Les révisionnistes saluent la mémoire de Castro « l'anti-impérialiste »
Submitted by Anonyme (non vérifié)Fidel Castro a été un orateur sachant lancer de violentes diatribes « anti-impérialistes », mais en réalité il a été un pion de l'Union Soviétique durant la guerre froide.
Pour cette raison, sa mort a été prétexte à de très nombreuses réactions diplomatiques très formelles : même le Vatican a affirmé que le pape priera pour son âme.
De très nombreux chefs d’État ont salué la mémoire de Fidel Castro, soulignant son rôle « historique », son refus de la « domination », voire de « l'impérialisme ». François Hollande a par exemple affirmé la chose suivante :
« Fidel Castro était une figure du XXe siècle. Il avait incarné la révolution cubaine, dans les espoirs qu’elle avait suscités puis dans les désillusions qu’elle avait provoquées. Acteur de la guerre froide, il correspondait à une époque qui s’était achevée avec l’effondrement de l’Union Soviétique. Il avait su représenter pour les cubains la fierté du rejet de la domination extérieure. »
Voici également les propos dithyrambiques de Justin Trudeau, le premier ministre du Canada membre du Parti libéral :
« Fidel Castro, leader plus grand que nature, a consacré près d’un demi-siècle au service du peuple cubain. Révolutionnaire et orateur légendaire, M. Castro a réalisé d’importants progrès dans les domaines de l’éducation et des soins de santé sur son île natale.
Bien qu’il était une figure controversée, ses supporters et ses détracteurs reconnaissaient son amour et son dévouement immenses envers le peuple cubain, qui éprouvait une affection profonde et durable pour “el Comandante” (…).
Aujourd’hui, nous pleurons avec le peuple de Cuba la perte d’un leader remarquable. »
Le président François Hollande a bien résumé cette approche visant à dire que Fidel Castro a joué un rôle « anti-impérialiste » conséquent, authentique, mais que le régime mis en place n'a pas été conséquent, pas démocratique, etc.
La raison de cette démarche est qu'il existe en Amérique latine un gigantesque populisme « anti-impérialiste », qui ne vise en réalité qu'à tomber dans les bras d'autres puissances. « L'anti-impérialisme » de Salvador Allende au Chili, du FMLN au Salvador, du FSLN au Nicaragua, était en fait un soutien direct au social-impérialisme soviétique.
Cuba a ainsi envoyé pas moins de 500 000 soldats en Angola, de 1975 jusqu’en 1988, afin de soutenir le Mouvement populaire de libération de l'Angola pro-soviétique ; ses soldats interviendront aussi en Ethiopie.
Cuba a également été l'intermédiaire « anti-impérialiste » de l'URSS pour fournir des armes à l'Algérie devenue « indépendante », mais également des conseillers spéciaux et des armes au Guinée-Bissau, au Congo-Brazzaville, au Zaïre (Congo-Kinshasa), au Bénin.
A cela s'ajoute bien entendu l'Afrique du Sud, l'ANC étant une force pro-soviétique, disposant par conséquent également d'armes et de conseillers spéciaux.
Le social-impérialisme soviétique a su historiquement habiller son interventionnisme, ses agressions, derrière le masque de « l'anti-impérialisme ».
En Europe, les campagnes de soutien à Nelson Mandela ou aux sandinistes du Nicaragua ont permis aux révisionnistes de se donner une image « anti-impérialiste », progressiste, alors qu'en réalité tout cela était au service de l'URSS dont le budget militaire gonflait d'année en année, avec un complexe militaro-industriel d'une pesanteur extrême.
Les maoïstes ont toujours dénoncé cela historiquement, naturellement. [Le passage concernant la critique du pseudo-maoïsme est ici publié à part.]
Nos révisionnistes français, naturellement, expriment leur plus grand regret quant à la mort de Fidel Castro.
Tant le PRCF que le PCRF, issus du parti « communiste » français du début des années 1990, ne tarissent évidemment pas d'éloges sur Fidel Castro.
