12 mai 2013

Le romantisme en France (4ème partie): le vin et le haschisch

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« Mais le lendemain ! le terrible lendemain ! tous les organes relâchés, fatigués, les nerfs détendus, les titillantes envies de pleurer, l’impossibilité de s’appliquer à un travail suivi, vous enseignent cruellement que vous avez joué un jeu défendu. La hideuse nature, dépouillée de son illumination de la veille, ressemble aux mélancoliques débris d’une fête. La volonté surtout est attaquée, de toutes les facultés la plus précieuse... » (Baudelaire, Les paradis artificiels)

La passion des romantiques pour les drogues est une image connue, mais elle est un préjugé, qui masque les véritables préoccupations des romantiques, cherchant un moyen d'atteindre « l'idéal. »

Nous, communistes, sommes des matérialistes, c'est-à-dire que nous considérons que la matière existe et se suffit à elle-même, nous ne croyons pas en l'existence d'un monde « spirituel. »

A notre sens, il n'est pas besoin de « paradis artificiels » pour vivre sur terre ce que l'on pourrait vivre, théoriquement et selon les religieux, dans les cieux, au paradis, etc.

Baudelaire lui-même, auteur du fameux texte « Les paradis artificiels », est extrêmement critique sur cette fuite, qu'il ne valorise nullement, contrairement à l'opinion répandue par les milieux décadents.

Voici ce que dit Baudelaire :

« Ce seigneur visible de la nature visible (je parle de l’homme) a donc voulu créer le Paradis par la pharmacie, par les boissons fermentées, semblable à un maniaque qui remplacerait des meubles solides et des jardins véritables par des décors peints sur toile et montés sur châssis.

C’est dans cette dépravation du sens de l’infini que gît, selon moi, la raison de tous les excès coupables, depuis l’ivresse solitaire et concentrée du littérateur, qui, obligé de chercher dans l’opium un soulagement à une douleur physique, et ayant ainsi découvert une source de jouissances morbides, en a fait peu à peu son unique hygiène et comme le soleil de sa vie spirituelle, jusqu’à l’ivrognerie la plus répugnante des faubourgs, qui, le cerveau plein de flamme et de gloire, se roule ridiculement dans les ordures de la route. »

Il y a bien sûr une contradiction, puisque Baudelaire cherche un idéal mystique, mais voit bien que les « paradis artificiels » sont insuffisants, absurdes et destructeurs, et ne contribuent pas à la « multiplication de l'individualité. »

Baudelaire, cherchant une manière d'être véritablement artiste, parle du vin et du haschisch donc en tant qu'artiste, par rapport à ce qu'il considère comme le besoin de création (et qui est pour nous le besoin de production).

Voici ce que dit Baudelaire, dans un passage qui surprendra ceux et celles pour qui Baudelaire est un simple apologiste des drogues, du vin et du haschisch. Baudelaire est fasciné, privilégie certainement la vie facile, mais est réaliste sur les résultats des drogues :

« L’idée m’est venue de parler du vin et du haschisch dans le même article, parce qu’en effet il y a en eux quelque chose de commun : le développement poétique excessif de l’homme. Le goût frénétique de l’homme pour toutes les substances, saines ou dangereuses, qui exaltent sa personnalité, témoigne de sa grandeur [Épicure et nous, matérialistes dialectiques, penons précisément le contraire ici].

Il aspire toujours à réchauffer ses espérances et à s’élever vers l’infini. Mais il faut voir les résultats. Voici une liqueur qui active la digestion, fortifie les muscles, et enrichit le sang. Prise en grande quantité même, elle ne cause que des désordres assez courts.

Voilà une substance qui interrompt les fonctions digestives, qui affaiblit les membres et qui peut causer une ivresse de vingt-quatre heures. Le vin exalte la volonté ; le haschisch l’annihile. Le vin est support physique ; le haschisch est une arme pour le suicide.

Le vin rend bon et sociable ; le haschisch est isolant. L’un est laborieux pour ainsi dire, l’autre essentiellement paresseux. À quoi bon, en effet, travailler, labourer, écrire, fabriquer quoi que ce soit, quand on peut emporter le paradis d’un seul coup ?

Enfin le vin est pour le peuple qui travaille et qui mérite d’en boire. Le haschisch appartient à la classe des joies solitaires ; il est fait pour les misérables oisifs. Le vin est utile, il produit des résultats fructifiants. Le haschisch est inutile et dangereux.

Je termine cet article par quelques belles paroles qui ne sont pas de moi, mais d’un remarquable philosophe peu connu, Barbereau, théoricien musical, et professeur au Conservatoire. J’étais auprès de lui dans une société dont quelques personnes avaient pris du bienheureux poison, et il me dit avec un accent de mépris indicible :

« Je ne comprends pas pourquoi l’homme rationnel et spirituel se sert de moyens artificiels pour arriver à la béatitude poétique, puisque l’enthousiasme et la volonté suffisent pour l’élever à une existence supra-naturelle. Les grands poëtes, les philosophes, les prophètes sont des êtres qui, par le pur et libre exercice de la volonté, parviennent à un état où ils sont à la fois cause et effet, sujet et objet, magnétiseur et somnambule. »

Je pense exactement comme lui. »

C'est là on ne peut plus clair. On note évidemment et cependant que Baudelaire valorisait tout de même le vin, comme de nombreux poètes de l'orient. Mais il avoue lui-même qu'on peut s'en passer. C'est juste qu'il n'avait pas trouvé comment.

Nous pensons savoir, parce que nous connaissons des figures historiques qui ont réfléchi à ce sujet, et proposé une démarche : celle qui est matérialiste.

Épicure, Lucrèce, Spinoza sont des grandes figures matérialistes, qui pavent la voie au matérialisme dialectique ; en URSS de Lénine et Staline et dans la Chine populaire de Mao Zedong, l'objectif était bien une société sans paradis artificiels, une société de culture, une civilisation humaine à l'échelle mondiale.

Le réalisme socialiste est un grand pas en ce sens, en tant que conception productive.

Le vin et le haschisch, être communiste c'est s'en passer, les rejeter totalement, catégoriquement. Le vin et le haschisch sont une idéologie, une perte de temps, une démarche individuelle non constructive, amenant la destruction de la personne, non son épanouissement.

Baudelaire, en tant que romantique, ne concevait le travail que comme purement individuel, créateur c'est-à-dire « inventant » totalement une « réalité » ; nous, communistes, savons que tout est production, que rien ne naît de rien, que tout se transforme.

Et Baudelaire lui-même constatait la contradiction de sa situation. Il ne pouvait, ou voulait, pas abandonner sa quête d'idéal ; nous matérialistes dialectiques, édifions le monde nouveau, sans attendre ni se faire des illusions sur un monde mystique idéal.

 

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