Le sandinisme : une idéologie « nationale-révolutionnaire » entretenue par le trotskysme ainsi que le PTB et finissant logiquement par rejoindre « l'Internationale socialiste »
Submitted by Anonyme (non vérifié)Daniel Ortega est devenu le président du Nicaragua le 7 novembre 2006 et à peine a-t-il été investi le 10 janvier 2007 que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad lui rend visite, lors de son passage en Amérique latine pour saluer Chavez.
A cette occasion, Daniel Ortega a offert au président iranien une médaille avec en effigie Augusto Sandino, le "général des hommes libres", avant de complimenter l'Iran qu'il a qualifié de "puissance morale".
Il est étonnant que ni le « PCF », ni la LCR ou même une large partie des anarchistes ne l'aient pas salué à cette occasion, alors que dans les années 1980 le mouvement sandiniste était « sacré. »
En effet, si aujourd'hui Chavez au Venezuela et Prachanda au Népal parlent de « démocratie » ou de « socialisme du 21ème siècle », dans les années 1980 le Nicaragua Sandiniste faisait figure de modèle alternatif de révolution.
Tous ceux qui s'affirmaient « révolutionnaires » mais rejetaient le maoïsme, le « stalinisme », en fin de compte le marxisme, soutenaient cette expérience « nouvelle », « originale », etc.
Même le groupe de punk-rock les Clash sortait un triple album intitulé « Sandinista », la chanson intitulée pareillement expliquant la faillite des modèles russe et chinois et montrant l'« espérance » en les sandinistes.
Les trotkystes avaient envoyé beaucoup de militants au Nicaragua, soit pour construire une organisation trotskyste de l'intérieur du Front Sandiniste de Libération Nationale, soit de l'extérieur (la "brigade Simon Bolivar").
Mais qu'est-ce que le mouvement sandiniste?
Le nom vient d'Augusto Sandino (1895-1934), qui était un représentant de la bourgeoisie nationale du Nicaragua, qui avait formée une « Armée de Défense de la Souveraineté Nationale » qui lutta contre les USA: 3 000 combattants luttèrent face aux 12 000 marines nord-américains pendant plusieurs années das une lutte qui finit par être écrasée en 1934 par la Garde Nationale, Augusto Sandino lui-même étant assassiné.
Les forces armées du Nicaragua, police comme armée, étaient dirigées par la famille Somoza, qui tint les rênes du pays jusqu'en 1979. Les Somoza père et fils ont formé un véritable empire économique dans le pays, une oligarchie possédant le tiers des terres cultivables et les principales industries, et empiétant ainsi sur les intérêts traditionnels de larges secteurs petits-bourgeois et bourgeois national.
Augusto Sandino n'était pas communiste ni même socialiste; son programme était la continuation de la « révolution libérale » que les USA avaient fait capoté en 1927.
En Chine, une brigade du Kuo-Min-Tang, le parti nationaliste, prit le nom de « Sandino » en 1928; un représentant de Sandino fut également envoyé en Allemagne à Francfort au second congrès de la ligue anti-impérialiste mondiale, où étaient également présents l'indien Nehru et madame Sun Ya-Tsen (femme du dirigeant bourgeois républicain historique de la Chine).
Augusto Sandino rompra également vite avec les communistes, notamment le salvadorien Farabundo Marti.
Augusto Sandino était en fait un illuminé national-révolutionnaire; il était influencé par la « cosmologie », le zoroastrisme, la Kabbale juive, le spiritisme, ainsi que par l'« Ecole magnétic-spiritualiste de la Commune universelle », fondée en Argentine en 1911 par le basque Joaquín Trincado, une sorte d'anarchisme religieux fondé sur la « vérité et la lumière du spiritisme » qui au stade final de l'humanité remplacera toutes les religions.
L'idéologie de cette « école » était également racialiste, puisqu'à ce « stade final de l'humanité » il n'y aura plus qu'une seule « race » (« hispanique ») ainsi qu'une seule langue (le castillan); le symbole de cette école remplacera même celui du campesino tranchant la tête d'un Marines!
En février 1931 Sandino publia le « Manifeste de la Lumière et de la Vérité », qui annonce le jugement dernier, explique que le Nicarague doit jouer un rôle essentiel car son armée est un instrument de la justice divine, de «la destruction de l'injustice sur la terre et le règne de l'Esprit de lumière, c'est-à-dire l'amour.»
C'est à partir des restes du mouvement sandiniste écrasé que va se fonder le Front Sandiniste de Libération Nationale en 1961.