Le PCRF, qui vient de se former, prétend être anti-révisionniste mais il salue de manière complète la mémoire de Fidel Castro, le grand allié de Nikita Khrouchtchev, de Leonid Brejnev, etc. Dans la « Lettre du PCRF [au parti « communiste » cubain] en hommage au camarade Fidel Castro », on lit entre autres :
« Le camarade Fidel Castro aura été pendant plus d’un demi-siècle un exemple et une source d’inspiration pour les communistes et les révolutionnaires du monde entier. Il a osé affronter, à quelques centaines de kilomètres de ses côtes, la plus grande puissance impérialiste, les États-Unis, et proclamer le caractère socialiste de la révolution cubaine (…).
Dans les années noires où la contre-révolution l’a emporté en Union Soviétique et dans les pays socialistes européens, le camarade Fidel Castro a représenté pour des millions de révolutionnaires dans le monde le symbole de la fermeté et de la détermination (…).
Nous, les communistes révolutionnaires de France qui brandissons bien haut le drapeau de la révolution, nous inclinons respectueusement devant la figure du camarade Fidel Castro et nous faisons le serment de continuer son combat. »
C'est là une démonstration complète de révisionnisme, Fidel Castro n'ayant aucun rapport, de prêt ou de loin, avec les concepts du matérialisme dialectique. Le PRCF prétend défendre Staline : il salue ici l'un de ses plus grands contempteurs historiques.
Le PRCF fait de même, ce qui est logique puisqu'il exprime la nostalgie du grand P«C»F des années 1980. « Dans nos cœurs et nos luttes, TU VIVRAS, COMMANDANTE ! » dit son document, où on lit :
« Le secrétariat national du PRCF est certain d’exprimer les sentiments unanimes des militants du Pôle en déclarant que ce 25 novembre 2016 restera comme une date noire pour Cuba socialiste, pour le Mouvement communiste international, pour tous les peuples en lutte et pour l’ensemble des militants franchement communistes et progressistes de France (…).
Pendant toute la durée de son alliance avec l’URSS et le camp socialiste, Fidel, Raul et le PC de Cuba ont été à la tête du Mouvement anti-impérialiste mondial, Fidel présidant même le Mouvement des non-alignés à la fin des années 70.
C’est notamment grâce à Cuba et à son contingent internationaliste en Angola que l’armée raciste de Pretoria, lourdement armée par les Etats-Unis et soutenue par Thatcher, fut vaincue à Cuito Carnevale, ce qui ouvrit la voie à la défaite des racistes et à la libération du Zimbabwe, de la Namibie et de l’Afrique du Sud : c’est ce qu’a toujours reconnu Mandela, dont la première visite comme chef d’Etat fut réservée à Fidel (…).
En un sens, les deux magnifiques formules de Fidel « patria o muerte », « socialismo o morir » résument les tâches des communistes de la planète entière : par-delà le caractère héroïque de ces proclamations, il faut saisir qu’à notre époque la lutte révolutionnaire passe par la défense patriotique de l’indépendance nationale face aux Empires fascisants qu’a consolidés la re-mondialisation de l’exploitation capitaliste.
Face à l’exterminisme impérialiste, auquel conduit sur tous les plans (militaire, économique, environnemental, sociétal…) le capitalisme pourrissant de notre temps, le socialisme est la seule issue vitale pour l’humanité ; si bien que le Mouvement communiste renaissant devra de plus en plus défendre, non seulement la justice sociale propre à une société sans classes, mais tout simplement, le droit de l’humanité à la vie et au développement. »
C'est là, par ailleurs, un mélange de révisionnisme, de soutien au social-impérialisme soviétique, et de discours national-révolutionnaire.
Quand on sait que le PRCF soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon, on devine aisément ce en quoi il va se transformer : en nationalisme « de gauche » liquidant ouvertement le marxisme qui n'est déjà ici que totalement fictif.
Un autre exemple de révisionnisme est celui du Parti Communiste des Ouvriers de France, qui est historiquement issu de la bataille anti-révisionniste des années 1960.
Voici l'intégralité de son communiqué, qui est machiavélique. En effet, Fidel Castro est salué comme « anti-impérialiste », au lieu de dénoncer (comme il y a trente ans) le laquais du social-impérialisme soviétique.
Son œuvre est saluée, mais relativisée dans la mesure où il n'est pas dit que c'est du socialisme, ce sont les peuples qui l'ont compris ainsi.
C'est du populisme pro-Castro masquant le fait qu'en fait le PCOF n'y croit pas du tout, ce qui est un calcul machiavélique.
« Nous saluons le révolutionnaire qui, avec ses compagnons, avec son parti, avec le peuple, ont libéré Cuba de la domination de l'impérialisme US.
Son nom est lié aux réalisations sociales, culturelles, économiques, qui ont été saluées par les peuples comme des avancées dans la voie du socialisme.
Il a été constamment la cible des attaques de la réaction et de l'impérialisme : c'est encore vrai aujourd'hui.
Nous assurons le peuple cubain de notre solidarité dans son combat pour défendre les réalisations de la révolution, pour défendre sa souveraineté menacée par l'impérialisme. »
Mentionnons également la position du Nouveau Parti Anticapitaliste, dont l'ancêtre, la Ligue Communiste, a été un mouvement trotskyste jouant sur la corde « castro-guévariste » pour recruter dans la jeunesse.
Preuve de complicité historique, le communiqué s'intitule même « Mort de Fidel ».
« Fidel Castro sera identifié, à jamais, au dirigeant de la révolution cubaine. Celui qui a renversé une dictature sanglante, celle de Batista. Celui qui s’est opposé durant plus de cinq décennies à l’impérialisme américain.
Dans les années 60, la révolution cubaine aura été un immense espoir pour tous les peuples qui luttaient pour leur libération nationale et sociale. Fidel et les révolutionnaires cubains ont su dire Non à l’impérialisme.
Dans ces années là, des foyers de lutte latino américains à certaines des luttes de libération africaines, Fidel et ses camarades auront incarné l’internationalisme et la solidarité anti-impérialiste.
Ils auront suscité l’enthousiasme des jeunes générations révolutionnaires.
Si nous avons toujours défendu la révolution cubaine, nous avons aussi marqué nos désaccords, notamment sur la politique de l’Etat cubain vis à vis de son soutien à la bureaucratie soviétique et sur les conceptions des révolutionnaires cubains quant à la démocratie politique. »
Même Lutte Ouvrière salue « l'anti-impérialisme » de Fidel Castro ! Voici son communiqué.
« Mort de Fidel Castro
Lorsqu’en 1959 Fidel Castro et ses partisans renversent Batista, un dictateur brutal, fantoche des Etats-Unis, il ne se revendique pas encore du communisme. Ce n’est qu’après que les dirigeants des Etats-Unis aient rompu avec le nouveau régime cubain qu’il choisit cette référence. Il se tourna alors vers l’URSS pour tenir face aux pressions militaires et au blocus économique que les dirigeants impérialistes imposèrent à Cuba. Et face à son voisin, le géant américain, le leader du monde impérialiste, il a su tenir pendant des décennies.
Cuba, isolé, est certes resté un pays pauvre. Mais il a connu des développements que n’ont pas connus les pays des Caraïbes voisins, avec son système médical ou éducatif par exemple. Mais ni Cuba ni Castro, pas plus que les dirigeants du bloc de l’Est ou de la Chine, n’étaient communistes. Le communisme est la mise en commun des moyens de production au profit de toute la société, ce qui suppose une révolution ouvrière qui ne reste pas isolée dans un seul pays, petit et qui, qui plus est, se retrouve coupé de l’économie mondiale.
Il faut reconnaître en Fidel Castro un dirigeant nationaliste conséquent. Mais pas un dirigeant communiste, même s’il en a choisi l’étiquette, en s’alignant sur la caricature qu’en avaient faite Staline et les staliniens, singeant son régime et ses rituels, y compris les plus repoussants.
Tel fut son apport, qui ne doit pas masquer ses limites. »
Cela montre le besoin d'une économie politique solide, d'une compréhension correcte du matérialisme dialectique : sinon, on tombe tellement bas qu'on en arrive à valoriser quelqu'un comme Fidel Castro !