15 mar 2015

Ivana Hoffmann, tombée en Syrie

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Hier a été enterrée Ivana Hoffmann dans la ville allemande de Duisbourg, à la frontière avec la Hollande, dans la Ruhr. Elle avait été tuée le 7 mars 2014 en combattant dans les rangs des forces kurdes s'opposant à l’État Islamique en Syrie.

Née en 1995 d'un père togolais et d'une mère allemande, Ivana Hoffmann avait rejoint en 2011 les rangs d'un mouvement de jeunesse lié à l'organisation turque « pro-albanaise », le MLKP (Parti Communiste Marxiste-Léniniste).

En cela, elle a rejoint une tradition existant depuis plus de 30 ans dans les pays germanophones (Allemagne, Autriche, Suisse), avec régulièrement des gens, en très grande majorité des femmes, soutenant et rejoignant des organisations révolutionnaires actives en Turquie.

Cependant, les situations ont jusqu'à présent été très différentes du cas présent. En effet, il y avait deux cas de figures :

* Le premier cas est celui de gens ayant un parcours révolutionnaire très solide dans leur propre pays, en liaison avec des réseaux communistes clandestins plus ou moins proches de la lutte armée. Pour des motifs idéologiques et au bout donc de plusieurs années, il y a alors adhésion à une organisation révolutionnaire de Turquie.

Une figure très connue ici est Barbara Kistler, une Suisse qui a rejoint le TKP(ML).

* Le second cas est celui de gens relativement jeunes décidant de soutenir, pour des motifs démocratiques ou révolutionnaires, une organisation révolutionnaire de Turquie.

Dans ce cas de figure, il va de soi qu'il y a toujours une frontière extrêmement nette qui existe entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas, afin qu'en aucun cas ne soit menacé ces « internationalistes » dans leur propre pays ou en Turquie.

Le cas d'Ivana Hoffmann n'a rien à voir avec ces deux cas de figures, parce qu'elle a rejoint le MLKP très tôt, pour être envoyée il y a six mois en Syrie, afin de rejoindre les Unités de protection du peuple (Yekîneyên Parastina Gel, YPG), branche armée du Parti de l'Union Démocratique qui consiste en le PKK en Syrie.

Son coprésident Salih Muslim fut d'ailleurs présent à l'enterrement d'Ivana Hoffmann à Duisbourg, son corps ayant été rapatrié il y a quelques jours, sa mère se déplaçant officiellement pour la récupérer à la frontière entre la Syrie et la Turquie.

La Turquie ne s'est pas opposée au rapatriement, pas plus que l'Allemagne ne s'est opposée à l'enterrement public, pour une raison simple : l'Allemagne soutient les forces kurdes en Syrie en fournissant du matériel militaire, notamment des missiles anti-chars. Quant au PKK, son responsable Abdullah Öcallan a de nouveau appelé à ce que les armes soient déposées dans le cadre de la réconciliation avec la Turquie.

La Turquie, quant à elle, a massivement investi en Irak dans la partie kurde, et son objectif ouvert est la partition de la Syrie.

Il faut se rappeler ici que si tous les anarchistes de France soutiennent désormais le PKK, c'est que ce dernier a comme projet l'autogestion, sur une base ethnique, le tout étant appelé « fédéralisme ». Ce projet est appelé « Rojava » dans la zone qui démembre une partie de la Syrie.

Il faut savoir ici aussi qu'Ivana Hoffmann se définissait comme membre de la communauté LGBT, et que le MLKP a comme ligne depuis plus de dix ans de soutenir totalement le PKK. C'est une ligne traditionnellement critiquée par les autres organisations révolutionnaires, sauf qu'avec le reflux général en Turquie, nombreuses sont celles qui se sont tournées vers le PKK afin de maintenir leur existence, notamment militaires dans les zones kurdes.

La seule exception, de taille, est celle du DHKP-C, la plus grosse organisation d'extrême-gauche en Turquie, de type guévariste, qui maintient coûte que coûte, et au prix de très nombreuses frictions avec le PKK, une ligne d'unité de tous les peuples « anatoliens ».

Il est nécessaire d'avoir ici en tête que l'interprétation des conditions économiques est très différente selon les organisations. Aux yeux du MLKP, dans la tradition « pro-albanaise », tous les pays du monde sont capitalistes, et Ivana Hoffmann, dans une lettre expliquant son départ en Syrie, explique qu'elle va « combattre l'impérialisme ».

Par contre, aux yeux du DHKP-C, la Turquie est dominée par une oligarchie initialement installée par l'impérialisme américain ; pour les maoïstes du TKP/ML, c'est un pays semi-colonial semi-féodal.

La ligne du MLKP est ainsi fondamentalement différente des autres organisations, dans la mesure où elle peut nier tout jeu impérialiste international ainsi que le féodalisme, au profit du seul soutien à la cause kurde, assimilée au PKK.

Les prochains mois montreront si cette ligne était juste ; dans le cas contraire, le MLKP aura soutenu totalement des forces kurdes s'étant vendues à l'impérialisme américain afin de procéder au démembrement de la Syrie et de l'Irak, vendant la cause démocratique en Turquie au profit d'un protectorat kurde dans la région.

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Née en 1995 d'un père togolais et d'une mère allemande, Ivana Hoffmann avait rejoint en 2011 les rangs d'un mouvement de jeunesse lié à l'organisation turque « pro-albanaise », le MLKP. En cela, elle a rejoint une tradition existant depuis plus de 30 ans dans les pays germanophones...