Après une quinzaine d'année de lutte armée, le régime de Somoza s'effondre en 1979 après avoir massacré 50 000 personnes.
Une junte de gouvernement de reconstruction nationale est mise en place, la famille Somoza et d'autres grands propriétaires sont expropriés, les mines, la pêche et les diverses ressources naturelles sont nationalisées, la réforme agraire est lancée, une nouvelle Constitution est adoptée.
Aux élections de 1984 le dirigeant du FSLN est élu avec 63 % des suffrages.
Quelle était la situation du Nicaragua en 1979? 54% de la population était composée de petits paysans, 10,4% d'ouvriers, de 0,7% de grands propriétaires et de 8,9% de propriétaires moyens; les propriétés de 500 hectares et plus représentaient 1,79% des entreprises agricoles, mais couvraient 41,2% des terres.
Les sandinistes ont-ils alors mené une révolution démocratique? Absolument pas, ils ont uniquement cherché à moderniser le pays de manière « indépendante », c'est-à-dire selon les intérêts de la bourgeoisie nationale, comme en témoignent les mesures prises.
Importations d'engrais et de machines, agro-industrialisation, électricité, eau potable, alphabétisation... On cherche en vain une redistribution des terres ou une socialisation, à part en ce qui concerne ce qui appartenait à la clique de Somoza.
A part la bourgeoisie nationale, il n'y a que certains petits paysans pour profiter de l'éviction de la clique somoziste; ainsi en 1989 les parts dans l'économie agraire sont les suivants : Etat 22%, propriétaires moyens 14%, petits propriétaires et coopérative 47%, grands propriétaires 17%.
Cela était annoncé par le programme sandiniste, qui affirmait que le gouvernement «protégera les propriétaires de terres qui collaborent à la lutte armée révolutionnaire.»
C'est-à-dire que l'ennemi est « la clique réactionnaire et fasciste imposée par l'impérialisme yankee depuis 1932 », et qu'ainsi la révolution consiste pour les sandinistes UNIQUEMENT en la destruction des forces politiques directement liées à l'impérialisme, c'est-à-dire les capitalistes bureaucratiques s'opposant à la bourgeoisie nationale.
Le projet est clairement « national-révolutionnaire », comme l'explique le dirigeant sandiniste Tomas Borge : « Le nationalisme nicaraguayen est apparu et s'est défini en rapport direct avec notre histoire douloureuse d'interventions et de dépendance.(...)
Le nationalisme possède, dans les pays dépendants qui luttent pour leur libération nationale, un caractère mobilisateur pour les masses et un caractère révolutionnaire », « Ce processus de construction de notre nation, n'est autre chose que la lutte du peuple nicaraguayen contre l'expansionnisme et la domination nord-américaine. (...)
Cela veut dire que la lutte de libération nationale devait se faire contre le secteur plus développé de la classe dominante : le secteur impérialiste, ainsi que contre la bourgeoisie locale.
Cela siginifie aussi que le secteur de la bourgeoisie opposé au Somozisme a été entraînée par le mouvement populaire, protagoniste direct de la lutte antisomoziste. »
Par conséquent, les grands propriétaires terriens ne sont pas visés du moment qu'ils ne sont pas « somozistes » - la révolution ne concerne que le conflit entre la bourgeoisie bureaucratique liée aux USA et la bourgeoisie nationale opprimée, mais alliée à l'URSS.
Daniel Ortega déclare de même : «Dans ce cadre (de la planification de l'économie), les petits, les moyens, les grands producteurs industriels, les artisans ont leur place garantie. Tout le secteur privé a la possibilité d'être un élément actif à l'intérieur du développement de cette économie.»
Le dirigeant sandiniste Victor Tirado rappellera de même en 1989 : «C'est la première grande étape de la révolution nationale. Posons d'abord les bases matérielles du développement économique, à l'aide de la science et de la technologie, et indépendamment des secteurs qui y participent. Quand on aura atteint le niveau des pays développés, alors les contradictions se situeront sur un autre plan.»
Mais sans la socialisation, la planification, la direction de la classe ouvrière, on ne peut que compter sur les forces de la bourgeoisie nationale; or, celle-ci est trop faible, voilà pourquoi elle n'avait pas pu mener de révolution comme 1789 en France.
Là, elle a pu réussir à arracher le pouvoir en s'alliant aux classes populaires mais également en s'alliant avec le social-impérialisme russe, or, celui-ci est loin, alors que les USA peuvent armer les « contras », armée pratiquant la guerre contre le régime : en 1981 il y aura déjà eu 45.000 morts, les coûts de la défense passant de 21% du budget en 1980 à 50% en 1987.
