27 aoû 2006

Pendant ce temps au Balouchistan...

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Akbar Bugti, leader baloutche historique, âgé de 79 ans, a été assassiné et l'état d'urgence a été programmé à Quetta, capitale du Balouchistan, où des émeutes ont éclaté à l'annonce de son assassinat.

Le Balouchistan? Les Baloutches? Ces mots sont totalement inconnus en France. De même que la question palestinienne a été niée jusqu'aux années 1970, la question kurde jusqu'aux années 1990, la question Baloutche est niée jusqu'à aujourd'hui.

Les Baloutches sont une nation de 12 millions de personnes, nation divisée par les impérialistes entre le Pakistan, l'Afghanistan et l'Iran; dans chaque pays les régions baloutches sont les plus pauvres et les plus opprimées.

Dans le Baloutche pakistanais, 55 % de la population vit sous le seuil de pauvreté; le taux d'alphabétisation est de 34 % pour les hommes et de 14,1 % pour les femmes, 25% des villages sont electrifiés et 20% ont accès à l'eau potable.

Les révoltes elles sont noyées dans le sang; la torture et les « disparitions » sont utilisées à côté des bombardements et des opérations militaires, qui ont fait ces toutes dernières années de 300.000 baloutches des réfugiés. 

Historiquement, l'impérialisme anglais avait fait en sorte que son ancien Empire des Indes se divise en différents Etats définis par des critères religieux (Inde et Pakistan/Bangladesh); il fit également en sorte que le Pakistan se renforce en envahissant en 1948, l'Etat du Kalat, qui s'était déclaré indépendant en 1947.

L'Etat du Kalat, qui représentait à peu près le Balouchistan, avait été colonisé par les Anglais au cours du 19ème siècle; le Balouchistan fut en partie dépecé : une partie allant à l'Iran en 1871 (ligne Goldsmith), une autre à l'Afghanistan en 1895 (ligne Durand).

L'Afganistan comptait également en 1947-48 envahir ce qu'elle considère être comme le sud de son teritoire.

Akbar Bugti, qui vient d'être assassiné, était un des dirigeants du mouvement de libération nationale baloutche; il était à l'origine de l'Armée de Libération Baloutche. 

Malgré son âge et le fait qu'il ne dirigeait pas lui-même les opérations militaires, il était une figure nationale d'importance et donc une cible de choix pour l'armée pakistanaise, notamment car il mettait en avant le thème de la présence de l'impérialisme US comme obstacle majeur à la réalisation du Balouchistan.

Akbar Bugti avait bien remarqué en effet que les USA entendent construire la plus grande base militaire de la région d'Asie centrale, dans le le port de Gwadar construit par la Chine.

Akbar Bugti était conscient que les énormes richesses naturelles du Balouchistan attiraient toutes les convoitises.

L'armée pakistanaise a pris le risque de le tuer, au grand dam de la gauche pakistanaise, qui se lamente de l'effet ravageur que cela va avoir, puisque Akbar Bugti était un dirigeant d'une des deux plus grandes tribus : les Bugti (composé d'une centaine de milliers de personnes, la seconde étant les Marri).

La nation baloutche est en effet composée de 500 tribus, dont les principales sont les Rind, Lasher, Marri, Jamot, Ahmedzai, Bugti Domki, Magsi, Khosa, Rakhashani, Dashti, Umrani, Nosherwani, Gichki, Buledi, Sanjarani and Khidai.

La nation baloutche se bat depuis 50 ans. Le Front de Libération Baloutche a été formé en 1964, suivi de l'Organisation de Libération du Peuple Baloutche; lors de l'insurrection de 1973-1977, l'armée pakistanaise envoya 100.000 soldats et aidée de l'armée iranienne écrasa dans le sang la rébellion.

La région baloutche iranienne (provinces du Sistan-Baloutchistan, du Khorassan et du Golestan) est de fait une « zone de sécurité spéciale », victime de l'oppression nationale la plus brutale et les révoltes ne cessent de grandir ainsi que la naissance de structures nationales (comme le Front du Baloutchistan Uni fondé en 2003). 

L'impérialisme US, dans sa concurrence avec les impérialistes français, russe et allemand pour le contrôle de l'Iran, profite de cette oppression pour tenter de manipuler des organisations baloutches, de la même manière qu'il tente de profiter des revendications des minorités nationales iraniennes (comme le Congrès des nationalités » - baloutche, azérie, kurde, arabe et turkmène - qui s'est tenu à Londres en 2005 et qui s'était conclu par un « Manifeste » pour un Iran fédéral, démocratique et laïc).

Le mouvement de libération national baloutche a besoin d'un large soutien internationaliste, afin d'éviter les pièges que lui tendent les impérialisme, pièges similaires à ceux ourdis en Palestine ou au Kurdistan.

Cela est très important pour ne pas tomber dans le discours totalement faux d'une « guerre contre l'Islam » qui ne vise qu'à donner un cachet révolutionnaire aux idées réactionnaires religieuses.

De la même manière il faut rejeter tout le discours sur le « monde arabo-musulman. » Quelle catastrophe que le « Collectif de soutien à la résistance des peuples du Moyen Orient » fondée à Paris parle de « la guerre totale engagée par les gouvernements états-unien et israélien contre les peuples du monde arabo-musulman depuis le 11 septembre 2001, à savoir l'occupation de l'Afghanistan et de l'Irak, les plans agressifs contre la Syrie et l'Iran. »

Cette thèse est ridicule car ni l'Afghanistan ni l'Iran ne sont des pays arabes; qu'il y a de fortes minorités chrétiennes dans les pays arabes, que nombre de peuples et nations opprimés ne sont pas de culture arabe (les Baloutches, les Kurdes, les Assyro-chaldéens, les Laz, etc.) voire musulmanes.

Le Balouchistan n'est pas un pays arabe et est opprimé par des Etats se revendiquant de l'Islam. Le Kurdistan n'est pas un pays arabe et son oppresseur est un Etat laïc non arabe.

Leurs mouvements de libération nationale ne sont-ils pas d'une grande actualité pour autant? 

L'actualité, c'est en fait la naissance et le développement d'une seconde grande vague révolutionnaire, qui après celle allant de la Russie de 1917 à la révolution culturelle chinoise de 1949, marque un assaut encore plus grand et général contre l'impérialisme.

Ce qui doit être au centre des préoccupations de chaque révolutionnaire, c'est ce cadre révolutionnaire, l'internationalisme prolétarien, et non la simple « résistance » aux politiques impérialistes, car le réformisme même armé n'est pas la révolution et se vendra finalement toujours à la force impérialiste concurrençant son propre ennemi, de la même manière que les pays de l'Est européen sont passés sous la coupe de l'impérialisme US et ouest-européen en tentant de se libérer du social-impérialisme russe.

La lutte actuelle ce n'est pas celle de l'impérialisme contre les peuples arabo-musulmans, ni celle de l'occident contre l'Islam; la lutte actuelle, c'est celle du prolétariat international qui se lève contre l'impérialisme et marche en direction de la guerre populaire mondiale, dont les guerres populaires du Pérou, de l'Inde, des Philippines, de Turquie... ne sont que les premières lueurs. « La paix ne pourra s'établir qu'avec l'élimination de l'impérialisme; et le jour viendra où ce tigre en papier sera détruit. Cependant, il ne disparaîtra pas de lui-même, il faut que le vent et la pluie s'abattent sur lui. » (Mao Zedong)

Pour le PCMLM, août 2006. 

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