuve de nostalgie toute patriote comme le Parti « Communiste » alors – tout en surfant sur une attaque contre le stalinisme (d’ailleurs sur le site où est diffusé le communiqué on retrouve une affiche soviétique avec Joseph Staline). C’est un choix tactique conforme à la démarche authentiquement fasciste du Front National.

Or, rejeter par la force la tentative de s’incruster, c’est accorder l’initiative au Front National justement. Il aurait fallu assumer politiquement en mettant ces membres du Front National en accusation, devant les journalistes. Seulement voilà : pour cela, il faut avoir comme référence la thèse léniniste du tribun, que Lénine opposait justement au simple secrétaire syndical, au rôle purement administratif. Le rejet physique des membres du Front National se déroule administrativement : c’est précisément là qu’est l’erreur. C’est la même erreur que Jean-Luc Mélenchon a faite dans son débat avec Marine Le Pen, où il a simplement essayé de la disqualifier en « politicien expert », c’est-à-dire en quelque sorte administrativement. Voici justement comment l’Est Républicain présente la situation, après avoir parlé de l’expulsion des cadres du Front National :

« Denis Pesce affirmait que l’exclusion de Fabien Engelmann du syndicat n’était pas l’objet du débat du jour. Mais pour Loïc Karboviac adhérent CGT et pompier en Moselle, le cas Engelmann touche au fond du débat. « Au SDIS 57, les trois quarts des syndiqués votent Le Pen ou Sarko. Et s’il y avait un ‘’Engelmann’’ chez les pompiers aujourd’hui, ils le soutiendraient. D’autres sections ont le même problème. À force de dire que le syndicat ne fait pas de politique, ne s’est-on pas tiré une balle dans le pied ?

D’autres syndicats sont aujourd’hui contaminés par le Front. Alors qu’est-ce qu’on fait ? »

Car c’est là que se situe le problème. Quoi qu’on puisse penser du fait que cela ait été une erreur ou non de rejeter physiquement les membres du Front National (au lieu de les démonter politiquement), on ne peut qu’admettre que cela ne fait que repousser la question.

Seulement, dans une bataille de positions, on ne repousse pas les batailles : lorsqu’on ne les assume pas, on les perd.

En l’occurrence, ce qui est torpillé avec la méthode administrative de la CGT, c’est la confrontation aux idées fascistes. Pas seulement aux fascistes, physiquement, mais également aux idées fascistes assumées par des secteurs du peuple. C’est là que les choses sont compliquées, et c’est là que tout va se décider. Car rappelons ici deux principes de Mao Zedong :

« Nous sommes en présence de deux types de contradictions sociales : les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Ils sont de caractère tout à fait différent. » « Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes. Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste. » Posons ici la question : que faire d’un ouvrier fasciste ? Car évidemment, il y a des ouvriers fascistes en France aujourd’hui. Si des conflits physiques sont inévitables, ce ne sera pas toujours nécessairement le cas, et là, que faire ? Si l’on suit Mao Zedong, alors il faudra se confronter aux idées réactionnaires, et les vaincre. Rappelons ici le courage des communistes qui en Allemagne allaient porter la contradiction dans les meetings nazis. De par leur quête d’une base populaire, les nazis ne pouvaient parfois pas rejeter les contradicteurs de leurs meetings, et alors il y avait une joute intellectuelle, culturelle, idéologique. Cela sera à l’avenir inévitable. On ne vainc pas le fascisme en le dénonçant, en le rejetant administrativement. On obtient pas la victoire en « dénonçant » les fascistes. On le voit d’ailleurs avec la loi Gayssot qui n’aura fait que retarder – voire entraîner leur capacité d’adaptation ! – les fascistes. Si d’ailleurs on ne voit pas les choses ainsi, quelle autre solution y aurait-il que de devenir misanthrope, de capituler, de ne plus avoir confiance en les masses populaires ? Il y a là un écueil sur lequel vont sombrer les populistes d’extrême-gauche, qui déchantent d’ailleurs déjà de plus en plus en constatant que les choses ne se déroulent pas du tout dans le sens qu’ils espéraient. Inversement, pour nous qui avons la méthode scientifique, nous savons que le fascisme se brise par le programme. Programme contre programme, contenu contre contenu, culture contre culture ! »

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