Le résultat est simple : le taux d'augmentation des dépenses publiques a été le plus fort du monde entre 1979 et 1985, soit 20.6% annuellement, le déficit fiscal en 1984 atteignait 26% du PNB, ce qui était aussi un record mondial; la dette extérieure à long terme était en 1985 de 185% du PIB, naturellement principalement vis-à-vis du bloc conduit par le social-impérialisme russe.
Tout le pétrole et tout l'armement viennent également de ce même bloc, évidemment.
L'inflation n'a logiquement cessé d'exploser : 32% en 1984, 334 en 1985, 778 en 1986, 780 en 1987 et le pouvoir d'achat salarial atteignait en 1986 le taux de... 16% par rapport à 1980.
La bourgeoisie nationale représentée par les sandinistes est alors obligée de lâche du lest. Le 30 janvier 1989, devant l'Assemblée, Daniel Ortega réaffirme sa politique d'alliance avec la bourgeoisie patriotique: «Il est aujourd'hui vital d'accroître la production et la solution la plus viable pour le pays est la concertation avec l'entreprise privée». «Avec tous ceux qui désirent la paix, unissons nos efforts pour construire ensemble».
Ce qui est entendu par là, c'est l'ouverture sur la bourgeoisie bureaucratique liée aux USA qui a perdu tout pouvoir. Dès 88 le régime «fait appel aux grands producteurs et aux chefs d'entreprise pour produire avec plus d'efficacité » et finalement en février 1990 le FSLN perd les élections au profit d'une union libérale pro-USA, tout en gagnant le droit de continuer à exister.
Le FSLN était le parti de la bourgeoisie nationale et sa base était extrêmement ténue et ne reposait en fait que les le projet bourgeois national qui accordait (soit-disant) une place pour le masses; Thomas Borge l'expliqua ouvertement en 1985: «Il faut considérer le fait que le Front sandiniste, au moment de la victoire, n'était même pas constitué comme un parti politique.
Il n'était qu'un regroupement de caractère politico-militaire qui, au départ, ne parvint pas à s'insérer dans les larges masses et les diriger.(...)
Au début, les objectifs de lutte de ces masses étaient essentiellement revendicatifs. C'est une chose normale, elles ne parviennent à dépasser ce type de vision limitée et sectorielle que lorsqu'elles sont guidées politiquement.»
En juillet 79, au moment de la victoire, il n'y avait que 27.000 syndiqués, une réalité qui n'a pas changé : si dans les 6 mois qui suivent, on enregistre 40.000 nouveaux syndiqués, leur nombre est de 39.000 en 1981 et de 10.000 en 1982.
Si le FSLN tient, c'est grâce à des organisations interclassistes, comme les 12.000 Comités de défense sandinistes, regroupant 500.000 personnes, puis grâce au syndicat Confédération Syndicale des Travailleurs, qui n'était pas l'expression des masses mais un encadrement sandiniste.
Julio Jimenez, coordinateur national de la CST, explique lui-même que «En 1979, les syndicats ne réunissaient que 6 % de la population active. II y avait 6 centrales syndicales, peu organisées et profondément divisées. La CST naquit le 27 juillet 1979. Tout le processus initial de construction du syndicat fut un processus de haut en bas.»
« De haut en bas », voilà le sens de la « révolution sandiniste », et le syndicat CST, le syndicat « officiel », rassemble alors 80% des syndiqués (soit 90.000 adhérents) en 1983.
Cette absence d'organisation populaire n'empêchait pas les trotskystes d'affirmer, comme Michael Lowy, que «La révolution nicaraguayenne ne s'est pas limitée à des tâches "démocratiques bourgeoises".
Au contraire, elle a démantelé le pouvoir politique capitaliste et progressivement sapé le pouvoir économique capitaliste.» (CER, Sur la révolution permanente).
L'économiste de la quatrième Internationale, Mandel, avait pu dire que : «Les camarades sandinistes montrent dans la pratique que (...) l'établissement de la dictature du prolétariat (...) ne conduit pas à la restriction des libertés démocratiques des masses.»
Daniel Bensaïd, l'un des dirigeants de la LCR, affirmait lui que : «Après le 19 juillet 1979, la dualité de pouvoir (existe) entre la bourgeoisie qui représente 80 % du secteur industriel et la révolution prolétarienne derrière son avant-garde sandiniste.»
