26 juil 2016

L'Italie fasciste et l'antifascisme - 22e partie : État fasciste, État corporatiste

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A quoi ressemble le régime fasciste une fois qu'il a placé dans l'illégalité toute l'opposition et considérablement affaibli le PCI ?

L'une des choses les plus importantes qu'il réalise, dans le cadre italien, est un accord avec le Vatican, signé le 11 février 1929. Ces « accords de Latran » – du nom du palais du Latran, la résidence du pape – donnent naissance à l’État du Vatican, formellement indépendant, et fait de l’Église catholique, apostolique et romaine la tenante de la religion officielle de l'Italie.

L’Église catholique et le fascisme posent ainsi leur convergence. A côté de cela, le 9 décembre 1928 le Grand Conseil du fascisme devient « l'organe suprême qui coordonne toutes les activités du régime », alors que la réforme électorale fait que c'est lui qui choisit les candidats, parmi les organisations patronales, les syndicats, les structures de l’État, etc.

Le 24 mars 1929 a lieu un plébiscite – « Approuvez-vous la liste des députés désignés par le Grand Conseil National du Fascisme ? » – dont le résultat est 98,43 % pour le oui (plus de 8,5 millions de voix), 1,57 % pour le non (avec un peu plus de 135 000 personnes).

On notera que si le corps électoral avait 12 millions de personnes en 1924, il n'en avait désormais plus qu'un peu plus de 9,4 millions.

Ce succès du fascisme tient à la réussite de la mise en place d'une profonde démagogie sociale, reposant sur le principe du « corporatisme » unissant les classes sociales sous un même drapeau national.

Dès la loi du 3 avril 1926, le droit de grève est supprimé et seuls les syndicats « légalement reconnus » ont le droit d'exister : il s'agit des syndicats fascistes qui sont liés au pacte dit du Palais Vidoni, du 2 octobre 1925, à la Confindustria, le syndicat patronal.

Seuls les syndicats fascistes et la Cofindustria ont le droit de former des conventions collectives, dont l’État est l'arbitre.

Le principal syndicat, la CGdL, s'est sabordé dans ce processus, ses dirigeants réformistes formant alors une « Association nationale pour l’étude des problèmes du travail » au service du régime.

En réponse, le PCI avait appelé à reconstituer la CGdL, réussissant à rassembler une trentaine d'organisations syndicales à Milan. Les propos d'un vieux responsable de la CGdL, Villani, témoigne du changement d'orientation dans l'esprit de beaucoup :

« Je suis venu ici au Congrès [de reconstitution] pour dire ceci : vous savez que j’ai toujours été l’un des plus tenaces à combattre votre organisation pour la possession de la Confédération du Travail.

J’ai toujours cru, et c’était une illusion, qu’une nette séparation entre sociaux-démocrates et communistes aurait pu sauver la liberté personnelle et syndicale, au moins pour les sociaux-démocrates, qui auraient pu continuer, dans un régime de liberté relative, leur action de défense de classe. Je le répète, c’était une illusion.

Mais les désillusions viennent toujours après les expériences manquées. Aujourd’hui je suis parmi ces ouvriers sociaux-démocrates qui, mis dans la position de choisir entre deux dictatures, préfèrent et choisissent celle du prolétariat. »

C'était néanmoins trop tard et trop faible, le syndicalisme fasciste avait happé les travailleurs. Au moment de sa dissolution-capitulation, la CGdL n'avait plus que 6000 membres. Le syndicat agricole Federterra – Federazione nazionale fra i lavoratori della terra – était passé de 900 000 membres en 1920 à 2000 en 1926.

Cette situation permit au Grand Conseil du Fascisme de mettre en place en avril 1927 une « Charte du travail », en 30 points, fondé sur les corporations, dont le point 8 donne la définition :

« Les corporations constituent l'organisation unitaire des forces de production et en représentent intégralement les intérêts. En vertu de cette représentation intégrale, les intérêts de le production devenant les intérêts nationaux, la Loi reconnaît donc les corporations ».

Par la suite, un Conseil National des Corporations est mis en place en mars 1930, comme organe consultatif.

