Qui en France est en mesure de critiquer sérieusement et efficacement le projet social-fasciste de Marine Le Pen ? Quel groupe ou courant politique est capable de produire une analyse concrète de ce que représente ce projet dans le cadre de la lutte des classes en France ? Qui a un niveau d'économie-politique suffisant pour guider la rude bataille qui s'annonce pour les forces démocratiques et progressistes contre le rouleau compresseur Marine Le Pen ? 

Seul l'avenir permettra de répondre à ces questions. Mais ce qui est certain, c'est que bientôt, à travers les fracas et les difficultés de la résistance antifasciste, les masses trancheront. Elles sauront reconnaître qui a fait le travail pour servir le peuple, et qui ne l'a pas fait.

 

Pour l'instant à l'extrême-gauche, seul le PCMLM a correctement compris et mis en avant la question du fascisme, ou plutôt de l'antifascisme comme nécessité historique et vitale pour la période. Nous ne comptons pas évidemment la scène « antifa radicale » qui n'a eu de cesse de nous dénigrer et de nous calomnier, qui à refusée de se moderniser et qui maintenant s’effondre inexorablement, prise dans une spirale qui l'éloigne toujours plus des préoccupations des masses populaires.

 

Depuis plusieurs années, le PCMLM a produit de nombreux documents et analyses antifascistes. Cela fait longtemps que nous avions compris et prévu l'importance qu'aurait MLP aujourd'hui. 

 

En juillet 2009, nous annoncions déjà que « nous sommes au seuil des années 30 » et cela se vérifie et paraît de plus en plus évident à mesure que s'aggrave la crise générale du capitalisme. 

 

Précisément, nous disions dans ce document : 

Nous ne pouvons qu’engager nos lecteurs et lectrices à se mettre très sérieusement à l’économie politique. Dans les prochaines batailles, il y a besoin de gens se fiant non pas à leur idéalisme comme quoi « tout ira bien », mais bien de personnes sérieuses, disciplinées, capable d’orienter la lutte de classes des masses populaires, faisant face aux tentatives réactionnaires de les briser, de les dévier.

En clair: ça va faire mal, il faut apprendre à être prêt!

Depuis nous avons continué à travailler. Aujourd'hui, quand MLP publie son projet 2012, monument de démagogie social-fasciste, sociale en parole, fasciste dans les faits, nous ne sommes pas désarmés. 

 

Car il en faut des arguments pour démontrer la nature de classe du projet de Marine Le Pen. Il en faut de l'économie-politique pour comprendre le rôle de MLP pour la restructuration de l'infrastructure impérialiste française. 

 

Comment prouver à la classe ouvrière que MLP ne sert pas ses intérêts, alors que la crise économique fait exploser la misère et que les fermetures d'usines et plans de licenciements se succèdent inlassablement ?  

 

Suffit-il d'affirmer que Marine Le Pen sert « le patronat » et qu'elle veut baisser le coût du travail ? 

 

Le problème, c'est que la démagogie sociale de Marine Le Pen tourne à plein régime et qu'elle répondra certainement qu'elle au moins sauverait les emplois, comme elle le prétend en prenant la compagnie SeaFrance à Calais comme exemple pour son argumentaire contre l'Union Européenne. 

 

Suffit-il de balancer de but en blanc que la classe ouvrière n'a pas de patrie et que l'internationalisme est meilleur que le nationalisme ? 

 

Le problème est que MLP sait profiter du sentiment social-chauvin présent dans le prolétariat, sentiment dont sont largement responsables les révisionnistes du P«C»F qui ont balisé le terrain depuis les années 60 pour les sociaux-fascistes d'aujourd'hui. Maintenant, MLP est capable de convaincre en masse lorsqu'elle met en avant la production française.

 

Ce d'autant plus que, comme nous l'expliquions récemment, l'importance accordée à l'origine française de la production relève aussi d'un aspect populaire positif.

 

Alors que faire face à cela? Quelle attitude adopter pour ne pas perdre la face ?

 

Il y a certainement des milliers de choses à entreprendre contre la progression de Marine Le Pen, comme faire de l'agitation antifasciste, mener un combat culturel de fond contre les valeurs fascistes ou encore réprimer les franges les plus radicales de l'extrême-droite. C'est évident.

 

Mais une chose est certaine dans tous les cas, c'est qu'il faudra un niveau d'économie-politique conséquent et une maîtrise du matérialisme dialectique impeccable pour guider et orienter la résistance antifasciste. Sans cela en arrière plan, ce sera la défaite assurée. 

 

Pour ne pas perdre la face contre Marine Le Pen, il faut travailler l'économie politique et s'armer du matérialisme dialectique. 

 

Afin de comprendre en quoi cela est important, prenons un exemple concret. Ce n'est qu'un exemple, mais ceci est essentiel pour la compréhension du fascisme :

 

formulons une réponse à cette question fondamentale : qu'elle est la nature de classe du projet de MLP ?

 

1/

En décembre 2010, après avoir cité Dimitrov (« Le fascisme au pouvoir c’est la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. ») nous affirmions déjà que :

le fascisme est porté par la bourgeoisie impérialiste, bourgeoisie impérialiste qui entend mettre dans les cordes la bourgeoisie traditionnelle, industrielle, dont le représentant est Sarkozy.

L’axe Paris – Berlin – Moscou se construit lentement mais sûrement, comme alliance la plus « logique » et « pratique » pour les impérialistes français, allemand et russe. Il n’est pas la peine de rappeler les très nombreux rapprochements de l’Allemagne avec la Russie, ces derniers temps.

Marine (Marion) Le Pen n’a pas comme seconds prénoms Anne Perrine pour rien : on est dans un nationalisme français dans sa version impériale, dans sa version bourgeoise ultra-chauvine.

Plus récemment, il y a quelques semaines Voie-Lactée titrait : « Marine Le Pen admire Poutine (l'axe Paris - Berlin - Moscou) » et il était expliqué que :

Marine Le Pen, en véritable fasciste, représentes les intérêts des groupes monopolistes français. Et les monopoles cherchent à étendre leur domination sur le plan international.

 

Les fractions les plus agressives de la bourgeoisie impérialiste française cherchent alors à constituer un bloc solide pour contrer leur principal ennemi, l'impérialisme américain, et peser de plus en plus fort sur les autres forces.

C'est la constitution d'un axe Paris – Berlin – Moscou qui se dégage comme option stratégique pour l’avènement de ce bloc.

Enfin, il y a quelques semaines également, dans un article à propos du lancement de la fusée Soyouz en Guyane publié par le ministère Big Bang, nous affirmions que :

« le lancement de Galileo en Guyane est historique. Il représente la nouvelle offensive de la bourgeoisie impérialiste avec le développement d'un partenariat entre l'Europe et la Russie afin de prendre l'avantage sur l'impérialisme américain.”

2/

Que constatons nous à la lecture du projet 2012 de Marine Le Pen ? 

 

Dans la partie consacrée à la défense du projet 2012 de MLP, il est dit :

«Sur le plan des matériels, les programmes en cours de modernisation des équipements seront poursuivis et de nouveaux programmes stratégiques seront lancés, en priorité dans le domaine spatial, où les compétences enviables que la France avait acquises dans les 25 premières années de la Vè République sont aujourd’hui en jachère, notamment la coopération franco-russe en ce domaine doit être relancée. »

MLP est en phase avec les exigences de l'impérialisme français, telle que nous les exposions dans l'article sur Soyouz donc. 

 

Poursuivons.

 

A propos de l'aménagement du territoire, il est dit :

« La France possède un vaste territoire riche de ses diversités. Véritable carrefour stratégique en Europe, il constitue un atout précieux à condition que son aménagement soit l’objet d’un projet véritable, reposant sur une volonté politique pour le désenclaver et le valoriser. »

Puis, dans la partie sur l'Europe, il est dit que: 

«les forces non démocratiques qui sont aux commandes de l’Europe de Bruxelles ont des intérêts et des conceptions en rupture totale avec les légitimes préoccupations et aspirations des peuples européens. »

MLP prend en quelque-sorte le parti de plusieurs États d'Europe pour affirmer :

« Aujourd’hui, la crise finale de l’euro a largement commencé. Elle a déjà ruiné la Grèce et le Portugal, et menace sérieusement l’Italie, l’Espagne et la Belgique. »

Par contre, elle s'en prend juste avant au Royaume-Unis, allié stratégique de l'impérialisme américain : 

« La France ne bénéficie pas, comme le Royaume-Uni depuis 1985, d’une réduction de sa contribution au budget de l’UE. Elle est même le pays qui supporte la partie la plus importante du surcoût entraîné par ce régime de faveur accordé au Royaume-Uni (l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède ayant obtenu la réduction de leur contribution à ce surcoût). »

Enfin, elle finit par exprimer clairement sa proposition stratégique : 

« La France doit préparer, avec ses partenaires européens, le retour aux monnaies nationales, qui permettra d’effectuer des dévaluations compétitives. Le couple franco-allemand peut jouer un rôle moteur pour sortir du marasme. »

Pourquoi MLP est-elle ultra-nationaliste d'un coté mais de l'autre, s'intéresse t-elle au sort des monnaies des autres États européens ?

 

Marine Le Pen cherche à prouver aux groupes monopolistes français qu'elle est capable de mener à bien la politique impérialiste de la France sur la scène internationale, de proposer des alliances stratégiques. C'est d’ailleurs le sens de son futur voyage en Russie, de son récent voyage aux États-Unis, mais également de son « discret » voyage en Italie dont nous avions parlé.

 

Sur le plan économique, elle précise :

"[…] il faudra [...] que vienne la période des grands projets européens innovants, au service des peuples, bâtis à partir de partenariats volontaires, comme l’ont été Ariane ou Airbus décidés, faut-il le rappeler, en dehors des institutions communautaires ;" 

Cela est on ne peut plus clair. Et si MLP définit les projets d'alliance, elle définit aussi l'ennemi :

« Nos adversaires politiques ont fondé leur action sur un contresens historique. Ils ont décrété, car prisonniers de leur idéologie mondialiste, que l’histoire nous emmenait vers un monde globalisé sans Etats dans lequel allait s’imposer universellement le « modèle occidental américain ». »

Puis elle exprime son orientation stratégique sur le plan mondial :

« Le retour de l’Asie, en particulier, annonce la fin de la primauté de l’Occident sur le monde. Nous marchons vers un monde multipolaire et nous devons nous en réjouir. 

En conséquence, nos grandes orientations de politique étrangère doivent être refondées, et les clés de cette refondation se trouvent dans nos fondamentaux historiques, dans les constantes géopolitiques de la France.»

Puis :

« Or nos gouvernements ont fait le contraire : ils ont détourné la France de sa grande politique mondiale pour la rétrécir au seul horizon européen ; ils ont aligné la France sur les Etats-Unis au lieu de fortifier son rôle d’équilibre entre les empires ; ils ont sacrifié notre souveraineté pour tenter de nous fondre dans un Empire européen privé d’identité. »

Finalement, dans ses « 11 axes de politique étrangère » MLP propose :

"L’avènement d’une Europe des Nations, une sortie du commandement intégré de l’OTAN et l’offre faite à la Russie d’une alliance stratégique poussée, fondée sur un partenariat militaire et énergétique approfondi, le refus de la guerre d’ingérence et le soutien au droit international."

et

"Conjointement, la proposition faite à l’Allemagne de s’associer pour former une alliance trilatérale Paris-Berlin-Moscou."

3/

Maintenant, nous pouvons répondre à notre question : le projet 2012 de Marine Le Pen n'est pas au service de la classe ouvrière, son projet est une orientation stratégique pour la bourgeoisie impérialiste française. La constitution d'un axe Paris-Berlin-Moscou est l'ossature stratégique de l'orientation proposée par MLP contre le bloc impérialiste conccurent, entrainé lui par l'impérialisme nord-américain. 

 

Le projet 2012 de Marine Le Pen est un projet social-fasciste. 

 

Marine Le Pen tente de piéger les prolétaires en présentant son poison nationaliste comme la solution aux questions sociales car elle veut mobiliser derrière son projet de restructuration de l'impérialisme français. Marine Le Pen est au service de la bourgeoisie monopoliste, la fraction de la plus agressive de la bourgeoisie.