C'est-à-dire que les trotskystes considéraient que l'appareil d'Etat « bourgeois » avait été détruit, mais que les masses n'avaient pas encore le pouvoir, et qu'elles le feraient par les sandinistes.
Cette vision est exactement celle qu'a Prachanda au Népal, et d'ailleurs les déclarations sandinistes sont les mêmes que celles de Prachanda : « La révolution sandiniste est née dans l'arrière-cour des Etats-Unis.
Ce facteur géopolitique nous a obligés, indépendamment de notre volonté propre, à développer un pluralisme politique et une économie mixte.
Ce schéma rend beaucoup plus difficile le rôle de la direction révolutionnaire au sein des masses. Il n'y a pas et il ne peut pas y avoir de projet idéologique aussi clairement défini que celui qui existait à Cuba. Notre projet à nous est embrouillé, compliqué.» (Thomas Borge)
Là encore il y a l'effacement de la ligne entre classe et nation; de la même manière que Prachanda veut une armée « nationale », le sandiniste Carlos M. Vilas expliquait que : «en même temps qu'une armée nationale, une armée d'une nation née dans le cours d'une lutte anti-impérialiste et populaire.
Ce n'est pas une armée de parti, mais une armée qui reconnaît le contenu politique - et en définitive de classe - du projet de la nation qu'impulse la révolution sandiniste.»
Dans ce cadre, il faut comprendre pourquoi l'une des sources des critiques progressistes faites à la « révolution » sandiniste par en haut au début des années 80 est venue des groupes pro-indiens comme Nitassinan en France et Akwesasne Notes sur le continent américain, se faisant le relais des revendications démocratiques des groupes « indiens » de la côte caraïbe à l'est du Nicaragua.
Le conflit qui a opposé les populations de la côte caraïbe aux militaires sandinistes ne correspond ni à l'image donnée par les idéologies indigénistes, opposant des colons blancs « marxistes » et barbus en tenue militaire à des communautés indiennes « pures » car vivant à l'écart de l'histoire, ni à l'image donnée par la bourgeoisie nationale sandiniste parlant pour sa part d'ennemis du peuple nicaraguayen, fondamentalement réactionnaires et pro-yankee.
Le problème est que la rébellion des populations de la côte Est, au cours des années 80 va au fur et à mesure se confondre avec la contre-guérilla (la Contra) organisée et armée par les impérialistes yankee et leurs valets locaux et régionaux.
La zone de cette guerre dite de « basse intensité » par les impérialistes US, mais de haute intensité pour le peuple, c'est en effet la partie est du pays, qui correspond au territoire anciennement appelé la Mosquitia, le pays miskito.
Cette région est comparativement peu peuplée : seulement 10% de la population vit sur la côte caraïbe à l'est, contre 90% dans les plaines de l'ouest.
A l'ouest, la population est majoritairement formée de métisses, de religion catholique et de langue castillane. La petite-bourgeoisie sandiniste vient de là : il ne s'agit donc pas de colons blancs espagnols.
Le territoire de la côte caraïbe possède des caractéristiques nationales bien différentes. La pénétration espagnole au 16è siècle a été repoussée par les Indiens Miskitos, et du 17è jusqu'à la moitié du 19è siècle, il existe le « royaume de la Mosquitia », qui est un protectorat anglais des Caraïbes.
La population commerce avec les flibustiers et boucaniers anglais et s'allie avec eux contre les Espagnols. La population est mixte, regroupant principalement des Indiens : les Miskitos, Sumos, Ramas, Mayangnas (les Miskitos ayant le nombre et l'hégémonie pour eux), et des Noirs : les Créoles (descendants des Noirs de Jamaïque, anglophones) et les Garifonas (Noirs culturellement proches des Indiens). La langue commune est donc l'anglais, la ville côtière principale se nomme Bluefields.
Le 19è siècle est marqué par la rivalité entre le colonialisme ancien des planteurs anglais et le néocolonialisme yankee pour la domination de la côte, les USA soutenant le Nicaragua contre la Mosquitia. En 1857 des missionnaires protestants US (les frères moraves) débarquent et évangélisent les masses hostiles au catholicisme espagnol pour leur inculquer la soumission au gringo, au salariat et à l'ascétisme laborieux. En 1894 sous l'impulsion yankee l'ancienne Mosquitia disparaît, incorporée de force dans le Nicaragua, néo-colonie US productrice de café.
La contradiction entre le Nicaragua sandiniste et les populations de la côte caraïbe n'est donc pas une question ethnique, mais une question de minorité nationale.
Or l'unité nationale du Nicaragua n'est pas solidement existante, la bourgeoisie nationale qui porte cette unité étant très faible.
Lorsqu'en 1979 elle parvient au pouvoir, la bourgeoisie nationale sandiniste mène la révolution par en-haut, en suivant un chemin bureaucratique : rapide, brutal et improvisé, ne s'appuyant pas sur les exigences démocratiques des masses côtières, mais sur ses nécessités propres de modernisation de l'économie et de construction de l'Etat.
Comme c'est la règle, la bourgeoise nationale faible des semi-colonies ne peut jamais construire cette unité qu'en faisant le vide autour d'elle, pour finir sa course à l'état de bourgeoisie bureaucratique au service d'un impérialisme.
C'est ce processus qui va pousser les populations côtières et la petite-bourgeoisie qui les dirige, à passer par étapes de l'alliance avec le FSLN au conflit ouvert avec lui.
Au départ est formée l'organisation MISURASATA (MIskito SUmu RAma SAndinista asla TAkanka : Alliance des Miskitos, Sumos, Ramas et Sandinistes) qui participe officiellement au gouvernement sandiniste et entend faire valoir ses droits de minorité nationale. Ceux-ci sont vite rejetés.
En 1980 le FSLN mène militairement une campagne d'alphabétisation pour imposer le castillan , et « double » bureaucratiquement le Misurasata en mettant sur pied l'Institut Nicaraguayen pour la Côte Atlantique, pour gérer sans lui la modernisation de l'économie côtière.
L'alliance entre la petite-bourgeoisie côtière qui tient les rênes du Misurasata et sa contrepartie sandiniste, incapable de manier les contradictions non antagoniques avec « sa » minorité nationale, est donc rompue.
Les premières actions armées contre des postes militaires étatiques sont menées au début de la décennie 80. S'ensuit une militarisation de la côte et une politique de vengeance de la part du FSLN. Au départ, le Misurasata mènait simplement une politique armée de pression sur le FSLN pour l'autonomie. Mais l'impérialisme yankee et les caciques locaux profitent de l'instabilité pour mener leur contre-guérilla, visant à renverser le FSLN.
La nature petite- bourgeoise du Misurasata explique qu'à partir de 1982 elle ne peut éviter le rapprochement avec les autres groupes militaires anti- sandinistes, car sa politique est devenue une politique anti- populaire et ses commandants des véritables seigneurs de la guerre: l'aspect guerrier est principal voire unique, la vie sociale n'est pas réorganisée selon les voeux des masses côtières, mais au contraire, la corruption et le caciquisme règnet et les destructions de villages et de vies dévastent l'est du pays.
La base rurale miskito et les minorités non miskitos se détachent donc de la politique de l'organisation appelée désormais «Misurata», ce qui n'empêche pas son unification en 1986 avec toutes les organisations militaires de la Contra sous le commandement yankee.
Ayant gagné par épuisement, la Contra finit par reprendre le dessus et la bourgeoisie bureaucratique avec les sections petites bourgeoises qu'elle a finit par s'allier reprend «pacifiquement» le pouvoir au Nicaragua à la charnière des années 80-90.
Voilà comment Ortega, l'URSS s'étant effondré, est allé chercher l'appui des bourgeoisies impérialistes européennes, pourquoi le FSLN a rejoint l'Internationale socialiste.
Après trois tentatives échouées pour être président, Ortega a enfin réussi son but, et cela montre le caractère illusoire de ses propos comme quoi : «Au Nicaragua, nous avons fait une révolution afin de pouvoir atteindre le développement et nous ne sommes pas en train de défendre un modèle capitaliste; mais nous ne prétendons pas non plus établir dans ce pays un Etat socialiste où la propriété privée cesserait d'être privée pour devenir propriété d'Etat.(...)
Nous devons être clairs et fermement convaincus que l'étape actuelle au Nicaragua est celle de la défense du pouvoir révolutionnaire, que notre situation n'est pas celle de Cuba.
Notre révolution a une orientation socialiste, c'est définitif, mais nous ne sommes pas dans l'étape où l'application de quelques mesures de type socialiste pourrait contribuer à l'objectif principal qui est la défense du pouvoir révolutionnaire.»
Opposer politique et économie, voilà ce qui révèle le caractère bourgeois d'Ortega à l'époque, et c'est ce qu'il fallait faire au lieu de faire comme les trotskystes et d'affirmer que le capitalisme a été vaincu au Nicaragua!