Il est également à noter que le fascisme créa dès 1925 un organisme appelé Opera Nazionale Dopolavoro – Œuvre Nationale du Temps libre – se donnant comme tâche de soigner « l'élévation morale et physique du peuple, à travers le sport, les excursions, le tourisme, l'éducation artistique, la culture populaire, l'assistance sociale, l'hygiène, la santé et le perfectionnement professionnel ».

Presque la moitié des travailleurs industriels seront intégrés en 15 ans dans cet organisme, chargé d'encadrer les masses.

On est là au coeur de l'idéologie de Benito Mussolini. Celui-ci, dans le XIVe tome de l'Encyclopédie italienne, à l'article « fascisme », explique dans le passage intitulé « Doctrine politique sociale » :

    « Une doctrine univoque du socialisme, acceptée universellement, avait cessé d'exister en 1905, depuis la naissance en Allemagne du mouvement révisionniste dirigé par Bernstein.

    Par contre, un mouvement de gauche révolutionnaire surgit dans le va-et-vient des tendances, qui en Italie n'alla pas au-delà des palabres tandis que dans le socialisme russe il fut le prélude du bolchévisme.

    Réformisme, esprit révolutionnaire, centrisme : ces mots ne réveillent aujourd'hui aucun écho.

    Mais dans le grand courant du fascisme vous retrouverez les tendances venant de Sorel, Péguy, Lagardelle du Mouvement socialiste et de cette cohorte de syndicalistes italiens qui, entre 1904 et 1914, avaient introduit une certaine nouveauté par leurs publications - les Pagine libere de Olivetti, La lupa de Orano, le Divenire sociale de Enrico Leone — dans les milieux du socialisme italien : un socialisme qui avait été dévirilisé et chloroformé par les fornications giolittiennes [allusion à Giovanni Giolitti, à de nombreuses reprises premier ministre]. »

    Benito Mussolini se veut socialiste dans la tradition syndicaliste révolutionnaire, avec un esprit national unifiant les classes dans le développement de la Nation comme entité toujours plus forte, soutenu par des individus assumant l'idéalisme et non le matérialisme.

    Benito Mussolini expose de la manière suivante sa conception :

    « Le fascisme exige un homme actif et donnant à l’action toutes ses énergies ; il le veut virilement conscient des difficultés qui existent et prêt à les affronter (…). Le libéralisme met l’Etat au service de l’individu ; le fascisme réaffirme l’Etat comme la véritable réalité de l’individu (...).

    La base de la doctrine fasciste est la conception de l’Etat. Pour le fascisme, l’Etat est un absolu en face duquel l’individu et les groupes sont le relatif.

    Sans l’Etat, il n’y a pas de nation. Il n’y a que des groupes humains susceptibles de toutes les désintégrations que l’histoire peut leur infliger.

    Pour le fasciste, tout est dans l’Etat et rien d’humain et de spirituel n’existe hors de l’Etat, pas d’individus, pas de groupes (partis, associations, syndicats, classes).

    C’est pourquoi le fascisme s’oppose au socialisme, qui durcit le mouvement historique de la lutte des classes et ignore l’unité de l’Etat qui fond les classes dans une seule réalité économique (...).

    L'État fasciste s'attribue aussi le domaine économique. Le corporatisme dépasse le libéralisme, il crée une nouvelle synthèse où tous les intérêts sont conciliés dans l'unité de l'État (...).

    Le fascisme s’oppose à la démocratie qui rabaisse le peuple au niveau du plus grand nombre ; il nie que le nombre puisse gouverner grâce à une consultation périodique (...). Le fascisme repousse le pacifisme. Seule la guerre porte au maximum de tension toutes les énergies humaines et imprime un sceau de noblesse aux peuples qui l’affrontent. »

    L’État est le socle de la Nation rassemblant différentes classes, qui doivent raisonnablement s'unir pour progresser ensemble, le devenir historique consistant en des luttes d'individus et de peuple pour davantage de puissance.

    L’État le plus efficace, le plus réel, le plus authentique, est donc une unification nationaliste des classes et à ce titre Benito Mussolini déclare, dans un discours du 1er octobre 1930 :

    « L'État fasciste est ou bien corporatiste, ou bien il n'est pas fasciste ! »

    Les grandes questions: