26 mar 2012

Arthaud : un refus de l'union nationale qui n'est pas pour autant une confrontation avec l'antisémitisme

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Lutte Ouvrière a une position par rapport au massacre antisémite qui est exemplaire dans ce qu'il ne faut pas faire. Nous avions déjà constaté que le terme « juif » était soigneusement évité ; la dimension antisémite – carrément nazie – des meurtres est niée.

Mais ce qui se passe est que Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière aux élections, n'en cesse d'en rajouter une couche sur le refus de « l'union nationale. »

Or, si ce refus était fondé sur le principe : « affrontons l'antisémitisme ! », cela aurait un sens. Mais elle ne parle pas de l'antisémitisme, ce qui fait qu'elle abandonne à Hollande et surtout Sarkozy cette question brûlante.

Car si l’État bourgeois prétend défendre la population juive et que Lutte Ouvrière ne l'affirme pas, alors comment Lutte Ouvrière entend-elle conquérir les masses populaires juives ? Et même les masses populaires en général, car personne n'est dupe de ce qui s'est passé.

Au lieu de cela, Nathalie Artaud se plaint :

« Avec pour résultat que toute cette fin de semaine, j’ai été interrogée encore et encore par les journalistes sur le « danger salafiste » en France. Les sorties de Marine Le Pen ont apparemment porté leurs fruits. »

Il suffisait pourtant de dire qu'il s'agissait d'un anticapitalisme romantique, du fascisme, d'une perversion idéologique de la réelle nécessité : la révolution socialiste.

Nathalie Arthaud est incapable de comprendre la problématique du fascisme et elle nie l'antisémitisme, comme d'ailleurs l'islamisme. La raison en est son économisme de type social-démocrate.

Quand elle dit :

« Les voilà qui se servent, sans vergogne, des enfants tués devant l’école Ozar Hatorah pour distiller leur venin nationaliste – dans le but, encore, toujours, de diviser, de creuser un fossé entre les travailleurs. »

Cela peut être correct en apparence, mais en réalité ce qu'elle fait c'est nier la réalité de l'antisémitisme et du racisme, au nom du cosmopolitisme.

Lutte Ouvrière a raison de rejeter la Marseillaise, mais il est totalement erroné de nier la réalité de la nation française.

Quand Nathalie Arthaud afforme :

« L’idée qu’il y aurait une communauté d’intérêt, une solidarité naturelle, entre les personnes partageant la même nationalité, cache toujours un piège pour les travailleurs. »

Cela a l'air radical, mais en fait c'est cosmopolite, car il aurait fallu dire : la nation française existe, sa culture aussi, mais il y a une contradiction sociale qui est principale. Elle ne le fait pas, ce qu'elle fait c'est nier l'existence même de la France... et donc de l'antisémitisme dans le cadre national.

En arrière-plan, on trouve bien entendu la conception trotskyste de la « révolution permanente », de la révolution mondiale qui aurait lieu d'un seul coup.

Résultat : au nom de cet « internationalisme » (en fait, le cosmopolitisme), Arthaud refuse de prendre politiquement en considération que Hollande et Sarkozy se posent en opposants à l'antisémitisme, alors qu'Arthaud ne le fait même pas.

Forcément : dans « l'internationalisme » de Lutte Ouvrière, les nations disparaissent comme par magie. Et d'ailleurs, Lutte Ouvrière a été marqué par une importante participation de personnes juives, qui ont nié leur identité pour se jeter dans un cosmopolitisme imaginaire.

Ainsi, Arthaud se veut révolutionnaire en réfutant la patrie, la nation, la Marseillaise, mais dans son long document, l'antisémitisme n'est même pas pris en compte. Quand on sait que son document traite du massacre antisémite et que jamais il n'est parlé d'antisémitisme, c'est révélateur du caractère foncièrement cosmopolite d'une telle prise de position.

Lutte Ouvrière est incapable de voir que « l'union nationale » était nécessaire à l’État bourgeois pour montrer qu'il est « civilisé » et réfute l'antisémitisme. Au lieu de démasquer l’État bourgeois, la cause révolutionnaire qu'est la lutte contre l'antisémitisme est tout simplement niée.

Voici le document, pour archives, que l'on peut lire ici sur le blog électoral de Nathalie Arthaud.

L’Internationale sera le genre humain

Au-delà de l’horreur des faits eux-mêmes, il y a une des conséquences du drame de Toulouse qui risque fort d’empoisonner une campagne qui vole déjà bien bas. J’entends déjà la droite et l’extrême droite se jeter comme des charognards sur cette terrible actualité pour distiller leurs mensonges et leurs stupidités xénophobes. Avec pour résultat que toute cette fin de semaine, j’ai été interrogée encore et encore par les journalistes sur le « danger salafiste » en France. Les sorties de Marine Le Pen ont apparemment porté leurs fruits.

Je trouve insupportable de profiter de ce drame pour relancer un débat sur l’immigration. Dès le début des événements, j’ai dénoncé les arrière-pensées électorales des candidats face à la tuerie de Toulouse. Eh bien, les faits n’ont pas mis longtemps à me donner raison ! Les voilà qui se servent, sans vergogne, des enfants tués devant l’école Ozar Hatorah pour distiller leur venin nationaliste – dans le but, encore, toujours, de diviser, de creuser un fossé entre les travailleurs.