Mais il est des gens qui, sans affirmer cela, ont soutenu les sandinistes comme appliquant de manière totalement correcte la ligne de Mao Zedong.
Ainsi le dirigeant du Parti du Travail de Belgique, Ludo Martens affirmait ; «A un autre moment, Ortega dira : « Ce que certains semblent ignorer, c'est que le socialisme est arrivé au Nicaragua le 19 juillet 1979, ils n'ont pas compris que les Sandinistes sont socialistes. Et notre socialisme défend en premier lieu les ouvriers et les paysans, qui sont les forces primordiales de la nation, mais il donne à tous les secteurs la possibilité de produire et de contribuer, il protège les producteurs individuels, les éleveurs, il donne la terre aux paysans, à ceux qui produisent le café, les cultures de base, le coton.
Notre socialisme défend l'économie mixte et le pluralisme politique.» (ANN, n°118, 20 juillet 88, p.7)
De ceci, on peut retenir que les Sandinistes, poussés par la critique des ouvriers, ont manifestement besoin de confirmer leurs intentions stratégiques socialistes. Leur insistance sur le socialisme «présent», est essentiellement de la rhétorique. Le contenu qu'ils donnent à ce «socialisme», est celui d'une démocratie anti-impérialiste révolutionnaire, basée sur les ouvriers et les paysans et incluant les capitalistes nationaux. » (La révolution sandiniste et la révolution permanente)
Ainsi, les trotskystes et les marxistes-léninistes du PTB expliquaient que le Nicaragua sandiniste était un pas socialiste, alors qu'il n'y avait ni comités populaires, ni soviet, ni parti communiste, ni armée rouge, etc.
Il faut au contraire apprendre de Mao Zedong qui a parfaitement appliqué la ligne de l'Internationale Communiste : « Il existe dans les pays opprimés deux mouvements qui, chaque jour, se séparent de plus en plus : le premier est le mouvement bourgeois démocratique nationaliste qui a un programme d'indépendance politique et d'ordre bourgeois ; l'autre est celui des paysans et des ouvriers ignorants et pauvres pour leur émancipation de toute espèce d'exploitation.
Le premier tente de diriger le second et y a souvent réussi dans une certaine mesure. Mais l'Internationale Communiste et les partis adhérents doivent combattre cette tendance et chercher à développer les sentiments de classe indépendante dans les masses ouvrières des colonies.
L'une des plus grandes tâches à cette fin est la formation de partis communistes qui organisent les ouvriers et les paysans et les conduisent à la révolution et à l'établissement de la République soviétique. » (IC, Troisième congrès).
« Le Nicaragua a fait une révolution inachevée et son problème est que là-bas, le Pouvoir de toute la grande bourgeoisie n'a pas été détruit ; ils se sont centrés sur l'anti-somozisme ; je crois que c'est un problème.
Une révolution démocratique doit balayer les trois montagnes et là-bas, cela n'a pas été fait ; par ailleurs, elle se développe avec des critères cubanistes, réajustés ces derniers temps, et ceci mène simplement à dépendre, en dernier recours, de l'Union Soviétique. Comment le met-on en évidence ?
C'est dans les pourparlers entre les représentants diplomatiques des deux superpuissances qu'on traite, qu'on voit, qu'on manie la situation du Nicaragua, ainsi que celle de l'Afghanistan ou celle du Moyen Orient ; elles sont très symptomatiques, les démarches et contre-démarches qu'ils font, et coïncident avec les réunions et les accords entre les superpuissances, les mesures qui ensuite sont prises au Nicaragua, dans leur relation avec la " contra ".
Il nous semble que le Nicaragua pour continuer sur la bonne voie, comme le mérite bien ce peuple héroïque, doit développer la révolution démocratique complètement et ceci implique pour lui une guerre populaire ; il doit rompre le commandement de l'Union Soviétique, prendre en main son propre destin et défendre son indépendance de classe ; ceci exige un Parti et évidemment, exige de s'assujetir à la conception du prolétariat ; sinon il continuera d'être une place de l'échiquier et c'est lamentable. Nous croyons que ce peuple a montré une grande combativité et que son destin historique ne peut être que celui de développer la révolution comme il se doit : avec un Parti basé sur le marxisme-léninisme-maoïsme et une guerre populaire et de se développer indépendamment, sans aucune tutelle de personne, ni de près, ni de loin. » (Gonzalo, Interview)
Pour le PCMLM, janvier 2007.