Sursis général au procès en appel des Goodyear d'Amiens
Submitted by Anonyme (non vérifié)La lutte des Goodyear contre la fermeture de leur usine de pneus à Amiens était passée par la retenue pendant 32 heures de deux cadres de l'entreprise, le directeur des ressources humaines et le directeur de la production.
Ce n'était, toutefois, pas une séquestration au sens politique du terme. C'était une simple reprise de la forme, sans le contenu. C'était une sorte de réformisme violent, porté par un esprit syndical « dur » typiquement cégétiste de notre époque.
La démarche se veut explicitement comme ne relevant pas de la lutte de classes, mais une simple opposition musclée à des « patrons voyous ».
Avec un calibrage tellement erroné historiquement, idéologiquement, culturellement, la défaite était inévitable. On est à l'exact opposé de l'esprit offensif de la Gauche Prolétarienne concernant ce genre de méthode.
À ce titre, huit anciens salariés, dans le contexte de faiblesse sur le plan de l'organisation, de l'idéologie et de la culture, ont dû affronter une inculpation pour « séquestration et violences en réunion ».
L’État, fort du caractère apolitique de la démarche, a pu frapper aisément.
Et comme nous ne sommes nullement dans un État policier, comme le pense l'ultra-gauche, c'est de manière très intelligente que l’État a joué le jeu.
Le procès s'est donc déroulé en deux temps : tout d'abord, une condamnation brutale à 24 mois de prison dont 9 ferme à la mi-janvier 2016. On frappe les esprits, on fait peur, on appuie bien fort sur le point faible qu'est l'apolitisme.
Puis, une fois les choses remises à leur place, que l’État a sauvé la face du capitalisme tout de même assez sali par cette action, il y a le paternalisme qui s'instaure.
Avec donc un second procès, en cette mi-janvier 2017, avec une condamnation « symbolique » consistant en du sursis.
Ce qui donne, en pratique pour les personnes concernées, trois mois avec sursis pour deux d'entre eux, douze mois avec sursis avec cinq ans de mise à l’épreuve pour cinq autres, une relaxe enfin pour le dernier.
La poire a été coupée en deux dans cette lutte syndicale : le chef d'accusation de « violences en réunion » a été abandonné, tout comme les peines de prison, mais il reste toutefois le sursis comme menace symbolique.
L’État a splendidement joué : il a permis à la CGT de se présenter comme combative, celle-ci mobilisant plus de 5000 personnes à Amiens au premier procès, plusieurs centaines encore au second.
La CGT a gagné en prestige, se présentant comme une sorte de rempart, alors qu'en réalité elle est une collaboratrice de classe de première.
Et, en même temps que la CGT sauve la face, l’État apparaît comme responsable, mesuré mais ferme, etc.
L'avocat général a même tenu ces propos afin de bien préciser le sens de sa démarche :
« Cette séquestration a été programmée, ce n’est pas un mouvement qui arrive d’un seul coup.
Dès le départ, on sait que la décision de retenir ces personnes, de séquestrer ces gens-là avait été prise. Cette séquestration a même été revendiquée devant les chaînes de télévision qui ont été appelées pour l’occasion. Et si on accepte les séquestrations, on tue le dialogue social. »
Ce message est d'autant plus important que :
– l'avocat général avait requis « uniquement » deux ans de prison avec sursis, mettant tout de suite les points sur les i sur le plan du degré de répression,
– les deux cadres retenus avaient enlevé leur plainte et que le procès a donc eu lieu à l'initiative du parquet lui-même, c'est-à-dire de l'appareil d’État lui-même disant au parquet de le faire.
L’État a joué ici impeccablement le jeu de la contre-révolution. Cela montre à quel point, sans idéologie, sans le matérialisme dialectique, on perd à tous les coups face à un cadre réformiste bien rodé et se durcissant qui plus est avec la crise générale du capitalisme…
Face à un État, il faut avoir le niveau idéologique, culturel, organisationnel, d'un autre Etat ! C'est cette formation que permet lesmaterialistes.com.