Alors, face à ce déferlement attendu de stupidité xénophobe, je tiens plus que jamais à affirmer mon internationalisme. À affirmer l’idée que pour moi, la seule division réelle qui existe dans la société n’est pas entre les peuples mais entre les classes sociales, entre les riches et les pauvres, entre les exploiteurs et les exploités, quelle que soit leur nationalité.

La plupart des candidats entament leurs discours en donnant du « chers compatriotes », quand ce n’est pas « Françaises, Français ». Moi, comme l’a fait Arlette Laguiller pendant toutes les années où elle a représenté Lutte ouvrière, je démarre toujours par « Travailleuses, travailleurs » Ce n’est pas, comme le disent bon nombre de journalistes, une « marque de fabrique » – c’est-à-dire une espèce de « truc de com’ » – mais l’expression de convictions profondes : il y a un certain nombre de « Français » auxquels je n’ai aucune envie de m’adresser (ils s’appellent, par exemple, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Robert Peugeot, Liliane Bettencourt, Bernard Arnault, etc.) ; et à l’inverse, il y a dans ce pays des millions de personnes à qui j’ai bien des choses à dire mais qui ne sont nullement « Français » : ce sont les travailleurs immigrés.

C’est cela, entre autres, que signifie être « internationaliste ». Pour moi, la division essentielle qui marque la société ne se fait pas sur la nationalité, mais sur la classe sociale à laquelle on appartient.

L’idée qu’il y aurait une communauté d’intérêt, une solidarité naturelle, entre les personnes partageant la même nationalité, cache toujours un piège pour les travailleurs. Les appels à la solidarité nationale retentissent toujours avec d’autant plus de force que la situation est critique et dangereuse : lors des guerres, et lors des crises.

Lors des guerres, par exemple lors des deux guerres mondiales du XXe siècle, on a fait vibrer la corde de la « patrie en danger » pour envoyer les travailleurs au massacre – les travailleurs français aussi bien que les travailleurs allemands, et tant d’autres. Déjà à l’époque, bien sûr, les dirigeants de la société, les médias, les partis politiques, expliquaient que toute la « communauté nationale » devait participer à l’effort de guerre. Au final, « l’effort de guerre » a été partagé… à la manière qu’affectionnent les bourgeois : pour les travailleurs, des millions de morts et de blessés et des souffrances sans nom. Pour les patrons, de gigantesques bénéfices réalisés sur les commandes de guerre.

Et il en va de même de la crise que nous traversons : les Sarkozy et les Hollande n’ont à la bouche que « l’intérêt national », que « la nécessité pour le pays de payer ses dettes ». Mais ces gens-là n’utilisent ces termes que pour tromper leur monde. Ils savent très bien, eux, que lorsqu’ils disent « nécessité pour le pays de payer ses dettes », il faut entendre : « nécessité pour les classes populaires de ce pays de payer les dettes contractées au profit de la grande bourgeoisie. »

L’extrême droite a toujours fait du patriotisme et du nationalisme son fonds de commerce. Mais, depuis des décennies, la gauche fait de même. Le Parti socialiste, puis le Parti communiste, ont chacun leur tour cédé aux sirènes du patriotisme, du chauvinisme ridicule, des hommages à Jeanne d’Arc et autres balivernes. Au point que le nationalisme affiché par les dirigeants de gauche ne choque aujourd’hui plus grand-monde : il n’y a qu’à écouter Jean-Luc Mélenchon et ses hommages, répétés à chaque meeting, à « notre patrie ».

On en oublierait presque que le mouvement ouvrier, à ses débuts, s’est fondé sur le rejet absolu de tout nationalisme, sur l’idée que les travailleurs n’ont justement pas de patrie, sur un combat sans relâche pour défendre la solidarité internationale des travailleurs. « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », disait déjà le Manifeste communiste de 1848 : les travailleurs du monde entier ne forment qu’une seule classe sociale, les ouvriers et les ouvrières du bout du monde, qu’on cherche à nous présenter comme des concurrents – quand ce n’est pas comme des ennemis – sont nos frères et nos sœurs ! Et nos ennemis, nos pires ennemis, c’est dans ce pays qu’ils se trouvent : ce sont les capitalistes français.

À la fin des meetings de Lutte Ouvrière, on ne chantera jamais la Marseillaise – comme le font le Parti Socialiste ou le Front de gauche. Parce que la Marseillaise n’a, aujourd’hui, plus rien à voir avec ce qu’elle a été il y a deux siècles : le chant de la révolution française. Elle est aujourd’hui ce que je déteste le plus, c’est-à-dire un chant patriotique, un chant qui exprime le poison nationaliste, le chant qu’on entonne dans les défilés militaires… et dans les meetings du Front national.

Je laisse bien volontiers aux militaires et à l’extrême droite les chants patriotiques, où l’on veut abreuver ses sillons avec du « sang impur ». Mes camarades et moi, nous gardons L’Internationale, l’hymne des travailleurs, le chant de la révolution internationale, le chant qui dit qu’un jour « l’Internationale sera le genre humain » !

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