La SNCF, une superstructure nationale au service du capitalisme monopoliste d’État (deuxième partie)
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C'est déjà l'État qui avait organisé et décidé le développement des réseaux ferrés en France avant la création de la SNCF, notamment sous le second Empire. Seulement, les réseaux fonctionnaient chacun de manière isolée. Chaque compagnies ou réseaux avait ses propres règlements de sécurité, son propre système de signalisation et il était difficile de passer d'un réseau à l'autre. Aussi, le secteur du chemin de fer en France, qui était à son apogée en 1914, va difficilement se remettre des conséquences de la première guerre mondiale. L’apparition de l'automobile et des premiers camions commence alors également à concurrencer les compagnies de chemin de fer et met en péril leur équilibre financier.
L’État va donc complètement prendre à sa charge le développement du chemin de fer en France à partir de 1938 pour combler le déficit des compagnies. C'est la création de la SNCF, la Société Nationale de Chemin de Fer pour relancer et restructurer le secteur. Dès les premières années, ce sont des milliers de km de voies qui sont supprimés, de nombreuses lignes sont fermées et les tarifs sont revus à la hausse.
Les propriétaires des compagnies ne sont pas expropriés, ils restent détenteur des capitaux de la SNCF à 49%, les 51% restants étant complètement détenue par l’État, ce qui en fait une entreprise publique. La SNCF prend le statut de Société Anonyme d'économie mixte (privé + publique) et est créée pour une durée de 45 ans. L'État ne peut pas garantir la rentabilité de l'entreprise, mais la convention de nationalisation l’engage à verser des indemnités compensatrices aux actionnaires pour pallier à l'absence de recettes. Au terme des 45 ans de l'accord, les propriétaires des compagnies devaient être totalement « indemnisés ».
Le chemin de fer en France entre alors dans une deuxième phase de son histoire.
En tant que tel, ce secteur ne permettait plus véritablement d'accumulation de capital, les frénésies spéculatives du milieu du XIXème siècle était bien loin. Par contre, l'impérialisme français avait besoin d'un réseau moderne et unifié pour structurer le territoire national. Cela pour garantir le déplacement de population, des unités militaires, mais aussi pour favoriser la circulation des marchandises.
Les règlements de sécurités, la signalisation, l'administration des gares et le statut du personnel est alors unifié. La Bourgeoisie commence alors à développer la notion de service publique, illustrant le fait que le secteur n'est pas tout à fait un secteur industriel comme les autres, mais n'est pas non plus une administration d’État pour autant. Les personnes travaillant à la SNCF n'ont pas (et n'auront jamais) le statut de fonctionnaire.
Par contre, la Bourgeoisie concède déjà un statut particulier au personnel de la SNCF et cède sur des revendications importantes. La Classe Ouvrière des chemins de fer est historiquement très combative et même les éléments non-ouvriers de l'entreprise sont aspirés par la culture prolétarienne qui marque l'esprit « cheminot ». On pense ici à Pierre Semard, importante figure Communiste en France, qui était rentré au secrétariat du chef de gare de Valence en 1912, un poste administratif, et qui est ensuite devenu un chef de la Classe Ouvrière.
Petit à petit, profitant des difficultés de la lutte antifasciste en France, et notamment des erreurs de la SFIC dans la réalisation du Front Populaire, la Bourgeoisie française va mettre en place une politique d'intégration des cheminots à l'appareil productif, afin de le moderniser. La nationalisation des chemins de fer en 1938 marquera l’apogée de cette politique.
La répression suite à l'échec de la grande grève générale de 1920, dont la nationalisation du chemin de fer était un mot d'ordre principal, avait fait des dégâts dans l'esprit des cheminots. Particulièrement la révocation de 18 000 d'entre-eux, qui avaient refusés de cesser la grève. Ensuite, les tentions entre les lignes communistes, anarcho-syndicalistes et sociales-démocrates au sein du mouvement ouvriers ont largement ébranlé l'unité ouvrière.
C'est d’ailleurs suite à l'exclusion par la CGT de la Fédération des cheminots, largement acquise à la Révolution russe de 1917, que va être crée la CGT-U (unitaire) en 1921. La CGT-U est liée au Parti Communiste jusqu'à la réunification des deux syndicats 15 ans plus tard.
En 1936, le gouvernement de Léon Blum négocie l'octroie de 21 jours de congé, la semaine des 40 heures, des conventions collectives particulières ainsi que la réintégration des révoqués de 1920. La CGT (réunifiée), quant à elle, s'engage en contrepartie à éviter une occupation des chemins de fer. C'est dans ce contexte que en 1937 Pierre Semard se prononcera, au nom de la CGT, en faveur de la nationalisation et de la création de la SNCF.
Les syndicats sont alors intégrés à la gestion de la SNCF. C'est ainsi que la bourgeoisie va pouvoir pacifier les cheminots, avant-garde combative de la Classe Ouvrière, et s'appuyer sur l’intelligence ouvrière pour moderniser le chemin de fer en France.
Cependant, l'intégration ouvrière ne va pas se faire sans heurts. Par exemple, la bourgeoisie ne parviendra pas à empêcher une partie des cheminots à fournir et acheminer du matériel pour aider la République espagnole contre le fascisme. Mais aussi, la grève de novembre 1938 en réaction au sabotage des conquêtes du Front Populaire par la Bourgeoisie, marquera les difficultés de la politique de collaboration de classe. La bourgeoise ayant dus même décréter la réquisition des cheminots le 25 novembre 1938.
La deuxième guerre mondiale va mettre fin à ces antagonismes et la SNCF va pouvoir se développer totalement sur ce modèle au sortir de la guerre.
Le film « La Bataille du Rail » (1946), qui relate le rôle héroïque des cheminots dans la Résistance contre l'occupation nazi, témoigne de cette esprit de collaboration de classe qui règne au sortir de la Guerre. Au point que la direction de la SNCF à dus participer à la réalisation de ce film, mettant du personnel à disposition, ouvrant les locaux, prêtant du matériel et mettant même à disposition une locomotive pour réaliser (sans trucage) une extraordinaire scène de sabotage dans laquelle la locomotive déraille et s’effondre dans une vallée...
Au passage il est à noter que le film fut très vite retiré des salles car les scènes de sabotage inspiraient la résistance contre l'impérialisme français en « Indochine ».
Au sortir de la guerre, la SNCF a un grand rôle dans la reconstruction et la modernisation du pays. Le réseaux va pouvoir se développer grâce aux surprofits issus du nouveau cycle d'accumulation capitaliste suite à la fin de la guerre et à l'expansion de l'impérialisme français. La SNCF s'affranchit des impératifs de rentabilité pour devenir un élément important de la superstructure impérialiste française.
Le réseau se développe et devient un service très réglementé par l’État, dessert une grosse partie du territoire national, désenclave partiellement les campagnes, assure l'unité et la cohérence du territoire. Le chemin de fer à également un rôle dans le développement des villes et l'accentuation de l'étalement urbain. L'apparition du RER à la fin des années 1970, le Réseau Express Régional, accélérera largement ce processus en région parisienne.
L'électrification du réseau amorcée dans les années 1950 (même si le système existait auparavant), va être à l'origine d'une massification du transport de marchandises à travers le pays en permettant la circulation de trains immenses, très lourds. C'est d'abord le charbon et le minerai des fer qui sont surtout transportés, depuis les mines vers les usines.
A partir des années 1960, ce sont principalement des produits chimiques, de métallurgie et des marchandises plus « légères » qui sont transportés en masse (fruits et légumes, boissons, automobiles, etc.)
L’électrification se fera aussi le long de grands axes entres les principales villes de France afin de faire rouler des trains plus grands et plus rapides. En 1967, le train « capitole » circule à 200 Km/h entre Paris et Toulouse.
Tout ces investissements très importants nécessaires au développement de la SNCF ne pouvait que être pris en charge par l’État. Dans le même temps la productivité à largement augmentée, les effectifs de la SNCF passant de 515 000 personnes en 1938 à 355 000 en 1960 (255 000 en 1980 et 160 000 en 2010).
À partir des années 1970, une parties des fonctions prises en charges par les chemins de fer est alors remplie par la massification de l'automobile. Le secteur doit alors se restructurer et acquérir un rôle intermédiaire entre l'automobile et le transport aérien qui se développent.
C'est à cette époque que le Train à Grande Vitesse va être développé, jusqu'à devenir un élément essentiel de l'impérialisme français. Dans le même temps, le réseau secondaire commence à être totalement abandonné car inutile au développement de capitalisme français.
La création de la SNCF en 1938 aura permis à l’État de prendre en charge la modernisation du réseau et d'intégrer la Classe Ouvrière à ce processus, par le biais du chauvinisme d'entreprise qui s'est développé parallèlement.